L’engagement et la motivation sont indissociables. Une personne motivée n’hésite pas à s’organiser, à prendre des initiatives et à fournir les efforts nécessaires au processus cognitif. Dans ce contexte, il est raisonnable d’avoir comme hypothèse qu’en agissant sur des indicateurs d’engagement, on pourrait alimenter la motivation et, par conséquent, la réussite des apprenants.
On se questionne souvent sur la manière de motiver les apprenants aujourd’hui. Je propose, pour répondre à ce questionnement, de mettre en place les conditions pour susciter l’engagement des apprenants.
Contrairement à l’engagement, la motivation se manifeste dans la pensée d’une personne, ce qui la rend difficile à percevoir. Par contre, l’engagement est une action physique qui amorce une activité et démontre l’implication, ou non, d’une personne.
La lecture de l’avis du conseil supérieur de l’éducation sur l’engagement scolaire des élèves du secondaire (Janvier, 2025) fournit des pistes intéressantes pour imaginer des conditions favorables pour susciter cet engagement.
Plusieurs éléments sont à considérer pour concevoir les conditions qui amènent les apprenants à s’engager. En faire la liste ne serait pas d’une grande utilité, c’est pour cette raison que je propose une représentation qui permet d’en comprendre les composantes et leurs effets dans une situation d’enseignement/apprentissage.
Pour susciter l’engagement, il faut généralement agir de façon différente des pratiques de planification régulières. Les formations se concentrent trop souvent surtout sur les contenus à faire apprendre et leur transmission à partir de méthodes avec lesquelles on se sent le plus à l’aise comme enseignant. L’engagement nous oblige à tenir compte autant de la manière d’apprendre un savoir que du savoir à apprendre lui-même. D’où le titre de ce texte, de la manière à la matière.
Analysons maintenant le sens de ma représentation. L’engagement (1) d’un apprenant se manifeste par sa participation volontaire aux activités qui lui sont proposées. La question que l’on peut se poser est la façon d’arriver à ce résultat. C’est pour cela que j’ai placé l’engagement au centre de la représentation comme un effet à constater à partir de la mise en place d’un ensemble d’autres éléments qui interagissent les uns avec les autres.
Reprenons la représentation par sa partie extérieure, c’est-à-dire l’enseignement (2) et ses cinq composantes élémentaires. On peut faire une liste très détaillée de tout ce que l’enseignant doit considérer pour organiser une formation, mais je pense que l’on complexifierait inutilement le propos. C’est pour cette raison, à la suite de mes expériences dans l’organisation de formations, j’ai réduit à l’essentiel les activités de planification qu’un enseignant doit réaliser pour être en mesure d’offrir une formation de qualité. Je résume l’organisation d’une formation en cinq étapes :
- La première étape consiste à s’assurer de rendre clair et fonctionnel l’objet de formation. Cela signifie d’en établir les objectifs opérationnels en y associant les informations nécessaires pour que l’apprenant puisse comprendre ce qu’il doit faire. Cette étape détermine ce que l’apprenant devra réaliser et, par conséquent, ce qu’il devra apprendre selon le niveau de compétence à développer pour y arriver. De cette façon, on s’assure que le contenu à apprendre est cohérent avec ce qui doit être réalisé.
- La deuxième étape consiste à établir la séquence des activités que l’apprenant devra réaliser pour atteindre l’objectif de la formation. Cette liste d’activités devient ainsi son itinéraire d’apprentissage, ou encore sa feuille de route. L’apprenant est ainsi conscient du travail et des efforts à investir pour apprendre l’objet de la formation.
- La troisième étape consiste à synchroniser les pratiques d’enseignement aux activités que l’apprenant doit réaliser. C’est ici que se retrouve la stratégie que l’enseignant mettra en place pour adapter ses interventions aux habiletés cognitives à faire développer et aux caractéristiques des apprenants.
- La quatrième étape doit faire en sorte d’identifier et de rendre disponibles les ressources nécessaires aux activités de l’apprenant et aux pratiques d’enseignement. Ces ressources sont soit matérielles, pour pouvoir réaliser les activités, cognitives pour avoir accès aux informations et didactiques pour faciliter soit le pilotage des activités ou l’accès aux informations plus complexes à apprendre et adaptées aux apprenants.
- Finalement, la cinquième partie tient compte de la gestion du temps. La gestion du temps est souvent la bête noire dans l’organisation d’une formation, soit il y en a trop ou, le plus souvent, pas assez, d’où l’importance de bien le gérer. L’élément au cœur de la gestion du temps est sa répartition pour éviter de le gaspiller.
Les grands consommateurs de temps sont les actions de l’enseignant et les activités de l’apprenant. Il faut être conscient que l’apprenant apprend lorsqu’il est dans l’action, c’est ma conviction profonde. Pour ce faire, la répartition du temps doit tenir compte de la proportion de temps que l’apprenant aura pour réaliser ses activités et que l’enseignant aura pour aider l’apprenant à les réaliser.
Je propose la formule 60-30-10. 60% du temps doit être affecté aux activités de l’apprenant, 30% du temps est affecté aux pratiques d’enseignement et 10% du temps agit comme marge de manœuvre pour les autres consommateurs de temps comme l’accueil, les temps de transition, les directives, etc.
Lorsque nous sommes en mesure d’organiser une formation, on peut situer sur quel élément de cette formation il faudra agir pour mettre en place les conditions favorables au développement de l’engagement des apprenants.
Le point (3) de la représentation indique les quatre enjeux à considérer, dans la situation d’enseignement, pour pouvoir mettre en place ces conditions. Ces enjeux sont associés à l’enseignant, l’apprenant, l’atmosphère et le projet.
- Le premier enjeu touche l’enseignant et sa conviction que les apprenants peuvent apprendre et que son rôle est de trouver le chemin le plus court entre ce qu’il faut apprendre et l’apprenant.
- Le deuxième enjeu touche l’apprenant et son désir ou son besoin d’investir des efforts. Apprendre exige nécessairement un effort. L’effort pour l’apprenant est directement relié à la pertinence, pour lui, de ce qu’il doit apprendre. Apprendre ne signifie pas seulement acquérir des informations, mais atteindre le niveau cognitif qui permettra à l’apprenant de réaliser ses activités selon la complexité du savoir. Comme l’indique Bloom, dans sa taxonomie cognitive, les activités de l’apprenant doivent lui permettre soit de mémoriser, de comprendre, d’appliquer, d’analyser, d’évaluer ou de créer. Au moment d’un apprentissage, plus le niveau cognitif est élevé, plus l’effort de l’apprenant sera sollicité et plus son engagement devra être stimulé.
- Le troisième enjeu est l’atmosphère de l’environnement d’apprentissage et son ouverture à permettre à l’apprenant la liberté de faire des choix dans la façon de réaliser ses apprentissages.
- Le quatrième enjeu touche le projet. Il représente les apprentissages à réaliser. Le projet permet toute la flexibilité pour alimenter le besoin et le désir de l’apprenant d’investir les efforts nécessaires au développement cognitif qu’il devra développer.
Le projet doit avoir comme conséquence de susciter l’intérêt de l’apprenant et donner du sens au savoir à apprendre et aux efforts qu’il devra investir. Il est tout aussi attrayant dans son aboutissement que dans les recherches que l’apprenant devra entreprendre pour arriver à ce résultat.
Cette soif d’apprendre génère de la satisfaction et du plaisir résultant de l’anticipation du résultat à atteindre, de l’effort investi et de la conscience du cheminement parcouru pour l’atteindre. L’apprenant doit être stimulé par le cheminement comme par le résultat.
Comme dans notre vie de tous les jours, une journée ensoleillée nous remplit d’énergie ; l’atmosphère du milieu d’apprentissage regroupe les conditions permettant à l’apprenant de manifester sa liberté de faire des choix, de se motiver et de se responsabiliser.
L’atmosphère de l’environnement d’apprentissage doit permettre à l’apprenant d’avoir confiance, et ainsi cela aura pour effet de lui permettre d’accepter d’être perturbé, d’être confronté et d’oser changer par rapport à ses conceptions. Apprendre, selon André Giordan (1984), c’est modifier ses conceptions.
Trois des quatre enjeux, pour provoquer l’engagement, impliquent l’enseignant. Il doit alimenter le potentiel de l’apprenant, instaurer et maintenir une atmosphère propice et proposer des projets qui susciteront l’intérêt des apprenants et du sens par rapport à l’objet à apprendre. Le quatrième enjeu, celui de l’apprenant, représente la conséquence des effets des trois enjeux précédents sur son engagement.
Le contexte (4) touche les ressources qui seront à la disposition des acteurs de la situation pédagogique, l’aménagement de l’environnement et les circonstances qui faciliteront un climat propice aux échanges, aux interactions, à la recherche et à la communication. Les particularités du contexte doivent permettre à l’apprenant, selon Giordan :
- D’exercer un contrôle réfléchi sur ses activités ;
- De pouvoir être confronté et déstabilisé par rapport à ses conceptions ;
- De le rendre conscient de ce qu’il sait ;
- D’appliquer les nouvelles informations ;
- D’appliquer différemment les nouvelles informations ;
- De faire des liens différents avec les nouvelles informations ;
- D’être concerné et interpellé dans sa manière de penser.
Analysons maintenant les relations qu’il y a entre l’enseignant, l’apprenant, le projet et l’atmosphère pour avoir de l’effet sur l’engagement.
Le maître du jeu de l’engagement, c’est l’enseignant. C’est lui qui va créer les conditions pour que cet engagement puisse se réaliser. L’engagement de l’apprenant se réalisera selon sa disponibilité, sa capacité à élaborer des stratégies qui tiennent compte de l’intérêt de l’apprenant, d’être flexible par rapport au projet à proposer et finalement de créer les conditions pour que l’apprenant puisse devenir autonome.
Disponibilité, stratégie, flexibilité et autonomie représentent bien les quatre piliers (5) pour faire en sorte que l’apprenant participe et s’engage dans le développement de ses habiletés cognitives à l’aide des savoirs à apprendre ou de la compétence à développer. Contrairement aux pratiques habituelles, la matière à apprendre est au service des activités à réaliser par le projet.
Le dernier élément du schéma consiste à proposer des pistes qui permettront de concevoir et de mettre en place les conditions pour que l’apprenant s’engage. Aux quatre piliers déjà présentés, j’ajoute quatre activités (6) qui doivent être impérativement réalisées par l’enseignant.
- La première activité de l’enseignant, qu’il ne faut pas confondre avec la gestion de classe, c’est le pilotage des situations d’enseignement/apprentissage dans le but d’assurer, de maintenir un climat propice aux apprentissages et de gérer le fragile équilibre entre la liberté de choisir de l’apprenant et les paramètres de la formation. Le développement des habiletés cognitives se fait à l’aide du partage, des interactions, des recherches et des réalisations que feront les apprenants. Le pilotage permet que ces activités se fassent en utilisant, de façon optimale, les ressources et le temps imparti pour la formation.
- La deuxième activité touche à ce que l’enseignant fera pour soutenir les apprenants et ainsi fournir une présence rassurante à ces derniers lors de leurs apprentissages. Ce rôle de soutien se retrouve à travers ses interventions auprès des apprenants. Cette interrelation entre l’enseignant et l’apprenant se fait à travers les informations qui sont communiquées, les corrections que l’enseignant indique, les rétroactions pour confirmer ou infirmer des interprétations ou pour compléter des informations auprès des apprenants. Le soutien permet à l’apprenant d’accepter de prendre le risque de s’aventurer sur le terrain incertain que représente apprendre.
- La troisième activité c’est la différenciation pédagogique. Selon le ministère de l’Éducation, la différenciation pédagogique consiste à ajuster les interventions aux capacités, aux besoins et aux champs d’intérêt diversifiés des apprenants. Elle tient compte des caractéristiques des élèves ainsi que du groupe et vise à offrir des choix qui favorisent les apprentissages de l’ensemble des apprenants. Tout en gardant en tête que c’est dans l’action que l’on apprend, il est possible d’offrir une variété d’actions qui peut faire en sorte de devenir un projet pour l’apprenant. Comme l’indique Kolb dans son approche expérientielle, les apprenants peuvent être interpellés différemment selon le type d’action que l’on peut proposer et qui correspond mieux à leurs intérêts. Les projets que l’on propose aux apprenants peuvent être de différentes natures, soit d’un problème à résoudre pour trouver des solutions, d’une tâche à réaliser pour développer une compétence plus technique, d’une activité intégrant plusieurs tâches et ainsi permettre de développer des compétences plus transversales, d’une situation permettant de développer sa capacité d’agir lors d’événements, finalement, vivre une expérience pour en tirer un enseignement pour des compétences plus complexes ou implicites.
- La quatrième activité représente le développement de l’intérêt de l’apprenant. Susciter l’intérêt de l’apprenant se conjugue avec les effets des trois activités précédentes. Elle permet de détecter les résultats du soutien, du pilotage et de la différenciation. Les effets des autres activités se retrouvent à travers les comportements d’organisation, d’autorégulation, de concentration et d’attention de l’apprenant. Ces comportements se manifesteront lors de la réalisation du projet qui devrait susciter son intérêt.
Plusieurs enseignants se questionnent souvent sur la façon d’aborder les nouvelles générations d’élèves en classe, il faut revenir au fondement du processus d’apprentissage qui a souvent été remplacé par les impératifs des obligations académiques comme les programmes, les durées et les évaluations. Au lieu de penser qu’il faut s’adapter à chacune des générations, il faut plutôt revenir à ce qui amène une personne à apprendre c’est-à-dire à son engagement dans le processus cognitif. Il faut faire participer les apprenants à leurs apprentissages. Participer, ne veut pas dire seulement d’être présent, mais de prendre part à ce qui se passe, pour l’enseignant cela veut dire que maintenant la manière d’apprendre un savoir est aussi importante que le savoir lui-même, sinon plus.



Sep 27, 2025 @ 14:09:37
Bonjour Cher Professeur, Nous attendions impatiemment de lire vos écrits , vos réalisations et votre enseignement qui sont toujours de qualités.
Merci de nous donner envie de s’engager davantage dans notre profession et accompagner et motiver nos étudiants.
Un immense MERCI! Au plaisir de vous lire encore et encore.
Bien à vous
Cathy D.
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