Je pris conscience de la première composante de ce que je nomme « éléments d’enseignement ». Au début, je percevais l’enseignement comme un tout à l’intérieur duquel se trouvait un certain nombre d’éléments et d’événements qui arrivaient ou se produisaient de façon aléatoire. Ce qui me confortait dans l’idée que la planification était inutile étant donné que l’on ne peut savoir avec certitude ce qui va arriver. Pourquoi planifier une chose que l’on ne pourra pas appliquer. Il valait mieux apprendre à réagir plutôt qu’agir. D’où la fausse idée qu’il faut avoir beaucoup d’expérience pour être un bon enseignant en formation professionnelle.
Aujourd’hui, je suit porteur de l’idée que c’est la planification et l’organisation des éléments d’enseignement qui permettent d’enseigner et ainsi d’avoir le pouvoir d’agir avec compétence et d’offrir un enseignement de qualité. Mais lors de cette première journée, j’étais loin d’être conscient de tout ce que je devais gérer et prendre en considération. J’étais vraiment dans une autre galaxie et je me demandais comment faire pour m’en sortir.
Je parlais à mes élèves de styles, d’essences de bois, de produits de finition, d’assemblages et d’outils. Je me suis rapidement rendu compte que tous ces sujets étaient du chinois pour eux. Ce qui me semblait évident était totalement obscur pour les élèves. À la suite de ce constat, j’ai compris que tout métier ou toute profession était porteur d’un langage qui lui est propre. Il fallait donc donner accès à ce langage pour permettre aux élèves de communiquer et pour moi de me faire comprendre. Je venais de comprendre l’utilité d’un premier élément de l’enseignement, l’accès au langage.
C’est pourquoi je propose aujourd’hui aux enseignants de produire un glossaire du métier qu’ils vont enseigner. Cela facilite la communication et donne accès à la connaissance, peu importe si votre élève maîtrise où non la langue. Il ne faut pas confondre langue et langage. Ce n’est pas parce que l’élève maîtrise la langue qu’il maîtrise le langage de la profession.
Cela faisait un petit bout de temps que le cours avait débuté et que je présentais la matière lorsqu’un élève se lève la main. J’étais heureux que débutent les échanges et la participation des élèves. Mais j’ai vite déchanté. Il voulait seulement savoir quand aurait lieu la pause de l’avant-midi et combien de temps elle durerait. Je pris conscience alors qu’au-delà du déroulement du contenu il y avait une structure du temps bien établi. Il fallait donc organiser le temps selon le déroulement naturel d’une journée.
C’était un nouvel élément de l’enseignement. Le découpage des moments d’une journée et l’établissement de routines pour faciliter le fonctionnement.
J’en suis venu à repérerr quatre moments clés de la journée, deux l’avant-midi et deux l’après-midi. Cela semble évident, mais ce qui est moins évident c’est d’établir que ces quatre moments correspondent à quatre temps qui viennent organiser le déroulement des activités de la journée.
Le premier temps est celui du matin jusqu’à la pause. J’appelle ce temps « La mise en train ou l’impulsion ». Il correspond à l’exploration et à la découverte du thème de la séance. C’est un temps qui se doit d’être stimulant et motivant pour favoriser le démarrage du travail et l’adhésion des apprenants. L’intention de ce temps est de faire découvrir aux élèves ce q’il faut apprendre pour être en mesure de réaliser les tâches de la séance. C’est la découverte, par l’élève, de son ignorance et la motivation à faire les efforts pour la combler.
Le deuxième temps correspond aux apprentissages nécessaires pour réaliser les tâches prévus durant la séance. Cette partie demande plus d’efforts et peut être plus longue selon les apprentissages à réaliser. L’étape de l’apprentissage pourrait couvrir le temps deux et trois selon la complexité ou la quantité des savoirs à s’approprier. Le temps deux se retrouve entre la pause de l’avant-midi et le repas du midi tout en pouvant déborder en début d’après-midi.
Le temps trois suit le repas du midi et devrait faire en sorte de placer l’élève en action pour éviter que la digestion prenne la place de la réflexion et de l’action. Le contenu de cette période est soi en complément du temps deux pour finaliser les apprentissages nécessaires où il correspond à la mise en application des apprentissages réalisés dans le deuxième temps. C’est à ce moment que l’élève applique, dans des tâches propres aux métiers, les savoirs acquis durant la période d’apprentissage.
Le quatrième temps est celui de la prise de conscience. Cette étape conclut la journée. Elle permet de prendre conscience des apprentissages réalisés et de faire la synthèse de l’objectif de la séance. Cette étape clos la séance et annonce la suivante, ainsi de suite.
Ce modèle m’a grandement facilité le travail pour organiser mes autres séances. Je disposais d’un cadre découpé en plusieurs parties avec chacune son intention. Je n’ai pas constaté cela tout de suite. Cela m’a pris plusieurs années pour en arriver à percevoir la formation de cette façon. Au début, tout était en vrac et je tentais tant bien que mal de remplir le temps la journée.
Je me suis rendu compte ainsi de la structure d’une journée (séance) de formation. Cela m’a permis de me rendre compte que les temps de la journée étaient remplis d’actions qui étaient propres à l’objet de formation et au déroulement normal de la formation elle-même.
Je m’explique. Les actions de la journée qui sont en lien avec l’objet de formation sont organisées via la didactique professionnelle. Les actions qui sont en lien avec le déroulement de la formation sont organisées via la gestion de la classe.
La demande que l’élève m’avait faite avait été la conséquence du manque d’organisation de ma gestion de classe. La prise en compte dans le déroulement de la journée des moments de pause et du repas, de la prise des présences, du fonctionnement des échanges, des règles de fonctionnement, de la réparation du temps en classe ou en atelier, du déroulement de la séance, etc., font partie de la gestion de classe.
J’ai pris conscience avec le temps qu’une gestion de classe bien organisée et des routines bien établies favorisaient le développement d’un climat propice aux apprentissages en présentant des points de repère aux apprenants. Il faut offrir un cadre de mise en œuvre des apprentissages stable et sécurisant pour compenser l’instabilité et l’insécurité provoquer par le processus d’apprentissages. La gestion de classe doit sécurise,r quant à la partie didactique elle doit stimuler et motiver les apprenants.
Avec le temps, je me rends compte que cette première journée d’enseignement, ainsi que plusieurs autres qui ont suivi, aurait été beaucoup plus facile à surmonter si j’avais eu conscience de cela.
À venir : C’est plate en classe !
Sep 13, 2013 @ 03:48:23
Vous êtes manifestement une personne qui s’emploie à toujours privilégier le sens et la cohérence dans l’action de formation qu’elle met en œuvre. J’ai trouvé pour ma part des éclairages intéressants dans un vieux « Que sais-je » de Pierrette Jeoffroy-Faggianelli : Méthodologie de l’expression. paru en 1981 ( l’an Pèbre, en somme…) Je travaille, avec des jeunes sur la préparation des concours d’entrée dans les écoles d’État (secteurs social, sanitaire et médico-social). L’expression orale des élèves est bien trop bridée à mon goût au sein de l’éducation nationale. L’écrit permet le recul indispensable, la pensée réfléchie, l’oral permet d’opérer des choix , de composer avec les autres en ayant recours à l’affectivité et à la subjectivité. La relation vivante est le terreau où germent tous les possibles.
Merci pour le partage généreux – et construit – de votre parcours d’enseignant.
Sylvie Roux – OLEA – Aix-en-Provence
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Sep 11, 2013 @ 13:39:57
Si j’avais le pouvoir, je vous nommerai ministre de l’éducation. On dit que la parole a été donnée aux hommes pour dissimuler leurs pensées. Vous n’êtes pas de ces derniers si nombreux malheureusement. Et votre sincère expérience est un vivier pour nous…….pauvres consommateurs que nous sommes.
Je vous suis assidument ! Portez-vous bien !!
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Sep 10, 2013 @ 21:05:26
Merci de votre grande générosité c’elle de nous faire partager votre experience en tant que personne et enseignant.
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