Je ne me suis jamais posé la question si mes élèves avaient les préalables pour suivre mon cours. Je savais d’avance que non. Les critères, pour être admissible à mon cours, étaient d’aimer manipuler des choses et être en mesure de lever cinquante livres. Vous comprendrez que ces critères de sélection recouvraient une large clientèle. De plus, plusieurs de mes élèves, pour ne pas dire la totalité, étaient passés par le système régulier d’éducation et avaient échoué. Malgré tout, on a parfois tenté d’y inscrire des élèves qui ne répondaient pas à ces critères.
Une année, j’ai eu un élève qui souffrait de dystrophie musculaire. Il est arrivé en fauteuil roulant dans l’atelier. Il n’a pas réussi à réaliser la première activité. Cette première activité était de réaliser deux pièces de bois qui serviraient de mâchoire pour l’étau d’établi. Il fallait que l’élève réalise ces pièces à l’aide d’un rabot. Cet élève est un exemple extrême. Je ne le blâme pas d’avoir choisi ce cours. Je blâme ceux qui lui ont indiqué que ce cours pouvait répondre à ses besoins.
Au moment où cet élève s’est présenté dans mon cours je n’en étais pas à mon premier élève dont l’orientation avait été douteuse. Je ne pouvais être la personne qui décidait si un élève était à sa place ou non. Je devais faire en sorte que l’élève se rende compte par lui même si son choix allait le mener quelque part.
L’outil que j’avais développé était un itinéraire des apprentissages. Ce document indiquait toutes les réalisations que devaient faire et réussir les élèves pour atteindre les objectifs de la formation. La réussite d’un certain nombre de réalisations qualifiait l’élève à se présenter aux évaluations formelles. Cet itinéraire représentait le cheminement critique de l’élève. Chacune des étapes devait être réussie pour pouvoir passer à la suivante.
Cet outil avait six objectifs. Le premier était d’informer l’élève sur l’évolution de ses apprentissages. Le deuxième, d’être en mesure d’intervenir le plus près possible des problèmes d’apprentissage que pouvait avoir l’élève. Le troisième, était de faire en sorte qu’un élève ne puisse aller plus loin que ce qu’il était en mesure de réaliser. Le quatrième permettait aux élèves de comparer leurs cheminements. Eh oui, à cette époque on acceptait la comparaison. Cette comparaison n’indiquait que ce qui avait été réussi et le moment ou il avait été réussi. Le cinquième objectif était de permettre à l’apprenant de suivre ses apprentissages selon le cheminement prévu. Finalement, de permettre à l’élève d’avoir une idée précise de l’effort à fournir. L’itinéraire devenait un contrat didactique entre l’élève et l’enseignant. L’élève s’engageait à réaliser chacune des tâches et l’enseignant s’engageait à lui faire apprendre ce qu’il faut pour que chacune de ces étapes puisse être franchie avec succès.
Mes étudiants à l’université, qui sont en partie des profs qui ont déjà débuté dans l’enseignement, m’indiquent souvent que leurs élèves n’ont pas les préalables. C’est un constat qui arrive très souvent. Je me suis rendu également compte que ces préalables sont de plusieurs ordres. C’est ce qui m’a fait rendre compte, en analysant mon expérience, qu’effectivement les exigences que l’on pouvait avoir envers les élèves pouvaient se retrouver sous différentes rubriques.
Il faut d’abord s’entendre sur ce que l’on veut dire par préalables. Un préalable c’est ce qui doit constituer un acquis. Cet acquis se doit d’être fait avant la formation. Cette définition nous éclaire que sur un point, à savoir l’acquis, mais pas sur l’acquis de quoi. Le système d’éducation confirme certains acquis avec des documents officiels que l’on nomme diplôme, certificat ou attestation. En ce qui me concerne, ces documents ne reconnaissent pas toujours des acquis réels. Ce n’est pas parce qu’un élève a mémorisé des informations et les a régurgités dans un examen qu’il a des acquis fonctionnels.
À suivre : 2. Je comprends que je ne comprends pas.
Nov 27, 2013 @ 15:44:09
Merci de ces regards essentiels pour que la formation apporte plus qu’un enseignement. J’apprécie beaucoup vos articles, c’est un grand cadeau
J’aimeJ’aime