La situation didactique en FPT

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contexte001L’apprentissage est le processus par lequel les connaissances se modifient.

L’apprenant peut nous représenter ses connaissances par des descriptions de tactiques ( ou procédures) qu’il construira suite à la réalisation d’une tâche dans une situation.

Les tâches sont issues des éléments de la compétence du programme. Les actions qui sont inscrites dans le programme peuvent être interprétées comme des tâches potentielles que l’apprenant se devra de réaliser et de réussir pour pouvoir développer la compétence visée. Les tâches doivent être perçues comme des tâches professionnelles à venir et non comme des activités scolaires dont la fonction ne serait que d’apprendre un savoir particulier. La tâche doit se vivre nécessairement dans une situation de travail.

C’est un signe distinctif de la formation professionnelle, la situation de travail est l’élément de départ de toutes les activités professionnelles. C’est pourquoi, lors de l’élaboration de programmes en formation professionnelle, l’analyse de la situation de travail précède toujours l’élaboration du programme. Ce qui fait en sorte que pour donner du sens et de la pertinence à une tâche (action) que l’apprenant doit réaliser il est important de lui situer dans quelle situation elle se déroule.

Une situation de travail est constituée de l’ensemble des circonstances dans lesquels une personne se trouve ainsi que les relations qui l’unissent à son milieu.

Lorsqu’un apprenti se retrouve en formation, il est assisté d’un compagnon qui oeuvre avec lui dans une situation réelle de travail. Il apprend à réagir à des circonstances et des événements qui se produisent dans le milieu de travail où il se situe. J’utilise ici volontairement le verbe «réagir» qui signifie ici le comportement d’une personne qui répond à une action extérieure. Dans le cas de l’apprenti, nous désirons qu’il soit inséré dans le contexte réel de travail. Cela a pour conséquence qu’il doit apprendre à s’intégrer à la situation de travail qui est fixe de par le milieu où il se trouve. Ce qui se passe est variable, mais le contexte de travail est fixe de par les caractéristiques intrinsèques de l’entreprise où il oeuvre. On lui apprend à oeuvrer dans un contexte spécifique comportant une ou des situations où il aura à réaliser ses tâches professionnelles en les modelant aux activités caractéristiques de l’entreprise.

Il en va tout autrement des établissements de formation, à tout le moins cela le devrait. Il faut qu’il conduise les apprenants à avoir le pouvoir d’agir sur leurs tâches de travail. Agir est une action rationnelle qui demande de :
– Poser des objectifs à l’action;
– Préparer l’action;
– Réaliser l’action;
– Évaluer le résultat;
Corriger l’action. (D’Hainaut, 1985)

Le milieu de formation a la possibilité et l’obligation de créer des situations de travail variées. C’est ce que l’on appelle des situations de travail artificielles. L’avantage de pouvoir concevoir des situations de travail artificielles c’est que nous pouvons provoquer chez l’apprenant la nécessité d’utiliser les savoirs, que nous désirons voir manifester, par l’insertion de circonstances particulières ou d’événements qui amèneront l’apprenant à adapter ses pratiques lors de la réalisation de ses tâches professionnelles. L’apprentissage est censé s’accomplir par une adaptation « spontanée » de l’apprenant au milieu créé par cette situation.

Il faut faire coïncider, dans une situation, le savoir à faire apprendre et l’action de l’apprenant (la tâche qu’il doit réaliser ). La situation doit permettre à l’apprenant de se faire une représentation de la réalité qui lui permettra de déduire, à partir de ses connaissances ou de celle qu’il devrait apprendre, les décisions et les comportements propres à la tâche à réaliser et à la compétence à développer.

Il ne faut pas confondre avec une mise en situation qui se caractérise par son aspect virtuel. La mise en situation peut servir pour faire de l’analyse de cas en salle pour pratiquer l’apprenant à la résolution de problèmes ou au développement du jugement critique.

La situation de travail artificielle donne un sens et de la pertinence à une tâche concrète que l’apprenant doit réaliser. La situation est donc liée généralement à un milieu matériel ou l’apprenant réalisera ses tâches. En plus de donner un sens aux tâches, elle fournit des informations nécessaires à l’adaptation de la tâche aux circonstances. L’adaptation est une caractéristique indissociable de la manifestation de la compétence professionnelle par l’apprenant. À cet égard, ce qui fait varier les façons de faire de l’apprenant ce sont les circonstances de la situation de travail et les événements qui s’y produisent.

En conduite automobile, par exemple, les actions qu’un conducteur peut réaliser avec un véhicule sont limitées. Il peut mettre en mouvement son véhicule, accélérer, maintenir sa vitesse, tourner, reculer, ralentir ou l’immobiliser. Ce qui rend la conduite complexe ce ne sont pas les actions que l’on peut faire, mais l’adaptation de ces actions dans une situation de conduite. La situation de conduite est composée d’un conducteur, d’un véhicule et d’un environnement. Lorsque l’on conduit, on doit adapter nos pratiques de conduite aux circonstances selon l’état de mon véhicule et mon état personnel. Mon état et celui du véhicule sont relativement contrôlables. Si je suis fatigué, je peux m’arrêter. Si mon véhicule manque de lave-glace, je peux m’arrêter et en ajouter. Donc, je dispose d’un certain contrôle sur ces deux éléments. Par contre, la compétence d’un conducteur se manifeste par une conduite qui anticipe les effets de circonstances et d’événements à risque associés à l’environnement où je conduis.
Que je sois sur une autoroute où à une intersection les situations à risque ne sont pas les mêmes. À chaque instant, je prends des décisions, plus je suis conscient des risques plus je peux les anticiper et adapter ma conduite.

La situation est simple. Vous devez manoeuvrer un véhicule, sept opérations, sur le réseau routier québécois qui est régi par un code de sécurité routière. Ce qui est complexe, c’est de gérer des situations incertaines, c’est-à-dire les autres usagers de la route, la météoroutière, la route, la circulation, le moment de la journée, la signalisation et la géographie. En faisant varier les circonstances de l’environnement, pluie, route de gravier, le soir, en hiver, etc., ou provoquer un événement, construction, accident, freinage brusque, terrain de jeu, etc., cela a directement une incidence sur la pratique de conduite que le conducteur devra adopter.

Ceci donne un bon exemple de la pertinence de l’exploitation de la situation. La complexité n’est pas de conduire, mais de gérer le risque. La situation peut être construite autour d’une sortie réelle où l’on doit anticiper et faire des pronostics à partir de ce qui est prévisible ou probable pour élaborer un itinéraire et décrire les pratiques. Lors de la réalisation de la conduite, on peut anticiper et gérer les situations à risque et être disponible aux nouvelles circonstances ou nouveaux événements. Après la conduite on peut revenir à ce qui avait été anticiper, ce qui c’est réellement passer et être conscient de ce qui est généralisable ou spécifique. Sans la situation de conduite artificielle. il ne peut y avoir la possibilité de développement de la capacité d’analyse du conducteur. Sans analyse, il ne peut qu’apprendre des méthodes et s’entraîner à réagir à ce qui se passe, il aura par conséquent une faible compétence à conduire de façon sécuritaire et responsable.

Concevoir un contexte d’apprentissage en formation professionnelle demande non seulement d’avoir un milieu où les tâches pratiques peuvent se réaliser, mais également d’installer la situation où ces tâches vont se dérouler. Plusieurs apprenants pourraient avoir une même tâche à réaliser, mais un résultat différent selon les circonstances ou les événements que je pourrais attribuer à chacun à partir de la situation présentée.

Les informations fournies par la situation à l’apprenant doivent permettre d’apporter des réponses entre autres aux questions suivantes que l’apprenant pourrait ou devrait se poser pour comprendre les incidences de la tâche qu’il doit réaliser :

Dans quel domaine oeuvre l’organisation pour laquelle je travaille?
Quel est le but de cette organisation (service ou production)?
Décrivez-moi mon lieu physique de travail?
Quelles sont les conditions de travail (horaire, obligations, directives, mode de fonctionnement)?
Qui d’autres devrais-je côtoyer dans l’organisation et pourquoi (équipe, supérieur, collègues, etc.)?
Quelle est ma fonction de travail et quelles sont mes responsabilités dans cette organisation?
Quels sont les facteurs de stress que je devrai gérer (temps, quantité, qualité)?
Quels sont les politiques, le fonctionnement et les règlements de l’organisation en lien avec mes tâches?
Quels sont les facteurs de risque pour la santé et sécurité?
Comment prendrai-je connaissance du travail à faire?

Les informations en lien avec ces questions doivent être pertinentes et avoir de l’incidence sur la manière dont seront réalisées les tâches prévues dans le programme et dans votre stratégie didactique.

La didactique professionnelle se caractérise par la cognition en situation. L’apprentissage d’un métier se distingue de l’apprentissage d’une discipline non pas par le savoir, mais par la situation où ce savoir prend son sens. Cela nous indique l’importance tout aussi grande de concevoir des situations de travail artificielles astucieuses didactiquement en confrontant l’apprenant autant aux opérations mentales, nécessaires à la manifestation d’une compétence professionnelle, qu’aux opérations motrices.

Une pédagogiqe du développement de la compétence professionnelle basée sur quoi?

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1. Position

Lorsque nous parlons de pratiques pédagogiques propres à la formation professionnelle, ou encore plus, de pratiques exemplaires, à partir de quoi pouvons-nous prétendre que ces pratiques aient pu émerger? Désirons-nous consacrer le fait que la grande partie de ces pratiques ont été le fruit de bricolage pédagogique et de démarches empiriques et spontanées? Comment peut-il en être autrement?

Cela fait plus de vingt ans que la réforme en formation professionnelle est apparue. Ce n’est qu’en 2005 que le MELS, après vingt ans, a publié le cadre de référence sur la planification des activités d’apprentissage et d’évaluation. Ce cadre de référence indiquait, pour la première fois, des pistes et des actions pour orienter les pratiques pédagogiques des enseignants.

En 1986, et au cours des années qui ont suivi, il n’y a eu aucune indication, de la part du MELS ou de toute autre source, de l’exercice de pratiques pédagogiques novatrices nous permettant de constater que l’approche par compétences allait être un changement réel devant favoriser l’apprentissage et le développement de cette compétence et non uniquement lié à l’évaluation, aux équipements, aux bâtiments et au financement.

L’approche par compétences en formation professionnelle fut un immense laboratoire. Elle a profité à qui depuis vingt ans? La mise en place de pratiques innovantes ne devrait-elle pas s’inspirer de ce laboratoire exceptionnel? La gestion de classe, la gestion des ateliers, la gestion des modules, la gestion du temps a laissé peu de place à l’innovation et à l’adaptation de pratiques pédagogiques propres au développement des compétences professionnelles. Ceci autant pour l’apprenant que pour l’enseignant.

Après plus de vingt ans d’implantation de l’approche par compétences, vous pouvez demander à un enseignant en quoi consiste, pour lui, le concept de compétence. Il vous dira : « j’essaye des pratiques et j’espère que cela portera fruit ». Autant de profs, autant de définitions. Certains vous diront même qu’il ne faut pas parler de compétence, mais de module et que de toute façon ce qui est important c’est de finir chaque module dans le temps prescrit et de présenter l’élève à l’examen. Qu’il réussisse ou qu’il échoue cela n’est pas grave dans la mesure où il génère du financement, car une chose que les enseignants savent c’est que la passation de l’examen est liée au financement et le financement est lié à leur embauche. Nous sommes loin de l’indication du cadre de référence du MELS où l’on spécifie qu’un enseignant ne doit pas présenter un élève à une épreuve s’il juge qu’il n’est pas prêt.

Nous sommes justifiés de nous questionner sur la finalité des pratiques pédagogiques actuelles. Est-ce que ces pratiques ont pour objet de faire apprendre ou de faire réussir les examens? Est-ce que ces pratiques ont pour objet de favoriser le développement de la compétence professionnelle ou de faire réussir les examens? Est-ce qu’il y a compatibilité entre la réussite des examens et le développement de la compétence professionnelle de l’apprenant? Est-ce que l’enseignant a une représentation fonctionnelle du concept de compétence professionnelle autre que la mémorisation et la répétition de gestes techniques qui sont souvent l’apanage de la réussite de l’examen?

Les réponses que nous apporterons à ces questions nous donneront la lunette avec laquelle les pratiques d’enseignement actuelles sont mises en place. Toutes ces questions sont intimement liées à l’analyse des pratiques pédagogiques.

Les enseignants en formation professionnelle ne sont généralement pas seuls à parler de pédagogie dans leur milieu de travail. Un autre corps d’emploi gravite autour d’eux, les conseillers pédagogiques, dont la fonction, selon Legendre (1993) est d’assurer l’animation pédagogique auprès des enseignants en matière d’innovation pédagogique, d’implantation et d’évaluation des programmes et des méthodes pédagogiques, d’évaluation des apprentissages ainsi que du matériel didactique.

Comme l’enseignant, le conseiller pédagogique accède à sa fonction sans formation particulière. Encore une fois, il apprend son métier en le faisant. Nous nous retrouvons à prétendre que deux corps d’emplois, les enseignants et les conseillers pédagogiques, qui ont appris leur profession généralement sur le tas, auraient une habileté spontanée à s’adapter et à innover en pédagogie et en didactique. Cette prétention frôle la pensée magique. Sans nier qu’il peut exister, de manière anecdotique, des expériences et des pratiques innovantes et prometteuses liées aux attentes des programmes par compétences, encore faut-il les trouver et encore faut-il s’entendre sur ce qu’est l’apprendre et la compétence professionnelle.

La recherche en didactique professionnelle en est à ses premiers pas. Il est clair qu’au moment où nous parlons de pratiques pédagogiques nous devons y associer l’utilisation des instruments didactiques et pédagogiques pendant que la préoccupation est surtout centrée sur les instruments technologiques. Avant de se prononcer sur des pratiques que nous pourrions observer et qui pourraient nous sembler des pratiques exemplaires (best practices), il faudra se positionner sur un paradigme différent de celui de la transmission des savoirs, c’est-à-dire celui de l’appropriation, beaucoup plus près de l’approche par compétences.

D’ailleurs, la corporation des conseillers et conseillères pédagogiques en formation professionnelle et technique (CCCPFPT) a identifié, en 2005, onze enjeux en formation professionnelle dont quatre peuvent être associés aux pratiques pédagogiques des enseignants.

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De ces enjeux, la CCCPFPT a identifié six dossiers prioritaires pour ses actions dans les années à venir, dont quatre me semblent avoir un impact direct sur les pratiques pédagogiques des enseignants. Nous devons nous questionner sur les sources où ces professionnels iront chercher des références pour pouvoir mener à bien le traitement de ces dossiers.

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2. La situation d’enseignement et d’apprentissage en formation professionnelle

L’apprentissage en formation professionnelle se manifeste généralement, pour plusieurs, par des actions motrices. Se baser sur cette seule manifestation peut parfois faire abstraction des actions mentales qui devraient générer ces actions motrices. L’avènement de l’approche par compétences a amené un nouveau questionnement. L’enseignant doit s’assurer que l’action motrice soit le résultat d’un processus réflexif, c’est-à-dire d’actions mentales, et non seulement d’un processus réflectif, relevant du réflexe, de l’automatisme ou de l’imitation.

Apprendre une profession ne consiste pas seulement à acquérir des connaissances et des habiletés motrices, mais à développer sa compétence professionnelle. L’apprendre est un processus complexe qui se met en branle à partir de certaines conditions. Pour apprendre, il faut chercher et pour chercher, il faut une quête qui a du sens pour la personne en apprentissage et cette quête se doit d’être mise en place par l’enseignant. La recherche d’une solution demande des efforts. L’énergie nécessaire pour mobiliser les efforts vient de la motivation engendrée par la pertinence et le sens de l’environnement d’apprentissage mis en place. En définitive, apprendre génère le désire d’apprendre; mais alors comment démarrer ce mouvement continu constamment mis en veille par des pratiques d’enseignement archaïques en plus d’être, la plupart du temps, copiées de la formation générale et plus souvent qu’autrement mal adaptées à la formation professionnelle.

L’incidence de l’apprendre en formation professionnelle est très importante, car même si avoir appris ne veut pas dire être compétent, il n’en demeure pas moins que pour être compétent il faut avoir appris. Comme le souligne de manière très à propos Piaget (1974), comprendre consiste à dégager la raison des choses; réussir ne revient qu’à les utiliser avec succès. Le défi de la formation professionnelle et des pratiques pédagogiques que nous devons y associer, dans le cadre du développement de compétences, doit amener l’apprenant non seulement à réussir, mais à comprendre.

Aborder l’apprendre comme l’une des étapes du processus du développement de la compétence professionnelle demande un changement de paradigme important de la part des milieux de formation et des personnes qui y oeuvrent. Aujourd’hui il ne s’agit plus d’entraîner une personne à des façons de faire et de faire mémoriser des savoirs; il faut maintenant que l’apprenant apprenne à apprendre pour être en mesure de développer sa compétence professionnelle.

Pour être en mesure d’amener l’apprenant à développer son pouvoir d’agir, de réussir et de progresser, comme le stipule le MELS, il faudra mettre en place des conditions et des ressources favorisant l’élaboration, par l’apprenant, de ses représentations des savoirs à apprendre pour être en mesure de manifester sa compétence.

3. Les actions et l’enseignant en FP

Les enseignants, pour une majorité d’entre eux, n’ont pas eu l’occasion de vivre professionnellement les impacts de l’évolution du marché du travail. Par contre, ils ont la responsabilité de préparer ceux qui auront à y faire face. Pour éclairer notre discussion, j’ai demandé à des enseignants d’identifier les actions associées au rôle d’un enseignant en formation professionnelle. J’ai identifié ces actions dans la catégorie des actions conventionnelles de l’enseignant. J’ai également fait l’exercice de repérer, dans le cadre de référence sur la planification des activités d’apprentissage et d’évaluation du MELS, les actions proposées dans l’approche pédagogique proposée que j’ai nommé les actions novatrices de l’enseignant.

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De plus, toujours pour alimenter la discussion, j’ai demandé à plusieurs groupes d’enseignants et de futurs enseignants de construire le profil d’un enseignant en formation professionnelle. Après avoir fait la liste des caractéristiques, il est apparu que nous pouvions les diviser en deux catégories, ce qu’il doit avoir et ce qu’il doit être.

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Les deux derniers tableaux nous permettent de constater ceci : pour le premier, l’écart entre la perception de l’enseignant quant à ses actions et les actions identifiées par le MELS pour atteindre les attentes de la formation. Pour le second, la perception, par les enseignants de ce qu’ils doivent avoir et être pour enseigner avec compétence. Ce qui est également intéressant c’est de constater la lucidité des enseignants quant ils identifient les caractéristiques de ce que l’enseignant doit avoir et être. C’est à nous d’analyser, si les formations et les perfectionnements proposés aux enseignants leur permettent de développer leur compétence dans ce sens.

En plus de ces caractéristiques, il est important que les enseignants connaissent, maîtrisent et exploitent des pratiques d’enseignement qui faciliteront l’apprentissage des savoirs sous-jacents aux compétences à faire développer. À cet égard, suite à mes observations dans le milieu, les enseignants se butent à un problème classique : comment favoriser le transfert des connaissances de l’apprenant dans l’action ? Ou encore, comment faire pour que les élèves appliquent dans la pratique la théorie qu’on leur a montrée en classe? Eh oui, c’est de là qu’il faut partir. J’aborde cette problématique sous l’angle des représentations (Richard, 1990) des connaissances des apprenants et des enseignants, ainsi que du sens et de la pertinence des apprentissages qui y sont nécessairement associés.

Quelles représentations les enseignants ont-ils de l’enseignement? Lorsqu’ils abordent l’enseignement, qu’est-ce que cela représente pour eux? Qu’est-ce qui peut faire dévier les pratiques de l’enseignant de son but premier de faire apprendre? Le concept de représentation me semble être au cœur de cette situation problème. De manière plus explicite, il faut chercher vers le mécanisme favorisant l’élaboration de représentations actives des savoirs sous-jacents nécessaires à la manifestation de la compétence professionnelle chez l’apprenant.

Souvent, les enseignants se questionnent sur l’utilisation des connaissances apprises par l’apprenant et cela autant dans les cours de formation générale que dans les cours théoriques en formation professionnelle. Ils se demandent comment il se fait que l’apprenant n’applique pas ce qu’il est sensé avoir appris?

En comprenant mieux le concept de représentation, son rôle avec les savoirs et son fonctionnement, l’enseignant sera plus en mesure d’utiliser des pratiques d’enseignement plus efficaces pour faciliter le transfert de la théorie dans la pratique et pouvoir ainsi agir de manière plus consciente pour favoriser l’apprentissage.

Des pratiques d’enseignement qui favorisent la construction de représentations chez l’apprenant et un contexte d’apprentissage pour donner du sens et de la pertinence aux savoirs, constituent deux chantier à mettre en œuvre à court terme. C’est par ce contexte que l’apprenant fait face aux événements qui exigeront de lui la réalisation des tâches professionnelles le conduisant au développement de sa compétence professionnelle. Mais pour que le contexte et les événements aient du sens, il faut placer l’apprenant dans un environnement pour qu’il puisse construire ses connaissances. Comme le stipule Barth (98), « il faut fournir les supports nécessaires pour rendre possible la création de sens des concepts chez l’apprenant ». Perrenoud (97) ajoute sur l’environnement : « Il vise à augmenter le degré de transférabilité des connaissances et des compétences ». L’environnement doit favoriser l’encodage, la structuration, la mise en contexte des concepts pour permettre la construction de représentations concrètes des problèmes professionnels présents et futurs à résoudre.

En pédagogie, chacun des éléments qui se retrouvent dans un environnement d’apprentissage, que ce soit les infrastructures, les équipements, les outils, les matériaux, les didactique, les livres, l’aménagement des espaces, etc., s’influencent mutuellement et influencent l’apprenant en ce qui a trait à son adhésion à la formation, point de départ de son besoin ou de son désir d’apprendre.

L’apprenant est au cœur de ses apprentissages et l’apprendre est indispensable au développement de la compétence professionnelle qui constitue le but de la formation professionnelle. L’apprendre doit donc se manifester par des actions concrètes afin que, d’une part, l’enseignant puisse observer et que, d’autre part, l’apprenant puisse constater, c’est-à-dire être conscient, et que finalement les deux puissent échanger sur le changement suscité par l’apprentissage.

L’action doit être volontaire parce que seul l’apprenant peut apprendre ; s’il ne veut pas apprendre, il n’apprendra pas malgré tous les efforts de l’enseignant. Ultimement, il mémorisera l’information ou appliquera un mode opératoire le temps nécessaire à la réussite de l’examen et par la suite tout s’envolera dans l’oubli.

L’action doit être consciente parce que l’apprenant doit être en mesure de percevoir ce qu’il est ainsi que le monde qui l’entoure. Pour qu’il apprenne, il doit être conscient du changement que ces apprentissages opèrent sur lui entre son état d’ignorance au départ et les connaissances dont il dispose maintenant pour développer son pouvoir d’agir.

L’action doit être sociale, car la compétence s’observe à l’extérieur d’un individu. Ce sont ceux qui nous entourent qui constatent ou non le niveau de ma compétence. C’est au moment de mes interactions dans mon environnement professionnel que se manifesteront les comportements indicateurs de la présence de la compétence professionnelle.

L’action est finalement autonome, c’est-à-dire qu’elle se manifeste par une prise en charge de la part de l’apprenant, selon ses responsabilités, de façon à poser des actions au moment opportun dans un contexte donné. Nous pouvons ici percevoir quelques pistes sur les pratiques d’enseignement/apprentissage innovantes qu’il faudra mettre en oeuvre seulement pour faire manifester l’autonomie, indicateur maître de la manifestation de l’apprendre chez un apprenant.

L’apprenant, les représentations, l’objet d’apprentissage, l’environnement et l’accompagnement offert par un enseignant constituent cinq piliers pour des pratiques pédagogiques innovantes et prometteuses en FP. L’environnement d’apprentissage doit susciter la rencontre de l’apprenant avec l’objet d’apprentissage et agir sur sa capacité à se construire des représentations des savoirs qu’il doit apprendre. Voilà le rôle crucial que l’enseignant a à jouer. Il est beaucoup plus qu’un dispensateur de savoirs, il est l’accompagnateur d’un apprenant qui doit s’approprier des savoirs. En outre, gardons bien en tête que l’enseignant, souvent bien malgré lui, demeure toujours un modèle pour l’élève et qu’à ce titre il se doit de manifester des comportements et un agir qui soient représentatifs de la profession. Ultimement, au lieu de proposer des exemples comme il le fait habituellement, il aurait avantage à se donner en exemple.

La table est maintenant mise, il reste à faire le service, bon appétit.

Un point de repère

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badge-apprendreLes nouveaux enseignants en formation professionnelle sont engagés dans les centres de formation sur la base de leur compétence disciplinaire et sur leur capacité potentielle comme pédagogue. Pendant qu’ils forment en établissement les futurs travailleurs, eux-mêmes, pour un bon nombre, apprennent leur profession d’enseignant sur le tas, c’est ce que l’on peut appeler l’immersion professionnelle.

Après un certain nombre d’années, ces enseignants auront l’obligation de se qualifier légalement en suivant un programme de formation universitaire. Par la suite, ils auront à réaliser des stages, pour compléter la formation et se qualifier, c’est ce que nous appelons l’insertion professionnelle.

Comment faciliter la cohérence entre l’immersion dans la profession et la formation pour la qualification?

L’apprentissage implicite et spontané sur le tas lors de son immersion, les conflits cognitifs lors de la formation et la dissonance cognitive que ne manquera pas de provoquer le transfert de ces nouvelles connaissances dans les nouvelles pratiques qu’elles devront susciter, constituent l’écheveau à démêler.

Enseigner est une profession très complexe qui demande de la résolution de problème pour organiser la formation et du jugement critique pour gérer les situations d’enseignement/apprentissage. Je travaille depuis trente ans à décortiquer les actions d’enseignement, les actions mentales liées à l’apprentissage, les actions de l’apprenant, les phénomènes liés à l’apprentissage, les méthodes d’organisation de la formation, etc. Plus j’avance plus je me rends compte qu’il devient de plus en plus difficile de vulgariser cette profession pour un enseignant qui débute. L’arbre cache la forêt et si nous enlevons les arbres la forêt va disparaître.

Tout en exploitant ma métaphore de forêt, je désire y associer le concept de la boussole et du point de repère. La forêt, pour l’enseignant qui débute, c’est le vocabulaire associé aux activités d’enseignement. Le vocabulaire est à la base de la compréhension de toute profession. Sans le vocabulaire je peux finir par comprendre, mais très difficilement et ce manque de compréhension va nécessairement se répercuter sur mon enseignement, mon organisation, ma gestion de classe et ce qui est plus grave, sur les apprentissages de mes apprenants pour finir par m’embourber dans des problèmes de comportements, de discipline et d’échecs si ce n’est pas carrément l’abandon de la profession.

J’ai quantifié cette forêt de mots et de concepts à environ cinq cents. D’ailleurs si vous vous référez au glossaire que je suis en train de vous construire dans une autre section de ce blogue, vous serez en mesure de constater l’ampleur du défi. De plus, ces concepts sont abstraits et équivoques, ce qui n’enlève rien à la difficulté.

Comment faire en sorte que l’enseignant s’y retrouve? En lui fournissant le nord de sa boussole. Ce nord, ou ce point de repère, c’est la manifestation des apprentissages. Je ne cesse de répéter aux enseignants qu’un cours n’est pas élaboré pour le prof, mais pour celui qui apprend. Toutes les actions qu’il fait doivent nécessairement avoir une contrepartie qui consiste dans la manifestation d’un apprentissage par l’apprenant.

L’organisation de la théorie, de la pratique, d’un laboratoire, de l’alternance, d’un PowerPoint, etc., doit avoir pour conséquence immédiate une manifestation de l’apprenant qui me confirme qu’il y a eu un effet à mon action. Vous me direz que tous les enseignants font cela, on enseigne pour que l’élève apprenne. On essaye et on espère, comme me disent souvent les enseignants.

L’idée ici n’est pas aussi simple, mais faisable si on agit avec méthode. Comme en physique chaque action provoque une réaction en contrepartie. Sommes-nous en mesure d’identifier cette réaction à nos actions et est-ce qu’elle correspond à la seule et unique raison du pourquoi il y a une formation, c’est-à-dire faire apprendre. Si apprendre se doit d’être un acte conscient, volontaire, autonome et sociale, il en va de même pour l’enseignement.

La question à se poser constamment comme enseignant est :

Quelle est la réaction, concrète, de l’apprenant, qui m’indique qu’il a appris, suite à l’action que je viens de faire comme enseignant?

Si la réponse n’est pas l’apprentissage nous sommes en droit de nous poser la question du pourquoi de cette action. Il est certain ici qu’il m’est difficile de répondre à cette question si je n’ai pas une représentation de ce qu’est apprendre. Mais ça, ce sera un autre article…

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