C’est probablement la question la plus posée par un enseignant à ses apprenants. Ils ont compris, mais qu’est-ce qu’ils ont compris? Ce n’est pas parce que l’apprenant dit qu’il a compris que cela peut nous assurer qu’il a compris ce que l’enseignant voulait qu’il comprenne. La compréhension est directement associée à la représentation que l’apprenant se fait des informations que l’enseignant lui a communiquées. Il est important que NOUS comprenions ce qu’implique comprendre.

Un apprenant doit pouvoir percevoir l’information pour pouvoir la traiter. Déjà à ce stade nous établissons un chantier important en didactique. Imaginer tous les concepts abstraits qu’un apprenant doit pouvoir comprendre pour être en mesure de réaliser des tâches professionnelles avec compétence. Première étape, c’est de rendre perceptible par les sens les informations nécessaires à la compréhension. Ce n’est pas parce que l’enseignant DIT les informations devant une classe que les mots qu’il utilise deviennent nécessairement des représentations pour les apprenants. Souvent la compréhension, pour les apprenants, c’est d’avoir la bonne réponse que l’enseignant a déterminée. Cette situation rassure l’apprenant, à défaut d’avoir compris, il est satisfait que l’enseignant ait l’impression qu’il a compris par la simple manifestation de la bonne démarche ou de la BONNE réponse. Comme s’il ne pouvait y en avoir qu’une seule.

La compréhension fait appelle à un champ de connaissances plus grand que le simple objet d’apprentissage visé par une explication. Je prends comme exemple une analyse de formation que je viens de terminer sur la compréhension du concept de stabilité pour les opérateurs de chariot élévateur. Ce concept de stabilité doit être compris dans la mesure où il conduit l’opérateur à comprendre à quel moment il peut y avoir un danger de renversement. La formation généralement reconnue était de présenter les phénomènes physiques qui amènent à un renversement. À la suite de nos travaux, nous sommes arrivés à constater que ce n’est pas parce qu’une personne connaît la notion de stabilité que cela l’amène à changer ses comportements pour être plus sécuritaire.

La conclusion à laquelle nous sommes arrivées est qu’en plus de comprendre l’objet d’apprentissage, pour que l’apprenant soit en mesure de l’appliquer dans la réalité, il faut qu’il comprenne, préalablement, en quoi consiste une situation de travail où l’objet d’apprentissage trouve sa pertinence. La formation doit alors tenir compte non seulement de la compréhension de l’objet de formation, mais surtout de la compréhension de la situation où cet objet doit venir s’insérer.

La compréhension passe donc nécessairement par la perception de l’information pour être en mesure de la traiter, l’application de cette information pour en découvrir le fonctionnement, l’analyse de la situation où elle devra être utilisée pour en trouver le sens et les conditions qui font en sorte de faire émerger son utilité pour être en mesure de faire des liens. L’enseignant doit comprendre l’implication de cette fameuse question pour qu’il puisse mettre en place les conditions et l’environnement d’apprentissage nécessaires à l’émergence de cette compréhension.

En conclusion, il ne faut pas demander aux apprenants s’ils ont compris, il faut faire en sorte que les apprenants puissent comprendre. La compréhension n’est pas le fruit du hasard, d’une simple affirmation ou d’un résultat d’examen, c’est le résultat d’un processus et de conditions mis en place de manière stratégique. Utiliser les savoirs dans des situations réelles demande à l’apprenant de connaître l’information, de connaître ce que fait cette information dans une situation et de connaître comment fonctionne cette information en interaction avec les circonstances et les événements de la réalité. Qu’est-ce que c’est? Qu’est-ce que ça fait? Comment ça marche?