L’apprentissage est le processus par lequel les connaissances se modifient.
L’apprenant peut nous représenter ses connaissances par des descriptions de tactiques ( ou procédures) qu’il construira suite à la réalisation d’une tâche dans une situation.
Les tâches sont issues des éléments de la compétence du programme. Les actions qui sont inscrites dans le programme peuvent être interprétées comme des tâches potentielles que l’apprenant se devra de réaliser et de réussir pour pouvoir développer la compétence visée. Les tâches doivent être perçues comme des tâches professionnelles à venir et non comme des activités scolaires dont la fonction ne serait que d’apprendre un savoir particulier. La tâche doit se vivre nécessairement dans une situation de travail.
C’est un signe distinctif de la formation professionnelle, la situation de travail est l’élément de départ de toutes les activités professionnelles. C’est pourquoi, lors de l’élaboration de programmes en formation professionnelle, l’analyse de la situation de travail précède toujours l’élaboration du programme. Ce qui fait en sorte que pour donner du sens et de la pertinence à une tâche (action) que l’apprenant doit réaliser il est important de lui situer dans quelle situation elle se déroule.
Une situation de travail est constituée de l’ensemble des circonstances dans lesquels une personne se trouve ainsi que les relations qui l’unissent à son milieu.
Lorsqu’un apprenti se retrouve en formation, il est assisté d’un compagnon qui oeuvre avec lui dans une situation réelle de travail. Il apprend à réagir à des circonstances et des événements qui se produisent dans le milieu de travail où il se situe. J’utilise ici volontairement le verbe «réagir» qui signifie ici le comportement d’une personne qui répond à une action extérieure. Dans le cas de l’apprenti, nous désirons qu’il soit inséré dans le contexte réel de travail. Cela a pour conséquence qu’il doit apprendre à s’intégrer à la situation de travail qui est fixe de par le milieu où il se trouve. Ce qui se passe est variable, mais le contexte de travail est fixe de par les caractéristiques intrinsèques de l’entreprise où il oeuvre. On lui apprend à oeuvrer dans un contexte spécifique comportant une ou des situations où il aura à réaliser ses tâches professionnelles en les modelant aux activités caractéristiques de l’entreprise.
Il en va tout autrement des établissements de formation, à tout le moins cela le devrait. Il faut qu’il conduise les apprenants à avoir le pouvoir d’agir sur leurs tâches de travail. Agir est une action rationnelle qui demande de :
– Poser des objectifs à l’action;
– Préparer l’action;
– Réaliser l’action;
– Évaluer le résultat;
Corriger l’action. (D’Hainaut, 1985)
Le milieu de formation a la possibilité et l’obligation de créer des situations de travail variées. C’est ce que l’on appelle des situations de travail artificielles. L’avantage de pouvoir concevoir des situations de travail artificielles c’est que nous pouvons provoquer chez l’apprenant la nécessité d’utiliser les savoirs, que nous désirons voir manifester, par l’insertion de circonstances particulières ou d’événements qui amèneront l’apprenant à adapter ses pratiques lors de la réalisation de ses tâches professionnelles. L’apprentissage est censé s’accomplir par une adaptation « spontanée » de l’apprenant au milieu créé par cette situation.
Il faut faire coïncider, dans une situation, le savoir à faire apprendre et l’action de l’apprenant (la tâche qu’il doit réaliser ). La situation doit permettre à l’apprenant de se faire une représentation de la réalité qui lui permettra de déduire, à partir de ses connaissances ou de celle qu’il devrait apprendre, les décisions et les comportements propres à la tâche à réaliser et à la compétence à développer.
Il ne faut pas confondre avec une mise en situation qui se caractérise par son aspect virtuel. La mise en situation peut servir pour faire de l’analyse de cas en salle pour pratiquer l’apprenant à la résolution de problèmes ou au développement du jugement critique.
La situation de travail artificielle donne un sens et de la pertinence à une tâche concrète que l’apprenant doit réaliser. La situation est donc liée généralement à un milieu matériel ou l’apprenant réalisera ses tâches. En plus de donner un sens aux tâches, elle fournit des informations nécessaires à l’adaptation de la tâche aux circonstances. L’adaptation est une caractéristique indissociable de la manifestation de la compétence professionnelle par l’apprenant. À cet égard, ce qui fait varier les façons de faire de l’apprenant ce sont les circonstances de la situation de travail et les événements qui s’y produisent.
En conduite automobile, par exemple, les actions qu’un conducteur peut réaliser avec un véhicule sont limitées. Il peut mettre en mouvement son véhicule, accélérer, maintenir sa vitesse, tourner, reculer, ralentir ou l’immobiliser. Ce qui rend la conduite complexe ce ne sont pas les actions que l’on peut faire, mais l’adaptation de ces actions dans une situation de conduite. La situation de conduite est composée d’un conducteur, d’un véhicule et d’un environnement. Lorsque l’on conduit, on doit adapter nos pratiques de conduite aux circonstances selon l’état de mon véhicule et mon état personnel. Mon état et celui du véhicule sont relativement contrôlables. Si je suis fatigué, je peux m’arrêter. Si mon véhicule manque de lave-glace, je peux m’arrêter et en ajouter. Donc, je dispose d’un certain contrôle sur ces deux éléments. Par contre, la compétence d’un conducteur se manifeste par une conduite qui anticipe les effets de circonstances et d’événements à risque associés à l’environnement où je conduis.
Que je sois sur une autoroute où à une intersection les situations à risque ne sont pas les mêmes. À chaque instant, je prends des décisions, plus je suis conscient des risques plus je peux les anticiper et adapter ma conduite.
La situation est simple. Vous devez manoeuvrer un véhicule, sept opérations, sur le réseau routier québécois qui est régi par un code de sécurité routière. Ce qui est complexe, c’est de gérer des situations incertaines, c’est-à-dire les autres usagers de la route, la météoroutière, la route, la circulation, le moment de la journée, la signalisation et la géographie. En faisant varier les circonstances de l’environnement, pluie, route de gravier, le soir, en hiver, etc., ou provoquer un événement, construction, accident, freinage brusque, terrain de jeu, etc., cela a directement une incidence sur la pratique de conduite que le conducteur devra adopter.
Ceci donne un bon exemple de la pertinence de l’exploitation de la situation. La complexité n’est pas de conduire, mais de gérer le risque. La situation peut être construite autour d’une sortie réelle où l’on doit anticiper et faire des pronostics à partir de ce qui est prévisible ou probable pour élaborer un itinéraire et décrire les pratiques. Lors de la réalisation de la conduite, on peut anticiper et gérer les situations à risque et être disponible aux nouvelles circonstances ou nouveaux événements. Après la conduite on peut revenir à ce qui avait été anticiper, ce qui c’est réellement passer et être conscient de ce qui est généralisable ou spécifique. Sans la situation de conduite artificielle. il ne peut y avoir la possibilité de développement de la capacité d’analyse du conducteur. Sans analyse, il ne peut qu’apprendre des méthodes et s’entraîner à réagir à ce qui se passe, il aura par conséquent une faible compétence à conduire de façon sécuritaire et responsable.
Concevoir un contexte d’apprentissage en formation professionnelle demande non seulement d’avoir un milieu où les tâches pratiques peuvent se réaliser, mais également d’installer la situation où ces tâches vont se dérouler. Plusieurs apprenants pourraient avoir une même tâche à réaliser, mais un résultat différent selon les circonstances ou les événements que je pourrais attribuer à chacun à partir de la situation présentée.
Les informations fournies par la situation à l’apprenant doivent permettre d’apporter des réponses entre autres aux questions suivantes que l’apprenant pourrait ou devrait se poser pour comprendre les incidences de la tâche qu’il doit réaliser :
Dans quel domaine oeuvre l’organisation pour laquelle je travaille?
Quel est le but de cette organisation (service ou production)?
Décrivez-moi mon lieu physique de travail?
Quelles sont les conditions de travail (horaire, obligations, directives, mode de fonctionnement)?
Qui d’autres devrais-je côtoyer dans l’organisation et pourquoi (équipe, supérieur, collègues, etc.)?
Quelle est ma fonction de travail et quelles sont mes responsabilités dans cette organisation?
Quels sont les facteurs de stress que je devrai gérer (temps, quantité, qualité)?
Quels sont les politiques, le fonctionnement et les règlements de l’organisation en lien avec mes tâches?
Quels sont les facteurs de risque pour la santé et sécurité?
Comment prendrai-je connaissance du travail à faire?
Les informations en lien avec ces questions doivent être pertinentes et avoir de l’incidence sur la manière dont seront réalisées les tâches prévues dans le programme et dans votre stratégie didactique.
La didactique professionnelle se caractérise par la cognition en situation. L’apprentissage d’un métier se distingue de l’apprentissage d’une discipline non pas par le savoir, mais par la situation où ce savoir prend son sens. Cela nous indique l’importance tout aussi grande de concevoir des situations de travail artificielles astucieuses didactiquement en confrontant l’apprenant autant aux opérations mentales, nécessaires à la manifestation d’une compétence professionnelle, qu’aux opérations motrices.
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