Il n’y a pas d’apprenant ignorant, il y a que des savoirs ignorés

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L’une de mes lectures d’été a été le livre de Gérard Delacour « Le Savoir n’est pas la Connaissance ». Cette lecture m’a confirmé certaines des nouvelles voies de formation que j’expérimente et m’a fait constater des évidences auxquelles je ne m’étais pas attardé. Je tiens à le remercier pour ces éclairages.

Je vais traduire à ma façon quelques-unes de ses idées. J’espère qu’il m’excusera si j’ai mal traduit sa pensée!

• Une première citation  m’a confortée dans une position que je propose régulièrement dans mes formations, « Le savoir est toujours extérieur alors que la connaissance fait partie de soi ». L’un des défis de la didactique, en formation professionnelle, est de favoriser le passage, chez l’apprenant, du savoir vers la connaissance. Il fait la distinction, importante, qu’une personne peut avoir acquis plusieurs savoirs sans être en mesure de s’en servir. Pouvoir se servir du savoir repose sur la compréhension que l’on en a. Mémoriser des informations ne permet pas aux apprenants de les comprendre et de s’en servir. J’ai souvent entendu le commentaire d’enseignants qui indiquaient que les élèves n’utilisaient pas, dans la pratique, ce qu’ils avaient appris en théorie. La raison en est maintenant compréhensible, ils n’utilisent pas le savoir parce qu’ils ne le comprennent pas. Le savoir est demeuré un savoir, il ne s’est jamais transformé en connaissance. Ce n’est qu’au moment où l’apprenant comprend ce qu’il a acquis qu’il a le pouvoir de s’en servir.

• Un autre constat, suite à ma lecture, est que le passage du savoir-faire, inscrit dans les programmes, au pouvoir-faire de l’apprenant, constitue l’enjeu réel d’une didactique de la formation professionnelle. Créer des environnements d’apprentissage qui feront en sorte que l’apprenant s’appropriera le savoir et le comprendra pour avoir le pouvoir de s’en servir. L’évolution du savoir-faire vers le pouvoir-faire constitue vraiment l’enjeu de l’approche par compétences. Si l’on admet qu’un savoir qui se transforme en connaissance donne le pouvoir de s’en servir, une compétence sera ainsi composée d’un pouvoir, d’un pouvoir-faire et d’un pouvoir-être au lieu de savoir, savoir-faire et savoir-être. Le développement de la compétence de l’apprenant passe par la transformation du savoir en pouvoir. Cela me permet de faire évoluer ma définition de la compétence professionnelle comme étant de « Savoir bien faire «  à « Pouvoir bien faire ». J’en déduis qu’un apprenant est compétent au moment où il a le pouvoir de bien faire son travail! Il ne faut surtout pas confondre avec la capacité à réussir les examens.

• De plus, Delacour  présente une évidence que nous considérons rarement et qui devrait nous inspirer dans les activités que nous désirons faire vivre à nos apprenants en formation. L’apprendre se produit en cherchant, ce qui fait que l’action est au coeur des apprentissages de l’apprenant. Il faut amener les apprenants à chercher pour qu’ils apprennent à apprendre. Delacour souligne un point important dans notre quête. L’apprenant n’est pas intéressé à chercher le savoir qu’il connait déjà et il ne peut chercher le savoir qu’il ignore. Un autre défi de la didactique est de faire en sorte de créer les conditions pour qu’un apprenant désire chercher ce qu’il ignore.

• Une phrase clé qu’il utilise et qui doit nous inspirer tous les jours, en ce nouveau début d’année scolaire « Il existe bien des savoirs ignorés, il n’existe pas d’apprenant ignorant! ». Cela nous amène à comprendre que l’environnement d’apprentissage qu’il faut concevoir doit permettre à l’apprenant d’établir ce qu’il sait et de découvrir, par lui-même, les savoirs qu’il ignore, pour ainsi vouloir l’acquérir, l’apprendre, le connaître et ainsi avoir le pouvoir de s’en servir.

• Une dernière de ses citations, pour les enseignants qui débutent une nouvelle année scolaire, « Instruire est l’action d’accompagner l’apprenant à passer de Savoir à Connaissance ». Pour que cela puisse se réaliser, il nous propose une astuce de formation qui fait en sorte de ne plus débuter nos formations en voulant transmettre nos connaissances, comme c’est souvent le cas, mais plutôt d’aller chercher le point de vue des apprenants sur ce savoir. De cette façon, vous serez en mesure de détecter ce qu’ils ignorent et de les placer dans l’action pour qu’ils le découvrent et qu’ils comprennent la nécessité d’avoir les connaissances nécessaires pour ne plus ignorer ce savoir et ainsi avoir le pouvoir de faire .

Finalement, il faut faire découvrir aux apprenants, non pas leur dire, qu’ils ont besoin du savoir qu’ils ignorent pour les motiver à fournir l’effort nécessaire pour l’apprendre et le comprendre.

Bonne nouvelle année scolaire!

* La thématique de mes articles pour cette année sera orientée vers le développement  d’environnement d’apprentissages actifs.

 

Référence du livre : Delacour, G. (2017). Le Savoir n’est pas la Connaissance : Manuel pour concevoir une formation. Toulouse, Édition Octares.

La formation et le transfert

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Il y a plusieurs études qui ont été réalisées traitant de l’efficacité des formations en entreprise. Ils convergent vers une même tendance. Elles indiquent que la formation qui se fait en entreprise a peu d’effet sur les pratiques de celles qui les suivent. Jean-François Roussel[1] explique bien la problématique dans son livre «  Gérer la formation, viser le transfert ». Il cite des chercheurs qui constatent que 60 % à 90 % des apprentissages réalisés en formation ne sont pas transférés en milieu de travail. Ce constat m’amène à me questionner sur ce que l’on veut dire par apprentissage.

Ma préoccupation n’est pas tant que le transfert ne se fait pas, mais plutôt sur le point que la formation a-t-elle réellement fait accomplir des apprentissages? C’est pour cette raison, qu’à la suite de mes observations dans les milieux de formation dans les entreprises, mon attention porte surtout sur les apprentissages qui sont réalisés et la façon de les faire réaliser. S’il y a réellement eu apprentissage, il y aura transfert.

Un formateur n’est pas seulement un spécialiste animé par de bonnes intentions qui présente son PowerPoint que les participants lisent en même temps que lui. Cette pratique de formation est, ce que je nomme, la pratique du piquet. Le formateur pense, comme lorsqu’on veut planter un piquet, qu’à force de frapper dessus, il finit par rentrer. Ce n’est pas parce qu’on montre l’information, qu’on la fait lire et qu’on l’a dit que les participants apprennent. C’est lorsque les participants s’en servent et en découvrent le sens dans un contexte qu’ils vont apprendre.

L’approche ne doit pas être de transmettre suffisamment d’informations pour que le participant en retienne un certain nombre, mais plutôt de lui faire apprendre les informations dont il aura conscience de leur pertinence. Former moins tout en faisant apprendre plus, doit devenir un mantra pour le formateur.

[1] Roussel, J.-F. (2011). Gérer la formation : Viser le transfert, Québec, Guérin, éditeur ltée., Collection GU3M.

Gérer la formation : Viser le transfert

À suivre… « Ce qu’il faut apprendre »

Une lecture pour débuter l’année

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Légendes pédagogiques

Je suis tombé par hasard sur une émission de télé où l’auteur de ce livre présentait son oeuvre. Je fus intrigué par ses propos sur des pratiques, des positions et des arguments que l’on entend souvent en éducation et qui sont tenus faussement pour acquis. Le professeur Baillargeon jette plusieurs pavés dans la mare de nos conceptions et de nos certitudes que nous avons évité ou oublié de questionner. Je ne suis pas nécessairement en accord avec tous ses commentaires, mais ils ont la vertu de nous questionner et de réveiller notre esprit critique qui parfois sommeil en nous dans un confort de bien-pensant.

La formation professionnelle est protégée, de par sa nature, de certaines dérives de la formation générale. Les types d’apprentissages, les contextes et la finalité de la formation nous obligeant à diversifier nos points de vue. À tout le moins, je l’espère. La lecture de son livre, que j’ai dévoré, m’a réveillé dans le sens d’être plus rigoureux dans la présentation de certaines théories ou méthodes qui semblent attrayantes, en apparence, mais sans fondement valide.

Il ne s’agit pas de tout remettre en question, mais de réveiller notre vigilance à l’attrait de la nouveauté. Cela me ramène à mes trois conditions avant d’adhérer et d’adopter des changements dans des stratégies d’enseignement.

1. Est-ce que l’élève apprendra plus ?

2. Est-ce que l’élève apprendra plus rapidement ?

3. Est-ce que l’élève apprendra plus facilement ?

Malgré que j’ai apprécié son livre, contrairement à lui, je demeure convaincu qu’une formation ne doit pas être faite pour celui qui la donne, mais pour celui qui la suit. C’est peut-être un mythe, mais je suis en mesure de le valider. Un mythe n’est pas nécessairement faux, l’erreur c’est d’être convaincu que c’est une vérité sans en avoir vérifiés ses fondements ou les résultats attendus.

Bonne lecture !
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Du simple au complexe

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Dans l’un de mes derniers articles j’ai indiqué de ne pas aborder certains élèves par l’étiquette de trouble d’apprentissage, mais de plutôt prendre en considération les caractéristiques des apprenants et de tenir compte des styles d’apprentissage différents. Mes réflexions et mes actions portent sur ma vision qu’il n’y a pas de chemin unique pour enclencher le processus d’apprendre et que de nos jours il vaut mieux adapter notre enseignement aux styles des apprenants, plutôt que d’exiger de ce dernier de s’adapter au style d’enseignement de l’enseignant sous peine d’être déclaré à trouble. N’oublions pas que dans une classe de non-voyant c’est nous les voyants qui serions avec des limitations.

Je ne nie pas l’importance et les différences entre troubles d’apprentissage et difficultés d’apprentissage. Les difficultés se règlent relativement facilement par la prise en compte des styles d’apprentissage et des environnements de formation adaptés. Les troubles d’apprentissage nous amènent à considérer des limitations chez certains apprenants. Certains de ces troubles peuvent être atténuer par des mesures efficaces soit d’enseignement, d’environnement, de ressources ou autres, mais jamais au détriment de la compétence à développer. Les adaptations ne doivent pas être des palliatifs aux troubles, mais des éléments curatifs pour que la personne possède réellement les compétences visées. Je ne réglerai pas cette nouvelle dynamique en FP maintenant, mais elle fait partie de mes préoccupations et je m’inquiète des bricolages qui vont se fabriquer pour donner des illusions.

Je vous propose ici un livre que j’ai beaucoup apprécié pour situer non pas les troubles d’apprentissages mais les éventuels troubles d’enseignement.

À suivre …

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