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1. Introduction

 

Souvent, les personnes qui se sont trouvées dans des fonctions de travail, y ont accédé de manière naturelle, parce qu’elles avaient tout simplement le profil de l’emploi, et faisaient donc corps avec leur activité professionnelle.

Cette situation peut provoquer chez l’observateur une représentation stéréotypée des caractéristiques du corps de la personne exerçant telle ou telle activité professionnelle. Par exemple, le déménageur est gros, grand et fort ; la secrétaire est mince et jolie ; le cuisinier est bien portant ; le joueur de basket est très grand, etc.

La recherche de profil d’un candidat qui se rapproche le plus du type d’activité professionnelle aurait-elle un effet inverse à celui escompté ? Ne serait-il pas mieux de choisir des personnes dont le corps ne correspond pas nécessairement aux exigences attendues par une activité professionnelle définie, pour ainsi faire évoluer les pratiques professionnelles.

2. Problématique

L’image populaire concernant les caractéristiques physiques qu’une personne doit posséder pour exercer une profession, limite souvent l’accès même à cette profession, pour les personnes qui ne correspondent pas à cette image. Cette image a-t-elle des fondements vraisemblables ou est-elle le résidu d’anciennes façons de faire que l’on ne remet pas suffisamment en question ?

Selon le secteur d’activité, on entend souvent dire que telle ou telle personne a le physique de l’emploi. Prenons plus particulièrement dans le domaine de l’éducation, le contexte de la formation professionnelle. Nous pouvons nous questionner sur l’importance du lien pouvant exister entre l’image que l’enseignant peut se faire du candidat et la formation professionnelle qu’il dispense.

Les caractéristiques physiques sont probablement les plus sujettes à la discrimination ou de préjugés pouvant porter ombrage à la relation enseignant-apprenant. Le commentaire « il n’est pas fait pour ce métier » apparaît souvent lorsque l’élève manifeste des problèmes d’apprentissage relatifs à certaines tâches à effectuer. De là, est venue l’idée de traiter plus en profondeur ce concept d’«avoir le physique de l’emploi ». Il est probable que ce concept puisse couvrir autant l’aspect physique lié à l’exécution des tâches, que l’aspect des savoirs à acquérir pour comprendre les éléments de la tâche à réaliser, ainsi que l’aspect des attitudes liées aux comportements à avoir lors de la réalisation des tâches professionnelles.

3. Hypothèse

Les personnes qui correspondent au profil physique se posent généralement peu de questions sur les façons de faire, étant convaincues qu’elles ont ce qu’il faut pour le faire. Par exemple, un manutentionnaire ayant une importante force musculaire va spontanément essayer de transporter une charge, avant même de se questionner sur les différents dispositifs ou façons de faire pour éviter de trop forcer, se déplacer en toute sécurité et ainsi, tout en étant aussi efficace, diminuer les risques de blessures.

Souvent les employés les moins adaptés physiquement développent des façons de faire oudes moyens  qui compensent amplement les limitations constatées à l’origine. L’arrivée des femmes dans les métiers non traditionnels en est un exemple. Plusieurs fonctions de travail qui exigeaient une force musculaire importante ont été dotées de dispositifs permettant aux femmes d’être en mesure d’accéder à ces professions en toute légitimité ce qui a eu comme effet aussi de faciliter le travail des hommes en plus d’éviter des accidents du travail sans pour autant minimiser l’efficacité de leur tâche.

La sélection des personnes se fait généralement sur la base de ceux qui correspondent le mieux à un profil déterminé. Cette sélection, dite naturelle, peut se faire de façon générale au niveau psychologique, physique, intellectuel ou plus particulièrement à partir des capacités, des habiletés, de la dextérité ou des connaissances spécifiques à la profession. Ce type de sélection peut amener les personnes qui embauchent à se représenter desprofils typess de candidats pour telle ou telle fonction de travail. Mais ces profils ne limitent-ils pas la capacité d’adaptation des employés d’une entreprise et par conséquent, à moyen et long terme, la productivité et finalement la compétitivité desentreprises ?

Cette situation est encore plus criante présentement où plusieurs employeurs vivent une pénurie de main-d’œuvre spécialisée.

Le fait est qu’une entreprise, qui peut s’adapter à différents types de profils d’employés pour une même fonction, devrait être plus en mesure de faire face à des technologies changeantes, à des exigences nouvelles, finalement à un monde en constante évolution.

4. Point de vue

Pour aider la réflexion, j’ai élaboré une représentation des caractéristiques définies pour établir un profil physique d’une activité professionnell.  Ces caractéristiques ont été tirées de deux sources. Premièrement, du guide pour les médecins en sécurité de Transport Canada et deuxièmement des analyses de situations de travail du ministère de l’Éducation du Québec.

Le guide de Transport Canada identifie six éléments, qu’il nomme exigences de la fonction :

  1. Exigences en matière de mobilité, d’agilité et de force musculaire.
  2. Exigence de l’acuité visuelle.
  3. Exigence de la vision périphérique.
  4. Exigence de la perception de la profondeur.
  5. Exigence de la perception des couleurs.
  6. Exigence de l’ouïe.

Les analyses de situations de travail du ministère de l’Éducation du Québec regroupent les caractéristiques de manière différente. Selon le document d’analyse, nous retrouvons des rubriques traitant des conditions d’exercice de la profession, des aptitudes (capacités naturelles), du profil de qualification, des risques pour la santé et la sécurité au travail ou même des habiletés et des aptitudes.

À titre d’exemple, voici la description faite par le ministère de l’Éducation du Québec des caractéristiques physiques liées à la fonction de mécanicien ou de mécanicienne de véhicules lourds routiers.

«…La dextérité manuelle; la perception spatiale; la perception des formes, des volumes et des détails; la distinction des couleurs, pour reconnaître une pièce défectueuse par exemple, et une bonne perception auditive, olfactive et tactile. Les mécaniciennes et mécaniciens spécialistes doivent également avoir une bonne coordination des yeux, des mains et des pieds ainsi que de la force et de l’endurance physiques. De plus, le travail exige de la souplesse pour se pencher, s’agenouiller, s’accroupir et atteindre des endroits difficiles d’accès. MEQ (1998)

À partir de mes recherches, j’ai repéré 11 caractéristiques. (Tab.1)

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Pour faciliter la compréhension, je vous propose une représentation indiquant les caractéristiques corporelles de l’emploi.  (Fig. 1)

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5. Réflexions

Suite à mes observations, j’en suis venus à la constatation qu’une entreprise pourrait tirer de nets avantages, tant pour sa productivité que pour sa compétitivité, à choisir des personnes ne correspondant pas nécessairement en tous points aux caractéristiques physiques que cette entreprise serait  portée à associer de façon spontanée.

Les mesures d’atténuation qui seront envisagées pourront permettre aux entreprises d’avoir accès à un plus grand nombre de travailleurs et travailleuses.

Les enseignants en formation professionnelle, devraient être les premiers à mettre en œuvre ces mesures d’atténuation pour ainsi éviter une discrimination sur les prétendus préalables physiques pour exercer une activité professionnelle.

De façon générale, peu de personnes, spontanément, limitent l’accès à une fonction de travail sur la seule base des caractéristiques physiques. Il est plus que probable qu’il peut exister des situations particulières, encore faudrait-il les expliciter et les analyser, mais surtout veiller à ne pas en faire des cas à généraliser.

Un constat que nous pouvons faire est qu’une personne qui correspond spécifiquement à l’idée du profil physique qu’un employeur peut se faire d’une activité professionnelle n’aura pas tendance spontanément à développer sa capacité d’adaptation. Cette capacité d’adaptation qui devrait se manifester par sa capacité à comprendre, à connaître, à saisir les éléments de son environnement professionnel et à s’y adapter de manière efficace et sécuritaire.

L’association entre un travailleur et la fonction de travail n’est pas nécessairement automatique; une certaine adaptation est toujours requise. La question est d’intervenir pour que la situation de travail puisse être maîtrisée par la personne. Quatre voies semblent pouvoir se présenter :

1-    L’aménagement de la situation de travail.

2-    Le développement de l’outillage et des équipements.

3-    L’organisation sociale dans l’entreprise avec le fractionnement des tâches.

4-    Le développement de nouvelles pratiques professionnelles.

Une limitation des capacités corporelles apparentes devrait s’inverser pour ainsi devenir un élément dynamique pour la personne et pour l’entreprise. Cette situation devrait être bénéfique pour l’évolution des techniques, de la technologie et par conséquent offrir un accès plus universel à des activités de travail pour les personnes tout en demeurant  efficace, compétitif et sécuritaire.