sitped

J’ai eu à travailler à maintes reprises à la mise en oeuvre, en classe et en atelier, du concept de compétence. Je crois que c’est en amenant les enseignants à expliciter leurs compétences disciplinaires qu’ils s’instrumenteront efficacement, sur le plan didactique, pour amener leurs élèves à développer leurs compétences professionnelles propres. Il faut comprendre que la finalité d’une formation professionnelle pour un élève n’est pas seulement la réussite de ses études pour accéder à un autre ordre d’enseignement, mais en plus, il lui faut pouvoir s’intégrer, sur une base permanente, au marché du travail. C’est dans ce but qu’il faut l’amener à devenir un professionnel autonome pouvant s’adapter au marché du travail dans son secteur d’activité, plutôt que de chercher à former un travailleur qui exécute seulement les tâches spécifiques d’un métier.

L’objectif est donc double pour les élèves comme pour les enseignants de la formation professionnelle. Les apprentissages doivent avoir pour objet le développement de la compétence professionnelle de l’élève par rapport au marché du travail, tout en tenant compte des exigences du programme menant à l’obtention du diplôme.

Pour amener l’élève à développer sa compétence, je me suis posé la question suivante : « est-ce que l’élève effectue réellement des apprentissages favorisant le développement de sa compétence ? » J’ai eu l’occasion de questionner des élèves sur l’état de leur motivation relativement à l’organisation de leurs apprentissages. La réponse de l’un d’eux est devenue la « référence de base » qui a guidé toutes mes réflexions et mes travaux en pédagogie et en didactique. Il m’a répondu qu’il était « bien  » tanné  » d’avoir des réponses à des questions qu’il ne se posait pas ».

L’utilisation du modèle de la situation pédagogique m’a permis d’avoir une référence commune pour construire une conceptualisation fonctionnelle d’une pédagogie du développement des compétences (Représentation de la situation pédagogique de Legendre, 1983, dans l’album). Ce modèle de la situation pédagogique a favorisé la compréhension de l’idée que l’enseignant doit établir des liens entre l’élève, l’objet d’apprentissage et le contexte. Mais pour favoriser la relation d’apprentissage, il fallait créer un lien entre l’élève et la compétence à acquérir.

Cette interprétation indiquait que l’influence de l’enseignant sur la relation d’apprentissage devait nécessairement passer par une relation du sujet avec un contexte plus stimulant et motivant. La question à résoudre était : comment changer cette relation chez l’enseignant dans ses stratégies pédagogiques fqui favorisent l’apprentissage ?

La base de ce changement portait sur une interprétation conforme de l’objet d’apprentissage par l’enseignant. À la suite de mes interventions, j’en suis arrivé à la constatation suivante : l’objet d’apprentissage, au lieu de se transformer de manière didactique, se dégrade entre la présentation qu’on en fait dans le programme, la transposition que lui fait subir l’enseignant et les apprentissages que réalise l’élève.

Une compétence professionnelle sur le marché du travail, demande la mise en oeuvre de connaissances construites, de capacités explicites et formelles, d’attitudes professionnelles ainsi que d’habiletés intellectuelles et motrices qui sont liées aux aptitudes de l’élève et dont les propriétés sont surtout propres au contexte où l’on en observe la présence et aux situationx qui en provoquent la manifestation. J’ai émis le postulat, qui peut ne pas être accepté par tous, qu’une compétence, principalement en formation professionnelle, ne peut être générale, mais qu’elle doit toujours être attachée à un contexte donné.

Comme pédagogue, expérimentateur et chercheur dans le domaine du développement de la compétence, je me suis questionné sur ce qu’est une compétence dans la réalité de la classe, par rapport à la relation d’apprentissage, à la relation didactique et à la relation d’enseignement à l’intérieur d’une situation pédagogique. À la suite de ce questionnement, j’ai travaillé avec des enseignants afin d’essayer de construire, dans l’action, les premiers jalons des composantes d’une didactique professionnelle fonctionnelle du développement de la compétence professionnelle.

Le développement de la compétence devient alors davantage une question de processus que de produits, de contextes que d’objets spécifiques, de relations que de comportements. J’ai également dû remettre en question mes conceptions sur la réussite. À la formation professionnelle, il n’est pas suffisant qu’un élève réussisse les examens actuels pour déclarer qu’il est compétent. Je suis persuadé que beaucoup d’enseignants n’embaucheraient pas certains de leurs élèves, même s’ils ont obtenu leur diplôme, en prenant comme base les critères de compétences exprimés par les employeurs. Comme j’ai pu le vérifier, les enseignants seraient prêts à recommander des élèves ayant été moins performants aux examens, mais ayant, selon eux, des capacités ou habiletés particulières.

Ces capacités ou habiletés auraient pu être acquises, de toute évidence, ailleurs que dans le contexte de formation. Mes travaux avec les enseignants me portent à croire qu’il est possible d’exercer une influence sur le développement des compétences, dans la mesure où nous pouvons placer l’élève dans une conjoncture où sont réunis un contexte signifiant, les attitudes requises (le savoir-être), les façons de procéder (le savoir-faire) et les informations (le savoir) utiles. Cette situation, que l’on peut qualifier de situation didactique en formation professionnelle, permettra à l’élève de réaliser des tâches le conduisant à faire face à des problèmes professionnels qu’il aura le goût de résoudre et dont la solution sera intimement liée aux visées de la formation.

Ces tâches problèmes représentent la base du développement des situations didactiques qui favorisent le développement des compétences chez l’élève. Dans ce contexte, les connaissances préalables et les comportements professionnels deviennent des outils essentiels à la résolution de problèmes. Ces nouvelles approches abordent l’apprentissage par le processus de la résolution du problème à résoudre, plutôt que par l’apprentissage des réponses à des questions que l’élève ne se pose pas.