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Avant de commencer son travail, cet élève avait tenté de venir me voir pour des informations, mais étant donné que j’étais déjà occupé avec un autre élève il avait décidé de tenter sa chance. Pour lui, s’il lui arrivait quelque chose, je serais responsable étant donné que je ne lui avais pas dit quoi faire. Ce qui devait arriver arriva. L’élève mit en marche le banc de scie, présenta sa pièce de bois et à la fin de la coupe, il lâcha la languette pour continuer avec la pièce restante. Lorsqu’il lâcha la languette, elle se coinça entre la lame et le guide, elle pénétra dans l’ouverture de la lame, se redressa et elle atteignit l’élève au visage.

Le tout s’est produit très rapidement. Je n’ai entendu que le bruit de la languette qui se coinçait et le cri de l’élève. Heureusement, il y a eu plus de peur que de mal. L’élève m’a demandé pourquoi je ne lui avais pas dit de faire attention parce que cela pouvait être dangereux. Il est difficile de surveiller constamment et individuellement quinze personnes qui apprennent un métier dans un atelier, en plus de les former. On peut bien décréter des directives et des règlements, il y aura toujours un élève pour s’essayer. À plus forte raison lorsque vous désirez développer l’autonomie et l’initiative de vos élèves pour faire en sorte de les habituer à prendre les bonnes décisions, selon les situations. Il y aura toujours une bonne part de risque. L’objectif est de minimiser le plus possible les risques tout en laissant une certaine part de liberté chez les élèves. Le moyen, pour éviter de jouer à la police, est de développer le jugement des élèves.

Malheureusement, le jugement ne se développe pas à coup de règlements, d’instructions et de directives. Le jugement se développe en raisonnant, c’est-à-dire en faisant des inférences. L’analyse de la situation de travail et du contexte d’une pratique constituent une bonne stratégie pour développer le jugement des élèves. Imaginer le travail avant de le réaliser pour mieux le planifier, l’organiser, le réaliser et surtout d’interagir. L’action mentale devrait précéder l’action motrice tout au long de son déroulement. Le commentaire que l’on retrouve souvent, suite à un incident ou un accident, c’est que la personne n’avait pas pensé à ce qui allait arriver.

Dans le cas de mon élève, il m’a indiqué qu’il savait que c’était dangereux, mais étant donné que je ne lui avais pas dit de ne pas le faire, il a pensé qu’il pouvait prendre le risque. C’est un bel exemple de conscience, mais d’un manque d’intelligence. Pour contrer ce type de situation, je demandais aux élèves au début de la formation pour les habituer à réfléchir, de décrire, sous forme de procédure, comment ils prévoyaient s’y prendre pour réaliser la tâche qu’ils devaient faire.

Cette activité réflexive est devenu très productive, car elle permettait d’appliquer le langage technique et d’élaborer des hypothèses sur les façons de s’y prendre pour réaliser telle ou telle tâche. Les élèves pouvaient confronter leurs hypothèses et en valider le fonctionnement. Par la suite, après acceptation, ils les mettaient en oeuvre. Pour conclure, un retour était fait sur qui avait bien ou mal fonctionné, permettant ainsi d’améliorer les pratiques tout en développant l’esprit critique.

À suivre :6.  Conjuguer avoir avec être