La présentation des notions théoriques est souvent un défi important pour plusieurs enseignants et formateurs. Les formateurs et enseignants en formation professionnelle sont le plus souvent engagés pour leur expertise dans le contenu à enseigner. Ces spécialistes de la matière à enseigner sont des gens de métier dont la majeure partie des connaissances est empirique, tacite et implicite. Le défi est de faire en sorte que l’expertise du formateur se transforme en savoirs à faire apprendre, en informations à présenter et finalement en connaissances traitables par les apprenants. Ce processus semble évident, mais suite à mes constats avec de nombreux travaux avec des enseignants et formateurs, il semble que ce soit la plus grande faiblesse manifestée. Souvent, les enseignants et formateurs vont se reférer à des contenus déjà existants en mathématique, en science ou en physique. Malheureusement, ils ne tiennent pas compte que ces savoirs sont décontextualisés tandisque que leur expertise est contextualisée. Les liens entre les savoirs savants et les contextes d’utilisation ne sont pas à la portée de tous. L’enseignant et le formateur doivent pouvoir garder le sens de leur expertise et y intégrer les savoirs savants. Pour ce faire, j’ai imaginé quatre étapes associées à quatre outils didactiques pour en arriver à fournir aux apprenants des outils pour faciliter la perception, l’organisation, le sens et la signification des notions à faire apprendre à partir de l’expertise de ceux qui les forment.
Faire comprendre les théories
2 octobre 2011
Didactique professionnelle, Enseigner, Langage, Le contexte, Le savoir, Objet d'apprentissage, Pratique pédagogique 4 commentaires
Mar 21, 2012 @ 10:24:22
Bonjour,
Je suis présentement étudiante en enseignement professionnelle (secrétariat juridique) et votre texte me fais poser la questions suivante:
Si l’enseignant se met à la place de l’élève ou essai de repenser à ce qu’il a vécu en tant qu’élève du programme qu’il enseigne. Ce ne serait pas plus facile de faire comprendre la matière que nous devons enseigner?
De plus, l’enseignant doit préparer les élèves au marché du travail. Et de plus en plus, il manque de main-d’oeuvre spécialisée. Il faut donc se mettre à la place du nouvel employé et lui montrer la matière de A à Z.
Ou bien je me trompe complètement et il faut trouver un autre sens à la matière que nous devons enseigner et la présenter sous cette autre manière?
J’aimeJ’aime
Mar 22, 2012 @ 08:58:56
Merci pour votre commentaire.
Le terme que vous utilisez «la matière» est très vaste. L’enseignant doit faire développer la compétence professionnelle de ses apprenants. En ce qui me concerne, «la matière» est constituée du savoir, du savoir-faire, du savoir-être et du contexte de réalisation professionnelle. Ces quatre éléments doivent s’apprendre ensemble et non de façon séparée.
L’autre terme que vous utilisez est «de faire comprendre». La compréhension est une étape du processus d’apprentissage qui demande une bonne préparation et instrumentation didactique. La clé de la compréhension est le sens et ce qui donne du sens aux différents savoirs c’est le contexte de travail. Finalement, comprendre ne veut pas dire acquérir des savoirs, mais construire le sens des savoirs. Cela ne se fait pas en écoutant un prof réciter sa matière. L’un des indicateurs de la compréhension est la capacité d’un apprenant à construire une représentation des savoirs impliqués. Par exemple, à partir d’une tâche à réaliser les différentes pratiques de travail à mettre en oeuvre et à adapter, pour mener à terme de manière conforme la tâche, constitue une représentation si l’apprenant est en mesure de la rédiger, pas seulement de la réaliser.
Pour qu’un apprenant soit prêt pour le marché du travail il ne s’agit pas de lui montrer la matière de A à Z, il faut qu’il apprenne à s’adapter pour pouvoir transférer ce qu’il a appris dans un contexte réel. La matière peut avoir une durée de vie moins longue que le cours qu’il aura à suivre. Il est plus important de lui apprendre à apprendre que de lui apprendre uniquement la matière. L’enseignant du futur doit se concentrer sur le processus d’apprentissage des apprenants en tenant compte de leurs caractéristiques, ses stratégies pédagogiques et sur l’environnement d’apprentissage. Ces trois éléments doivent servir non pas à montrer, mais à faire apprendre à apprendre. Ce n’est pas la matière à apprendre qui est importante, mais comment utiliser cette matière et l’adapter selon la situation de travail.
Il est certains qu’il faut trouver un autre sens à la matière et trouver de nouvelles façons pour la faire apprendre. C’est ce que je m’évertue à faire. Nos pratiques traditionnelles d’enseignement sont archaïques et inadaptées aux caractéristiques des apprenants et au développement des compétences. La pédagogie de la situation est la nouvelle voie de l’enseignement en formation professionnelle.
Il faut comprendre la situation de travail avant de pouvoir comprendre le sens de la matière qui me permettra d’agir dans cette situation. Quelle est l’utilité pour une personne de connaître les règles de sécurité si elle n’est pas en mesure de comprendre la situation de travail et d’y repérer les situations de danger qui pourraient y apparaître et ainsi prendre les mesures nécessaires à sa sécurité ? Comme je le dis souvent dans mes conférences; comment faire pour mettre le casque de sécurité dans la tête du travailleur avant de lui mettre sur la tête ?
C’est une mauvaise utilisation d’un enseignant que de le limiter à transmettre de la matière. Sa compétence réside non pas dans les connaissances qu’il possède, mais dans sa capacité à exploiter et adapter ces connaissances dans une situation de travail. Elle est là la compétence du prof en formation professionnelle. On ne l’engage pas sur ses connaissances, mais pour sa compétence.
J’aimeJ’aime
Oct 05, 2011 @ 05:26:51
Bonjour,
Mon approche est differente. Pour moi, la question est avant tout morale :
– quelles parties de la realite dois-je eclairer ?
– quelle interpretation puis-je en donner ?
Contextuellement, deux courants vont definir mon intervention en expertise methodologique (je rappelle que j’ai une licence de Sciences de l’Education) : l’ideologie et la theologie; selon que je sois democrate ou republicain, socialiste ou liberal; mais aussi en fonction de ma culture religieuse : monotheiste, polytheiste, atheiste, animiste…
Une fois ces preceptes determines, je peux savoir ce que je dois transmettre. A ce niveau, il m’interesse de savoir si ce que je transmets vient du terrain et donc de l’observation ou de la theorie et donc des idees. En effet, je n’agirai pas de la meme maniere selon que l’objet appartienne a telle categorie ou a telle autre car les processus de theorisation different, par induction, deduction, voire les deux… Bien sur, pour conclure de maniere circulaire, je reste persuade que le second critere a prendre en compte est le sujet : l’apprenant est citoyen et/ou il est croyant…
A bientot,
ilhanbejar @gmail.com
J’aimeJ’aime
Oct 30, 2011 @ 10:20:35
Je comprends votre position. Je la trouve intéressante, mais à mille lieues des préoccupations d’une enseignant en formation professionnelle. Cela me fait penser lorsque j’enseignais l’ébénisterie. Les étudiants, au départ, voulaient aborder le sujet par l’art. Je ne pensais pas l’époque, comme aujourd’hui, qu’il fallait débuter dans ce métier en ayant une lunette d’artiste et du transfert des représentations de l’artiste dans son oeuvre. Un jour certainement, mais pas à ce moment. Contrairement à plusieurs positions que je respecte, l’ébéniste est d’abord un artisan qui exerce un métier, l’aspect artistique va bien au-delà de la maîtrise des techniques, mais rend nécessaire cette maîtrise. Beaucoup d’ébénistes ne sont pas des artistes et réalisent très bien leur métier. C’est à ceux-là que je m’adressais.
Si je reviens au thème présenté « Faire comprendre les théories » pour la formation professionnelle, la première approche doit en être une pragmatique. La situation de travail, les responsabilités, les tâches, les pratiques de travail constituent les fondements de la compréhension pour l’apprenti. Ce n’est qu’au moment où l’enseignant traitera de la manifestation du jugement pour adapter des pratiques de travail à la situation de travail en considérant les conditions et les circonstances qu’effectivement, la relation entre l’individu, la situation et l’action constituent un assemblage qui est en lien avec ce qu’il est, plus que ce qu’il sait. Ce sera un assemblage des deux selon les influences de ses valeurs, ses principes, ses perceptions, etc.
Mais ce stade d’intervention ne se situe pas au début de la formation. Comme dans la lecture et l’écriture, il faut admettre qu’il faut apprendre à lire et à écrire avant d’atteindre le niveau de Baudelaire et ce n’est pas à partir des textes de Baudelaire que vous commencerez à faire lire un indivis.
Un professionnel teinte ses actions de ce qu’il est, de ce qu’il sait, des valeurs de la société d’où il provient, etc. Mais avant d’être un professionnel, l’individu doit passer par le stade d’apprenant et d’apprentie. On doit se situer à ce stade pour garder un lien de sens entre lui et le métier auquel il se destine.
J’aimeJ’aime