Apprendre des savoirs ou utiliser les savoirs pour apprendre?

2 commentaires

Depuis quelque temps, je me questionne sur la façon de développer la compétence professionnelle chez les apprenants. L’arrivée de l’intelligence artificielle et la nécessité d’élever le niveau d’intelligence professionnelle des apprenants, pour faire face aux réalités du monde du travail, m’amènent à me questionner sur la façon dont on aborde l’enseignement à partir des savoirs.

On se base souvent sur le fait que pour manifester une compétence professionnelle il faut acquérir des savoirs, réaliser des savoir-faire est manifester des savoir-être. Mais c’est peut-être erroné de se baser sur les savoirs pour faire développer la compétence professionnelle. C’est ce qui m’amène à m’interroger sur la pertinence de baser nos enseignements sur les savoirs plutôt que sur les habiletés nécessaires pour apprendre ces savoirs.

Compétence professionnelle (Boudreault, H. 2002)

On utilise souvent l’expression « apprendre à apprendre », mais rarement on sait de quoi l’on parle, de façon fonctionnelle, lorsqu’on l’utilise. En ce qui me concerne, j’associe apprendre à l’action de chercher, un apprenant qui cherche est entré dans le processus d’apprentissage. On apprend lorsque l’on cherche et pour chercher, il faut que l’on me propose une quête, un problème, un projet, une tâche, une situation, etc. Mais pour chercher, et non tâtonner, il faut que je possède un minimum de capacité et d’habileté. Finalement « apprendre à apprendre  » c’est peut-être chercher à chercher.

On entend souvent les vertus de la résolution de problèmes pour être en mesure de faire face aux défis du marché du travail dans un futur immédiat. Je rétorque qu’il faut repérer le problème pour pouvoir le résoudre. Il me semble que trouver le problème est tout aussi important que de le résoudre et je dirais même que cela demande plus de capacités.

Je milite donc pour une stratégie d’enseignement qui se baserait sur l’utilisation des savoirs pour provoquer le développement des habiletés nécessaires et la manifestation de la compétence professionnelle, au lieu de l’inverse où l’on pense qu’en acquérant des savoirs on développe des habiletés. Il faut faire attention pour ne pas attribuer à une façon d’enseigner des effets qui sont le fruit du hasard. Il y aura toujours des apprenants qui apprendront, peu importe la stratégie qui sera mise en place. Ce n’est pas sur eux qu’il faut se baser.

Ce n’est pas en apprenant un savoir que l’on permet de développer sa capacité à résoudre des problèmes. C’est en étant placé dans une situation ou il y a des problèmes à résoudre que le savoir puisse prendre tout son sens. Ma capacité à résoudre des problèmes est pérenne, le savoir que j’apprends quant à lui peut faire l’objet de changement selon les réalités des situations de travail et le temps.

J’aimerais préciser ma pensée sur certains termes que je viens d’utiliser. Les termes de capacité et d’habileté en lien avec la compétence professionnelle. Le code national des professions canadien vient de publier un texte sur le sujet qui vient éclairer mes propos. Ils ont travaillé sur l’éclaircissement entre les termes anglais et français pour traiter des compétences. Le terme « skills » se traduit à « compétence », tandis que « competency » se traduit à « capacité ». 

Taxonomie du développement de la compétence professionnelle.

Voici les définitions qu’il propose :

Capacités: L’utilisation combinée des attributs personnels, habiletés, compétences et connaissances, pour accomplir efficacement un travail, un rôle, une fonction, une tâche ou un devoir. (Source: Adaptation des définitions du “International Society for Performance Improvement”, et de l’Organisation de coopération et de développement économiques.)

Compétences: Capacités développées qu’un individu doit avoir pour effectuer efficacement son travail, son rôle, ses fonctions ou ses tâches. (Source : Adaptation de la définition de « Skills » d’O*NET.)

Habiletés: Aptitudes innées et développées facilitant l’acquisition de connaissances et de compétences requises pour effectuer le travail attendu.

Attributs personnels: Caractéristiques personnelles innées et développées par l’entremise du contexte social et des expériences personnelles auxquelles l’individu est exposé. Ces qualités influencent la façon d’être et de faire et sont considérées comme des plus-values pour la performance au travail.

J’adhère à l’idée qu’il y aurait une nuance à faire entre les deux. Les « competencies » (capacités) présument l’utilisation des «skills » (des compétences), ainsi que des habilités et des attributs personnels pour réaliser une tâche ou répondre à une demande (CNP, 2023).

On sait déjà que les apprenants réalisent leurs apprentissages à partir de ce qu’ils ont appris précédemment ou qu’il possède personnellement. C’est ce que l’on pourrait associer aux attributs personnels de l’apprenant qui intègre ce qu’il sait, ce qu’il sait faire, ce qu’il est et les talents dont il dispose.

Pour favoriser le développement de sa compétence professionnelle, il faudrait donc axer les apprentissages sur les habiletés plutôt que sur les savoirs spécifiques. Les savoirs servant de prétexte au développement d’habileté qui conduirait, plus sûrement, l’apprenant vers les capacités propres à la compétence professionnelle.

J’ai fait un petit inventaire des habiletés sur lesquelles il faudrait baser nos stratégies d’enseignement :

Liste, non exhaustive, des catégories et de types d’habiletés.

C’est un début de réflexion pour adapter nos enseignements aux réalités auxquelles nous devrons faire face pour que nos apprenants soient en mesure d’affronter l’avenir.

Lors d’une entrevue, on me demandait ce que l’intelligence artificielle allait changer en enseignement professionnel, j’ai répondu que nous serons forcés de développer l’intelligence professionnelle de nos apprenants à un niveau plus élevé. Nous manifesterons toujours notre intelligence de manière plus efficace que les machines, quoi qu’en dise certains.

La solution la plus intelligente est celle qui est trouvée avec les moyens les plus simples, c’est-à-dire les moyens cognitifs les moins dispendieux.

Pour la rentrée : La gestion de quoi ?

4 commentaires

DRP

Une démarche de résolution de problème pour vous aider en ce début d’année.

À chaque début d’année, on s’interroge, comme enseignant, sur certains éléments qui vont régir la manière dont l’année va se dérouler.

  • Est-ce que j’aurai une bonne classe?
  • Est-ce que mes élèves seront motivés?
  • Quels problèmes de gestion de classe auxquels j’aurai à faire face?
  • Est-ce qu’ils vont vouloir apprendre ce que je vais leur présenter?
  • Etc.

Il me semble normal de se questionner à l’orée d’une nouvelle année. Nous devons être fébriles plutôt qu’inquiets, face à la nouveauté.

En ce qui me concerne, c’est la nouveauté et l’imprévu qui m’allument. Quand notre but est de faire apprendre, il est peu probable que nous puissions être certains de ce qui va se passer. Il faut être prêt à faire face à la vie que nous allons créer en classe, en atelier, en laboratoire où en stage. La vie, en didactique, c’est de provoquer un processus d’apprentissage.

Comme nous l’a déjà indiqué Chevalard, l’enseignant ne peut faire apprendre, il ne peut que créer les conditions pour que l’élève puisse apprendre. Dans ce sens, ce que j’aime de mon rôle d’enseignant, c’est celui de metteur en scène qu’évoque André Giordan.

Mettre en scène un objet à faire apprendre pour que l’apprenant soit l’acteur de ses apprentissages. Voilà ce qui m’alimente et me donne le plaisir, toujours renouvelé, de donner une formation à nouveau.

Chaque apprenant est différent, je ne peux pas décider, sans faire de victimes, d’une méthode ou d’une modalité pour tous. Vous rappelez-vous pour certains, une série de livres, que mon garçon adorait, qui se nommait les livres dont vous êtes le héros?

unnamed-2

C’est ce type de stratégie qui m’alimente, comment amener les apprenants à être les héros de leurs apprentissages.

Les questions que je me pose en début d’année sont surtout :

  • Comment je proposerai des intrigues, des enjeux, des problèmes ou des projets qui vont susciter le désir, chez l’apprenant, de fournir les efforts nécessaires à ses apprentissages?
  • Comment vais-je construire le lien de confiance avec mes apprenants?
  • Comment vais-je permettre, à chacun de mes apprenants, d’exploiter son potentiel?
  • Qu’est-ce que mes élèves vont m’apprendre de nouveau?

Faire apprendre est un marathon où il y a une ligne de départ, mais pas de ligne d’arrivée. Cela se doit d’être une aventure stimulante pour l’apprenant, qui vient chercher les trésors de vos connaissances, de vos expériences et de votre identité professionnelle. Cela devrait être une aventure pour vous également, car vos trésors sont…

Si vous n’êtes pas en mesure de repérer votre quête, enseigner pour vous est une tâche pénible ou toute nouveauté est un obstacle à franchir. L’enseignant aventurier a toujours une quête et chaque obstacle est une occasion de découvrir de nouveaux horizons.

L’élève qui a des difficultés est un stimulant au lieu d’être une épreuve. Le développement des compétences de l’apprenant est un défi constamment renouvelé au lieu d’être simplement deux pages d’un programme et des examens.

L’avènement d’une nouvelle année scolaire est le début d’une nouvelle aventure dont vos élèves seront les héros et vous le metteur en scène. Ce n’est pas une ligue d’improvisation, mais une immense saga avec des suites à l’infini.

Si cela vous allume, je vous souhaite une bonne année, si cela vous angoisse, je vous souhaite de vous trouver un jour un autre travail qui vous allumera, la vie est si courte …

Soyez allumé pour pouvoir allumer vos élèves !

Je pensais qu’ils seraient mes amis : 3. Allo la police !

Un commentaire

3942090

J’arrivais à l’école vers 8 h le matin. Les cours débutaient à 9 heures. Le magasinier est venu me voir pour m’indiquer qu’un élève était entré dans l’atelier à 7 h et était ressorti avec un gallon de colle et il s’était rendu dans son auto. Je suis allé voir avec le magasinier si nous pouvions repérer le récipient de colle par la fenêtre de son auto. Effectivement, le gallon était sur son siège arrière. Je suis allé avertir la direction et j’ai expliqué ce qui s’était passé.

Le directeur a convoqué l’élève dans son bureau pour lui demander des explications, ce dernier lui a dit qu’il m’avait demandé s’il pouvait prendre le restant de la colle pour son usage personnel et que j’avais accepté.

La direction m’a fait venir pour me demander si c’était le cas. Je connaissais très bien cet élève, nous savions, le directeur et moi, qu’il était à l’origine des troubles en classe. Vous compreniez bien que je n’étais pas enclin à lui faire des cadeaux. En plus, il affirme devant moi que c’était le matin même à 6h30 qu’il m’avait demandé cela.

Il avait un ton tellement sincère que je me suis mis à douter de moi un instant. Cela n’avait aucun sens, je serais venu à 6h30 le matin rencontrer le dernier élève que je désirais rencontrer, pour lui faire un cadeau, c’était absurde. La rencontre s’est terminée par une suspension d’une semaine de l’élève. Mais tout ne s’arrêta pas là.

Au début de l’après-midi, l’élève arrive à l’école avec deux policiers. Il demande de rencontrer le directeur avec moi. Il nous informe qu’il avait demandé aux policiers de l’accompagner, car il avait peur de nous. Il était venu nous rapporter quatre chaises qu’il avait «empruntées» dans la réserve où les élèves déposaient leurs projets qui étaient terminés. La situation était irréaliste, les policiers accompagnent un voleur pour le protéger de ceux qu’il a volés.

C’était la fin pour cet élève. Il a été renvoyé de l’école. Nous n’avons pas porté plainte pour le vol, mais nous avons porté plainte au chef des policiers pour le rôle inconsidéré des policiers dans cette affaire. Ils ont été suspendus pour trois semaines pour manque de jugement.

Je n’ai jamais revu l’étudiant en question. Je n’ai jamais su pourquoi un si bon manipulateur avait fait une gaffe aussi stupide. Cela demeurera toujours un mystère pour moi.

L’absence de cet élève du groupe d’élève a été très bénéfique. Les élèves eux-mêmes étaient heureux. Ils m’ont informé, par la suite, l’élève en question les intimidait et qu’ils en avaient peur, pourtant c’était tous des adultes. J’en ai profité pour reprendre le contrôle de ma classe. Mes élèves n’étaient plus mes amis. Mon rôle n’était pas de les aimer, mais de leur faire apprendre un métier. Vous me direz que l’un ne va pas sans l’autre, je vous dirais que les élèves adultes ont surtout besoin d’un enseignant ou d’un formateur qui a du leadership et que ce dernier manifeste du respect envers ses élèves.

À suivre : 4. Le respect à la place de l’amitié.

Je pensais qu’ils seraient mes amis : 2. Dehors l’incompétent !

Laisser un commentaire

20932982

Étant donné qu’ils étaient des adultes, la formation était payée pas le Ministère du Travail et s’ils étaient en échec, ils seraient renvoyés du cours et perdraient ainsi leur prestation de formation. Je venais jouer dans le pain et le beurre de mes élèves. J’étais définitivement dans une zone dangereuse et je faisais face à l’agressivité du trois quarts de ma classe.

Cette agressivité ne s’est pas manifestée directement et immédiatement, cela a été beaucoup plus subtil. Cela a pris trois semaines pour que la contestation de mes élèves se concrétise sous la forme d’une missive du ministère de l’Éducation à ma direction d’école. L’auteur de la lettre spécifiait à ma direction qu’étant donné les déclarations signées des plaignants, mes élèves, il serait indiqué de remercier de ses services un enseignant aussi incompétent.

Je n’avais pas été convoqué par cette personne pour donner ma version des faits. J’avais été jugé et condamné. Mais ce n’était pas le Ministère qui avait un droit de regard sur mon embauche, heureusement, c’était la commission scolaire.

La direction de mon école connaissait mes façons de faire et c’est en partie pour cela que j’avais été engagé, pour mettre de l’ordre dans ce cours. Le directeur refusa de suivre les recommandations de ministère et me confirma dans mes fonctions malgré que les élèves avaient manifesté leurs désaccords par une manifestation avec pancartes et grève.

J’avais gagné mon point, mais il fallait que je fasse face à mes élèves pour continuer à donner mon cours. Les leaders de la manifestation ne correspondaient pas au profil des élèves contestataires. Comment était-il possible que des élèves sans histoire et collaboratifs devenaient du jour au lendemain des activistes d’une cause qu’ils n’avaient jamais revendiquée. Il était clair qu’il y avait un manipulateur ou une manipulatrice derrière leurs prises de position.

Effectivement, cela a pris un mois pour découvrir les vrais acteurs de ce putsch. La manière dont s’est déroulée la conclusion de cette histoire ressemble à la manière dont Al Capone s’est fait prendre. Ce dernier s’est fait prendre par son impôt. Ce qui avait été sa perte n’avait  aucun rapport  avec ses fautes alléguées.

De la même manière, l’élève qui était en faute, qui avait monté la classe et qui se servait des autres pour faire du trouble, c’est fait prendre à voler le fond d’un gallon de colle à 7 heure le matin. Nous avions identifié depuis un certain temps quel élève avait initié les troubles en classe, mais nous n’avions pas de preuve. C’est ce dernier qui nous a fourni la cause de sa perte.

À suivre … 3. Allo la police!

Je pensais qu’ils seraient mes amis : 1. Il était une fois …

Laisser un commentaire

20951972

Il était une foi, un de mes élèves qui avait décidé de prendre le contrôle de mon cours. Comme j’ai déjà indiqué antérieurement, ma perception de mes élèves était qu’ils pouvaient être mes amis. Je faisais mes pauses avec eux ainsi que mes dîners. C’était très sympathique, au début.

Un moment arrive où il faut répondre à des obligations qui ne font pas l’affaire de tous. Au cours des trois à quatre premières semaines tout s’est bien passé. À un moment donné, certains se sont mis à arriver en retard, d’autres ne réalisaient pas les travaux demandés, certains ne respectaient pas les consignes et directives. Lorsque j’ai commencé à intervenir et à faire des remontrances, le trouble à commencer, mais pas des personnes que je pensais.

Certains élèves sont des spécialistes de la manipulation. J’étais loin de penser que des personnes pouvaient être aussi machiavéliques. À mes débuts, je l’avoue, j’étais un peu naïf et idéaliste. Je pensais que si j’étais gentil et amical avec mes élèves, ils me le rendraient et nous serions tous heureux. Aujourd’hui, je suis moins naïf, mais je demeure idéaliste. Je dirais que je suis maintenant un idéaliste pragmatique. Les enfants ne viennent pas au monde dans des choux et les élèves ne vont pas apprendre parce qu’on le demande gentiment de le faire. Dans un cas comme dans l’autre, c’est un peu plus compliqué et il faut changer le contexte.

La goutte qui a fait déborder le vase a été au moment de la remise des premiers résultats d’un examen. Comme dans tous résultats, ils y en avaient des bons, des meilleurs et des mauvais. Dans le fond, les seuls qui étaient satisfaits étaient les meilleurs, les autres n’acceptaient pas d’avoir de moins bonnes notes. Pour plusieurs, la contestation reposait sur le fait qu’ils avaient la bonne réponse, c’était la question qui était mauvaise. Finalement, si des élèves étaient en échec ou avaient réussi moins bien c’étaient de ma faute. Étant donné que c’était de ma faute, ce n’était pas à eux de payer pour mes erreurs.

Après de longues discussions stériles, j’ai perdu l’amitié du trois quarts de la classe. J’étais le méchant qui avait osé porter un jugement sur ce qu’ils étaient. Qui étais-je pour les juger? Un ami ne fait pas cela.

Il aurait fallu que je sois complaisant à leurs situations. Non seulement je n’avais pas voulu être complaisant, j’avais ajouté à leurs problèmes. J’étais devenu la cause la plus accessible de leurs problèmes.

À suivre :  Dehors l’incompétent!

Il y en a qui ne sont pas fait pour ce métier : 5. On fait quoi maintenant?

Laisser un commentaire

20259780

À la suite de ce blocage, j’ai rencontré l’élève pour discuter avec lui de la suite des choses. Il m’a demandé de le laisser continuer malgré son échec, ce que j’ai refusé. Les règles étaient claires pour tous. Par souci d’équité, je ne pouvais faire un passe-droit. L’idée n’était pas de s’acharner pour que l’élève poursuive sa formation, il fallait comprendre ce qui ne marchait pas.

La classe comporte quinze élèves. Chacun observe ce qui se passe pour détecter les injustices potentielles. Lorsque les élèves se voient contraints de respecter des exigences et des consignes, ils vont se référer au plus petit dénominateur commun. Je veux dire par cela que ce que vous allez tolérer chez un élève sera vu par les autres comme une nouvelle condition acceptable. Vous tolérez qu’un élève arrive à une heure différente en classe, tous les autres vont arriver à cette heure dans un délai assez court.

Je lui ai demandé ce qu’il l’avait motivé à s’inscrire à un cours d’ébénisterie. Il m’a répondu qu’il s’était inscrit à ce cours, car la date du cours tombait bien et que la durée lui  permettait de patienter avant de s’inscrire au cours qu’il désirait vraiment. Il m’a informé que son vrai but était de suivre un cours comme moniteur de cerfs-volants. Son père fabriquait des cerfs-volants et il désirait former ceux qui voulaient les utiliser.

En ce qui me concernait comme enseignant mon rôle s’arrêtait là. Je l’ai dirigé vers un conseiller en orientation pour suivre des tests d’aptitudes et l’aider à préciser ses choix. Dans son cas, ce n’était pas qu’il n’avait pas le corps de l’emploi, il n’avait pas la tête à l’emploi. Je lui ai tout de même permis de se rendre au bout de ce qu’il pouvait faire dans les limites de la profession à apprendre, de sa santé et de sa sécurité ainsi que celle des autres.

La suite : Je pensais qu’ils seraient mes amis.

Il y en a qui ne sont pas fait pour ce métier : 4. 15 – 1 = 14 ou 1 – 15 = – 14

Laisser un commentaire

21499135

Je ne voulais pas agir autrement avec lui qu’avec les autres. Ma stratégie était qu’il se rende compte par lui-même de la situation. J’ai toujours été convaincu que l’on ne devait jamais laisser un élève aller plus loin que ce qu’il était capable de faire. Dans ce sens, j’avais conçu un itinéraire des apprentissages dont les trois premières parties consistaient à maîtriser l’outillage manuel, électrique et les machines à bois. Ces trois éléments étaient la source de tous les dangers de blessure pour l’élève. La maîtrise de ces outils et machines assurait par la suite un travail sécuritaire et efficace.

Heureusement, pour lui, mon élève n’a pu se qualifier à l’utilisation des machines à bois. Il avait déjà pris deux fois le temps nécessaire pour les premiers apprentissages de l’itinéraire. La dernière activité était d’ajuster les couteaux de la dégauchisseuse. Cette activité devait durée quarante-cinq minutes, après trois jours il a déclaré forfait. Il avait des pansements sur tous les doigts. Ce n’était pas des blessures graves, mais elles étaient la manifestation de sa limitation.

Cette dernière activité n’avait pas seulement un caractère technique, mais elle mettait à l’épreuve la patience, la persévérance, la minutie et le souci de protection de l’élève. Ce sont ces éléments que je désirais mettre à l’épreuve beaucoup plus que l’aspect technique de l’ajustement des couteaux de la machine qui était seulement un prétexte.

À suivre : On fait quoi maintenant ?