Le défi, pour un enseignant, est de faire en sorte d’informer les élèves suffisamment pour savoir ce qu’ils auront à faire, de comprendre les conditions pour le faire, les résultats attendus et les critères de jugement du travail à réaliser. L’information doit être suffisamment explicite sur ce qu’il doit faire pour le rendre autonome et offrir la latitude nécessaire sur la façon de faire le travail pour favoriser le développement de son jugement et par conséquent le rendre compétent.
Ce défi est de deux ordres. Premièrement, procurer aux élèves, de manière tangible, les informations nécessaires. Deuxièmement, créer une situation de travail et des contextes de réalisation qui pourront faire vivre l’ensemble de la complexité de la tâche à réaliser en y insérant des variables exigeant l’utilisation de l’analyse, du raisonnement et de la prise de décision. Ces deux éléments lui permettront d’exercer son jugement critique en exploitant les savoirs appris, le contexte à gérer, la tâche à réaliser et le résultat attendu. Il s’agit d’aller plus loin que de simplement faire réaliser des tâches aux élèves, nous ne désirons pas former des tâcherons. Il faut que les élèves puissent gérer la situation et adapter leurs pratiques de travail, liées à la tâche, au contexte.
Informer les élèves de manière tangible, cela veut dire de lui fournir un document oùl il retrouvera, de manière organisée, les informations utiles. Je me suis rendu compte que je perdais énormément de temps à dire quoi faire à mes élèves. Je devais répéter les consignes et directives autant de fois que j’avais d’élèves. Je m’apercevais, au moment où je devais évaluer les travaux en atelier, que l’élève n’avait pas compris ou il m’accusait de ne pas avoir dit les informations. Je peux vous confirmer la véracité du dicton que les paroles passent, mais les écrits restent. Discuter du résultat d’un travail qu’à partir de ce que l’on pense que l’élève a compris provoquera immanquablement des frictions, une perte de temps inutile et des frustrations qui vont mettre en péril le climat de la classe ainsi que le processus d’apprentissage de l’élève.
Lorsque je demande un travail à mes étudiants universitaires, je leur fournis une fiche de travail avec toutes les informations, un document qui décrit les étapes de production, un vidéo explicatif avec démonstration et un exemple. Vous allez me dire que j’en fais trop !
Malgré cela, j’ai tout de même des étudiants qui réussissent à passer complètement à côté du travail. À titre d’exemple, j’ai eu un étudiant qui a interprété la directive de remettre un document de cinq pages en utilisant une police de caractère de grosseur 125. En trois phrases, il avait complété cette directive. En ce qui a trait au jugement de ce futur prof on peut se questionner. J’en ai un autre qui a décidé de faire un travail sur un autre sujet que celui demandé et il a ajouté vingt-cinq pages au cinq demandés. Son argument était qu’il avait droit à une bonne note parce qu’il avait fait un effort plus grand que les autres. Vous n’écrirez jamais assez d’information et jamais assez clairement ces informations. Imaginer si vous ne faites que les dire !
Fournissez à vos élèves un écrit sur quoi faire et demander un écrit de leur part sur comment ils vont le faire. Ces deux documents deviendront des outils d’apprentissage d’une très grande valeur. Même si l’on dit que les élèves n’aiment pas lire et n’aiment pas écrire, il faut surmonter cet écueil. C’est par ces deux moyens, lire les tâches et écrire les pratiques de travail, que l’activité mentale pourra se manifester et avoir comme conséquence de former des travailleurs responsables et sécuritaires. L’expérience du travail pratique n’est pas suffisante pour faire face à la réalité.
Il faut faire attention à ne pas valoriser indûment l’apprentissage par l’expérience. Un sage a dit que l’expérience est comme une lanterne que nous avons d’accrocher dans le dos. L’expérience peut nous empêcher de percevoir ce qu’il y a en avant. À un moment donné, j’ai rencontré un vieil ébéniste qui, pour me démontrer la valeur de son expérience, m’a montré les doigts qui lui restaient dans sa main droite. Il lui restait deux doigts et son pouce. C’était son argument pour me dire que ce ne serait pas moi qui lui dirait quoi faire, regarde mon expérience. Que pouvons-nous dire après cela ? Il faut bien que ce que l’on perd serve à quelque chose, j’imagine. Les doigts qui lui manquaient ne m’indiquent pas son niveau de compétence, au contraire. J’ai fait bien attention de ne pas lui dire. Il était plus gros que moi !
À suivre … 3. À la noirceur on voit bien que l’on ne voit rien.
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