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Aujourd’hui, on parle souvent de systèmes intelligents dans les automobiles ou autres machines. Il faut toujours se dire qu’il n’y a pas de système plus intelligent que son utilisateur. Souvent, ces systèmes endorment notre vigilance et nous placent en situation de danger sans que nous puissions nous méfier. Le fait que des systèmes soient automatisés, intelligents ou assistés ne doit jamais faire en sorte d’éviter d’en comprendre le fonctionnement.

C’est pour cette raison que j’avais placé l’utilisation des machines-outils à la fin de l’itinéraire des apprentissages. Mes élèves étaient ainsi en mesure de comprendre ce qu’ils n’avaient plus à faire et d’apprécier ainsi l’efficacité et la dangerosité de ces équipements. Ils pouvaient comprendre non seulement le travail qu’ils pouvaient faire, mais également de gérer les incidences qu’ils avaient sur la situation de travail où ils oeuvraient. J’avais des élèves plus intelligents que les outils qu’ils utilisaient. C’était l’approche par compétences avant son temps.

Le deuxième accident, qui a retenu mon attention, était un accident stupide. Ce type d’accident m’a amené à distinguer la conscience et l’intelligence. La conscience c’est un état affectif causé à la suite d’une réaction que l’on se fait de quelque chose. Je peux être conscient qu’un outil ou une machine est dangereux, mais cela ne me donne pas la compréhension de ce qu’il faut faire pour ne pas me blesser en l’utilisant. Cela vous semble peut-être compliqué comme introduction, mais l’accident que je vais vous décrire ne l’est pas moins, mais c’est arrivé je vous l’assure.

La nuance entre conscience et intelligence va de pair avec le tâtonnement et le jugement. Le tâtonnement est associé à l’essai et l’erreur. Lorsque l’on réalise un travail, trois éléments entrent en jeux, la tâche à réaliser, le contexte où elle se déroule et la pratique que je vais mettre en oeuvre. La situation la plus dangereuse c’est lorsque l’on n’a jamais fait une tâche dans un contexte que l’on ne connaît pas. Tout en étant conscientes de la situation, certaines personnes, à l’esprit aventurier, vont quand même s’essayer.

Il peut arriver qu’une personne n’ait jamais fait la tâche, mais le contexte lui est familier. Elle va s’essayer, avec de la chance cela peut possiblement fonctionner. Il peut arriver qu’une personne puisse réaliser la tâche, mais cette foi c’est le contexte qui est nouveau. Elle va encore tenter sa chance et ça peut encore marcher. Le vrai danger c’est lorsque la personne n’a jamais fait la tâche et ne connaît pas le contexte. Fort de ses chances antérieures, une personne peut tenter encore sa chance, mais elle se retrouve dans la situation la plus dangereuse. La chance a ses limites, cette limite est la loi de la probabilité. Plus vous êtes chanceux moins il vous reste de chance avant que la fatalité se manifeste.

La conscience nous permet de percevoir les éléments d’une situation selon les connaissances que nous possédons. Sans connaissance il nous reste le tâtonnement et le hasard. L’intelligence nous permet d’exercer notre jugement pour prendre les bonnes décisions en toute connaissance de cause.

Mon élève avait à utiliser un banc de scie pour tailler des languettes de bois. Le danger dans cette manoeuvre est surtout au moment où vous terminez la coupe de la languette. La caractéristique d’une languette c’est sa minceur. Au moment de terminer la coupe, il faut utiliser un poussoir pour éviter que vos doigts soient trop près de la lame de scie. En plus, il arrive souvent, à cause de la minceur de la pièce de bois, que l’ouverture de la plaque, qui laisse passer la lame de scie, permette à la languette de s’y insérer en fin de course. Souvent, le garde de sécurité de la lame peut nuire également et les personnes non averties peuvent décider de l’enlever. Si vous avez du jugement vous ferez le lien que s’il faut enlever le garde de sécurité pour réaliser un travail, ce travail ne devrait pas être réalisé sur cet outil.

Si vous n’avez pas pensé  à tout cela et vous débutez votre coupe, vous ne pouvez plus la continuer, le garde vous gênera à un moment donné. Vous ne pouvez plus continuer, car vous n’avez pas pensé de vous munir d’un poussoir. Vous ne pouvez plus lâcher la pièce, car la force de rotation de la lame va projeter la pièce vers vous. Vous êtes dans une situation où vous ne pouvez plus terminer votre travail, vous ne pouvez plus revenir en arrière et vous ne pouvez plus rien faire sans vous mettre en danger.

À suivre : 5. Vous m’avez pas dit de ne pas le faire!