Depuis quelque temps, je me questionne sur la façon de développer la compétence professionnelle chez les apprenants. L’arrivée de l’intelligence artificielle et la nécessité d’élever le niveau d’intelligence professionnelle des apprenants, pour faire face aux réalités du monde du travail, m’amènent à me questionner sur la façon dont on aborde l’enseignement à partir des savoirs.
On se base souvent sur le fait que pour manifester une compétence professionnelle il faut acquérir des savoirs, réaliser des savoir-faire est manifester des savoir-être. Mais c’est peut-être erroné de se baser sur les savoirs pour faire développer la compétence professionnelle. C’est ce qui m’amène à m’interroger sur la pertinence de baser nos enseignements sur les savoirs plutôt que sur les habiletés nécessaires pour apprendre ces savoirs.
On utilise souvent l’expression « apprendre à apprendre », mais rarement on sait de quoi l’on parle, de façon fonctionnelle, lorsqu’on l’utilise. En ce qui me concerne, j’associe apprendre à l’action de chercher, un apprenant qui cherche est entré dans le processus d’apprentissage. On apprend lorsque l’on cherche et pour chercher, il faut que l’on me propose une quête, un problème, un projet, une tâche, une situation, etc. Mais pour chercher, et non tâtonner, il faut que je possède un minimum de capacité et d’habileté. Finalement « apprendre à apprendre » c’est peut-être chercher à chercher.
On entend souvent les vertus de la résolution de problèmes pour être en mesure de faire face aux défis du marché du travail dans un futur immédiat. Je rétorque qu’il faut repérer le problème pour pouvoir le résoudre. Il me semble que trouver le problème est tout aussi important que de le résoudre et je dirais même que cela demande plus de capacités.
Je milite donc pour une stratégie d’enseignement qui se baserait sur l’utilisation des savoirs pour provoquer le développement des habiletés nécessaires et la manifestation de la compétence professionnelle, au lieu de l’inverse où l’on pense qu’en acquérant des savoirs on développe des habiletés. Il faut faire attention pour ne pas attribuer à une façon d’enseigner des effets qui sont le fruit du hasard. Il y aura toujours des apprenants qui apprendront, peu importe la stratégie qui sera mise en place. Ce n’est pas sur eux qu’il faut se baser.
Ce n’est pas en apprenant un savoir que l’on permet de développer sa capacité à résoudre des problèmes. C’est en étant placé dans une situation ou il y a des problèmes à résoudre que le savoir puisse prendre tout son sens. Ma capacité à résoudre des problèmes est pérenne, le savoir que j’apprends quant à lui peut faire l’objet de changement selon les réalités des situations de travail et le temps.
J’aimerais préciser ma pensée sur certains termes que je viens d’utiliser. Les termes de capacité et d’habileté en lien avec la compétence professionnelle. Le code national des professions canadien vient de publier un texte sur le sujet qui vient éclairer mes propos. Ils ont travaillé sur l’éclaircissement entre les termes anglais et français pour traiter des compétences. Le terme « skills » se traduit à « compétence », tandis que « competency » se traduit à « capacité ».
Voici les définitions qu’il propose :
Capacités: L’utilisation combinée des attributs personnels, habiletés, compétences et connaissances, pour accomplir efficacement un travail, un rôle, une fonction, une tâche ou un devoir. (Source: Adaptation des définitions du “International Society for Performance Improvement”, et de l’Organisation de coopération et de développement économiques.)
Compétences: Capacités développées qu’un individu doit avoir pour effectuer efficacement son travail, son rôle, ses fonctions ou ses tâches. (Source : Adaptation de la définition de « Skills » d’O*NET.)
Habiletés: Aptitudes innées et développées facilitant l’acquisition de connaissances et de compétences requises pour effectuer le travail attendu.
Attributs personnels: Caractéristiques personnelles innées et développées par l’entremise du contexte social et des expériences personnelles auxquelles l’individu est exposé. Ces qualités influencent la façon d’être et de faire et sont considérées comme des plus-values pour la performance au travail.
J’adhère à l’idée qu’il y aurait une nuance à faire entre les deux. Les « competencies » (capacités) présument l’utilisation des «skills » (des compétences), ainsi que des habilités et des attributs personnels pour réaliser une tâche ou répondre à une demande (CNP, 2023).
On sait déjà que les apprenants réalisent leurs apprentissages à partir de ce qu’ils ont appris précédemment ou qu’il possède personnellement. C’est ce que l’on pourrait associer aux attributs personnels de l’apprenant qui intègre ce qu’il sait, ce qu’il sait faire, ce qu’il est et les talents dont il dispose.
Pour favoriser le développement de sa compétence professionnelle, il faudrait donc axer les apprentissages sur les habiletés plutôt que sur les savoirs spécifiques. Les savoirs servant de prétexte au développement d’habileté qui conduirait, plus sûrement, l’apprenant vers les capacités propres à la compétence professionnelle.
J’ai fait un petit inventaire des habiletés sur lesquelles il faudrait baser nos stratégies d’enseignement :
C’est un début de réflexion pour adapter nos enseignements aux réalités auxquelles nous devrons faire face pour que nos apprenants soient en mesure d’affronter l’avenir.
Lors d’une entrevue, on me demandait ce que l’intelligence artificielle allait changer en enseignement professionnel, j’ai répondu que nous serons forcés de développer l’intelligence professionnelle de nos apprenants à un niveau plus élevé. Nous manifesterons toujours notre intelligence de manière plus efficace que les machines, quoi qu’en dise certains.
La solution la plus intelligente est celle qui est trouvée avec les moyens les plus simples, c’est-à-dire les moyens cognitifs les moins dispendieux.
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