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Les préalables physiques sont ceux qui touchent l’énergie motrice d’un élève. Je regroupe dans cette catégorie l’état de santé ainsi que les caractéristiques physiques de l’élève. Je ne désire pas établir ici des critères de sélections, mais des conditions qui peuvent créer des obstacles à certains apprentissages. Ces obstacles peuvent être temporaires ou permanents selon le cas. J’ai eu, à plusieurs occasions, des élèves qui étaient dans un état dépressif. Ces élèves croyaient qu’une formation les aiderait à surmonter leur état et pourrait agir positivement sur leur moral.

Apprendre exige de l’énergie, si cette énergie n’est pas disponible en quantité suffisante cela augmente le niveau de difficulté. L’énergie motrice peut être générée par le sommeil, l’alimentation, l’état de santé et l’exercice physique, c’est ce que l’on peut appeler l’hygiène de vie d’une personne. Il ne fait pas oublier que le cerveau, particulièrement lorsque nous mettons en action le cortex, est l’organe qui dépense le plus d’énergie. Notre cerveau a pour fonction de nous maintenir en vie. L’une de ses actions est de gérer l’énergie dont nous disposons pour faire fonctionner nos organes. Lorsque notre état de santé n’est pas bon, notre cerveau gérera la situation en concentrant l’énergie disponible sur l’essentiel des fonctions de notre corps pour nous maintenir en vie. Le cortex est la première partie du cerveau qui sera mis en veille en attendant l’arrivée des jours meilleurs.

Un matin, j’ai eu un élève qui s’était endormi sur son bureau. Je me suis dit que ce n’était pas grave, il ne dérangerait pas les autres. Le lendemain, j’en avais deux qui dormaient sur leur bureau. Un élève m’a demandé pourquoi je tolérais que des élèves dorment en classe. Je lui ai dit « Est-ce qu’ils te dérangent ? », il m’a répondu que ce n’était pas le fait que cela le dérangeait, mais c’était le peu d’importance que pouvait avoir ce que je disais dans le cours pour que des élèves y assistent sans porter l’attention nécessaire. Si mon cours n’avait pas d’importance pour eux en quoi cela en avait-il pour les autres? C’est à ce moment que j’ai compris les incidences qu’il pouvait y avoir entre les comportements d’un élève et la perception des autres sur leur propre comportement. Pourquoi des élèves feraient des efforts, si certains n’en font pas?

J’ai donc réveillé mes dormeurs. Ils n’étaient pas très heureux de se faire déranger. Il en a même un qui m’a dit, en réaction à la situation, que mon cours était tellement plate que je l’avais endormi. Je lui ai simplement dit qu’il n’avait pas eu besoin de mon cours pour cela, il était endormi avant mon arrivée dans la classe. Je n’aurais pas dû répondre à ce commentaire. Cela n’a fait qu’envenimer les choses. J’ai dû envoyer mes élèves en pause pour pouvoir échanger avec mes deux dormeurs. Je leur ai demandé ce qui provoquait leur fatigue. Dans un cas, c’était un problème d’alimentation, il n’avait pas mangé convenablement depuis deux jours. L’autre cas était dû à une soirée trop arrosée. Un des problèmes était dû à une mauvaise situation financière et l’autre à une mauvaise habitude de vie. Cela démontre qu’il n’y a pas une même raison à ce qui semble être un même problème. Ce fut relativement facile de régler le problème de nutrition, mais beaucoup plus difficile de changer une mauvaise habitude de vie.

Lorsque le problème en est un de santé, c’est beaucoup plus complexe, mais il faut toujours éviter la complaisance en pensant à l’équité avec les autres élèves. Lorsque nous sommes malades, notre potentiel cognitif est fortement atteint. Il vaut mieux attendre de meilleures conditions. Le déroulement et les obligations d’une formation pourraient aggraver votre situation. De plus, l’enseignant se retrouve dans une situation où il devra consacrer énormément d’effort pour des résultats qui ne seront généralement pas au rendez-vous. Pour avoir vécu moi-même cette situation comme personne malade, je peux vous affirmer que même si vous voulez vous ne pouvez avoir accès à tous vos moyens. Votre corps canalise vos ressources à la guérison de votre maladie. Si vous essayez de lire, votre attention et votre concentration ne seront pas au rendez-vous. Si vous voulez écrire, ce qui demande encore plus d’efforts, vous vous retrouvez encore devant des difficultés majeures si vous avez à écrire autre chose que des informations de base comme votre nom, votre adresse ou une date et encore.

Parfois, ce sont les capacités physiques qui nous manquent. Je ne parle pas ici de force physique, mais de caractéristiques physiques qui sont propices ou nécessaires à la réalisation de certaines tâches professionnelles. Chaque métier a ses exigences qui vont toucher l’une ou l’autre de ces caractéristiques avec une importance variée. La présence, l’absence ou les limites de ces caractéristiques jouent un rôle certain dans le choix d’une profession et notre capacité à l’exercer. Il ne s’agit de vouloir faire de la discrimination, mais d’être conscient de ce qui peut rendre plus facile ou difficile l’exercice d’un métier ou son apprentissage.

Avec le temps, j’ai pu repérer dix caractéristiques physiques qui peuvent jouer un rôle dans l’exercice d’un métier. Ces caractéristiques ne sont pas des déterminants à l’apprentissage, il est toujours possible de découvrir des palliatifs, mais ils auront une influence sur des obstacles aux apprentissages. Chacune de ces caractéristiques ne joue pas le même rôle dans tous les métiers, mais plus il y a de caractéristiques dans un même métier plus le niveau de difficulté augmente. Ces caractéristiques sont : le poids, la grandeur, l’endurance, la dextérité, la perception sensorielle, la forme physique, la coordination motrice, la perception spatiale, la souplesse et l’apparence. En ébénisterie, ce sont la dextérité, la perception sensorielle, la coordination motrice et la perception spatiale qui jouent un rôle très important. Une grande partie de mes élèves qui ont dû changer d’orientation professionnelle avaient des difficultés dans l’une, l’autre ou plusieurs de ces caractéristiques.  Encore une foi ce ne sont pas des éléments de discrimination, mais des caractéristiques sur lesquels l’enseignant et l’apprenant doivent agir pour être en mesure de réaliser tous les apprentissages. Il ne faut pas ignorer ces éléments sous prétexte d’intégration, il faut les repérer pour pouvoir agir dessus dans la mesure où l’enseignant est en mesure de bénéficier des ressources nécessaires.

J’ai eu un élève malvoyant dont la vision était de 3/10. L’une des problématiques importantes de cet élève était en lien avec les interactions avec les autres dans l’atelier. Il avait de la difficulté à percevoir les mouvements et les détails dans son environnement. Il était dangereux pour lui et pour les autres. Il pouvait toujours faire le travail à l’établi, mais il ne pouvait réaliser la majorité des autres activités dans les conditions de formation dont je disposais.

À suivre : Motiver la motivation