C’est à croire qu’en formation professionnelle tout est toujours à recommencer. Un sage a déjà dit que si nous ne connaissons pas notre histoire nous sommes condamnés à revivre nos erreurs. C’est malheureusement le cas en formation professionnelle. Sans me prendre pour Lafontaine j’ai voulu emprunter à son style pour présenter un titre de fable.

Ici l’autruche symbolise la population en général, le magicien représente les personnes qui veulent manipuler ou créer des illusions à l’autruche et le compétent est celui qui sait, la référence, mais on ne le connaît pas. Je vous laisse trouver qui sont symbolisés par le magicien illusionniste.

Plusieurs actions, constatations, décisions, événements et réactions m’amènent à constater que la formation professionnelle et technique est sur le point de vivre un virage et pas des meilleurs. Il y a eu une consultation provinciale dans les derniers mois sur l’adéquation formation main-d’oeuvre. Depuis quelque temps nous constatons également un désengagement du ministère de l’Éducation envers la formation professionnelle par des transferts de responsabilités et des coupures budgétaires importantes.

De plus, des décisions à courte vue sont prises dans les commissions scolaires en ce qui a trait à l’intégration de plus de jeunes en FP, d’élèves en difficultés et de décrocheurs. Au niveau collégial il y des pressions pour faire diplômer les étudiants plus rapidement. Des enseignants me parlent des nouvelles clientèles en formation professionnelle, les élèves en difficultés n’ayant pas les préalables ou ayant des troubles d’apprentissage. Le ministère de l’Éducation ne fournira plus les tableaux de spécification pour l’évaluation en reconnaissance des compétences. La responsabilité de l’élaboration des programmes sera dévolue aux commissions scolaires. La rationalisation des programmes en FPT par souci d’économie. La remise en question de la formation des enseignants, car elle semble trop longue. Etc.

Les astres s’alignent pour un nouvel affront à la formation professionnelle. Les magiciens savent que les autruches sont facilement influençables et qu’elles ont tendance à se mettre la tête dans le sable pour ne pas voir la réalité. C’est pour cela que le magicien utilise, comme dans le passé, de bonnes intentions pour donner l’illusion que c’est la vertu qui le motive. Oui, la vertu de l’intégration des élèves en difficultés, des passerelles pour éviter les culs de sac, de la rationalisation pour mieux gérer les ressources, de l’adéquation avec le marché du travail, de l’augmentation des jeunes en formation professionnelle, de la reconnaissance des acquis, de la formation continue en entreprise, de la qualification en entreprise, de la diplomation en entreprise, de la mondialisation des marchés, de l’économie du savoir, de la pénurie de la main-d’oeuvre ou encore, les mots qui éliminent toute objection, en utilisant le raccrochage, la persévérance et la réussite scolaire.

La table est mise pour le grand banquet comme lors de la réforme Parent, dans les années soixante, où la formation professionnelle, qui était un modèle à l’époque, pour de bonnes intentions ou un intérêt supérieur, a été intégrée aux polyvalentes, accessoirement pour se les payer. Cela aura pris vingt-cinq ans pour remettre la FP sur les rails avec la réforme de 1986, avec Claude Ryan et  Jacques Henry, en proposant l’approche par compétences et la construction de nouveaux établissements que nous appelons centres, anciennement les écoles de métier. Cela fait vingt-cinq ans que la réforme de la FP a été initiée, il est temps pour ses démons de réapparaître. Le système scolaire est tanné de tourner en rond avec ses élèves qui ne fonctionnent pas dans le modèle scolaire. Il est maintenant temps de mettre les pendules à l’heure et de rappeler à la FP ses devoirs. Finalement, ce n’est pas si compliqué d’être un mécanicien, une secrétaire, un vendeur, un soudeur ou un usineur. Pour qui se prend la formation professionnelle en exigeant une bonne formation de base aux élèves pour pouvoir devenir des ouvriers autonomes et compétents?  Fini le chichi, la FP c’est la soupape pour intégrer tout le monde quoi qu’en dise ses artisans. Si les programmes sont trop exigeants, que cela ne tienne, nous allons laisser les milieux fabriquer les programmes. Si les examens sont trop difficiles, que cela ne tienne nous allons leur laisser le loisir de fabriquer les examens. Il n’y a plus de problème, la FP sera remise à sa place et l’autruche est contente, elle n’a rien vu passer, le magicien était habile. L’autruche ne se pose plus de question, l’illusion est complète, la FP revient à son point de départ. Ses professeurs vont se transformer d’expert d’une discipline à orthopédagogue, magie, ou en travailleur social, remagie, tout en relevant les défis de l’économie du savoir sans perfectionnement, reremagie.

Nouvelle attaque, d’autres magiciens apparaissent lorsque certaines autruches se questionnent sur l’insertion professionnelle des élèves. Voyons donc, apprendre un métier ce n’est pas à l’école que tu apprends cela, c’est sur le tas dans l’entreprise pour devenir un bon travailleur productif, pour être en mesure de faire face à la compétitivité. T’apprends ton métier directement en entreprise et on va te donner ton diplôme en même temps, c’est t’y pas beau ça!

Comment des formateurs en entreprise vont-ils pouvoir faire cela? Magie. Comment s’assurer que les diplômes auront la même valeur? Remagie. Comment s’assurer que l’on ne formera pas seulement un travailleur pour une entreprise plutôt qu’un citoyen maître de sa compétence? Reremagie.

La formation professionnelle, pour l’autruche c’est un pis aller. Des jeunes intelligents ça va à l’université. Tu vas en FP quand tu ne peux pas aller ailleurs.

Vous allez me demander que fait le compétent dans l’histoire? Il fait son possible il essaie d’expliquer, de comprendre et d’intervenir, mais il n’est pas magicien. Pendant qu’il développe ses compétences le magicien développe la mystification et l’autruche ne peut voir la différence entre quelqu’un qui sait et quelqu’un qui la manipule.

L’autruche finit par croire le magicien, car il lui dit ce qu’elle veut entendre!