Vous pouvez me dire que ce genre de prof n’existe plus. Il ne faut pas être trop convaincu de cela. J’ai été témoin des agissements d’un prof, il n’y a pas si longtemps, qui était grand et fort en plus d’être inquiétant dans ses comportements, qui indiquait à ses élèves, à son cours d’accueil, que si jamais il y en avait un qui lui ferait du trouble qu’il s’en occuperait dans la cour arrière de son atelier. Je vous affirme que personne ne doutait de la véracité de sa menace, même ses collègues.
On reproduit, malheureusement souvent, ce que l’on a vécu. Ce n’est pas déterminant, mais cela a une forte influence, à reproduire ou non, les modèles mentaux que nous avons construits, avec le temps, dans notre vécu. Ce qui m’a aidé à changer de stratégie c’est que je n’avais pas le physique de l’emploi. J’ai dû nécessairement exploiter d’autres avenues pour arriver à mes fins.
Je vais tout de même vous raconter mes erreurs de débutant. Je suis arrivé un jour en classe avec mon café. Il était interdit aux élèves d’apporter de la nourriture en classe. J’étais convaincu, comme prof, que cela faisait partie de mes privilèges. Cela n’a pas pris de temps pour qu’un élève me demande pourquoi j’avais droit d’avoir un café pendant qu’eux ne pouvaient apporter de nourriture en classe. Je me suis servi du mauvais argument en disant que c’était normal, j’y avais droit, j’étais le prof. À la pause suivante, la moitié de la classe avait un café. On fait quoi maintenant?
J’allais être obligé de gaspiller du temps de classe et d’apprentissage et me dépatouiller d’une maladresse de débutant. J’ai compris alors que je n’avais pas de privilège et que je ne pouvais demander aux élèves de faire de choses que je ne faisais pas moi-même. C’est devenu ma référence, je ne pouvais demander à mes élèves de faire ce que je ne faisais pas.
J’ai accompagné plusieurs groupes d’enseignants à déterminer des repères aux comportements qu’ils désiraient faire adopter à leurs élèves. La pratique que je proposais était d’identifier sept attitudes que les élèves devaient manifester et que les enseignants devaient faire apprendre et respecter. Ces attitudes étaient nécessairement liées à des comportements professionnels pour en justifier l’exigence. Après avoir travaillé pendant une journée avec un groupe d’enseignants en coiffure, nous en étions arrivés à un consensus.
Les élèves devraient manifester de l’initiative, de l’autonomie, un maintien et une tenue professionnelle, être ponctuels, être assidus, avoir le souci de protection et finalement adopter un langage adéquat. Les enseignants étaient unanimes quant au respect de ces attitudes et comportements. Cela a été plus difficile au moment où je les ai informés qu’ils devaient mettre eux-mêmes en pratiques ces éléments s’ils voulaient que les élèves les respectent. L’une m’a indiqué qu’elle était incapable d’arriver à l’heure et que ce n’est pas à son âge que cela va changer. Une autre m’indique qu’elle a travaillé toute sa vie avec un habit de travail et que maintenant qu’elle était enseignante qu’elle n’allait pas continuer. Finalement, lorsque chacun a exprimé ses objections il ne restait plus rien. Pour eux, il n’était pas question qu’un enseignant soit contraint de respecter ces comportements, c’était aux élèves de s’adapter. Vous comprendrez que ce code de savoir-être n’a pu être appliqué faute de bonne volonté.
Dans tous les centres ou j’ai eu à implanter ce type de démarche, le constat que j’ai fait a été que cela fût beaucoup plus difficile pour les profs de s’adapter aux exigences qu’ils avaient auprès des élèves que les élèves eux-mêmes à respecter ces exigences.
La suite : 3. Les disciples de la discipline
Nov 15, 2013 @ 10:41:15
Ne faites pas aux autres ce que vous ne souhaitez pas que l’on vous fasse… la base, en somme ; pour autant je considère qu’un jeune « apprenant » a besoin de ressentir que celui qui enseigne est fiable, juste et bienveillant. L’attitude adéquate consiste donc à assumer un « non » ferme, signifié sans peur, lorsque « l’apprenant » teste les limites et s’autorise quelques transgressions. C’est ce refus authentique qui sécurisera les relations et garantira le cadre de l’apprentissage individuel et collectif.
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