Le manque de prédisposition à la formation peut avoir moins de conséquences permanentes, car elle peut évoluer favorablement durant la formation. Ce volet, de ce que je qualifie du potentiel d’apprendre, a une incidence certaine sur les apprentissages, car elle influence l’état de l’apprenant au moment de ses apprentissages. Cette situation est différente d’une insuffisance de préalables qui influence la capacité d’un individu de faire de l’inférence et d’influencer son jugement à cause d’informations insuffisantes provoquant des difficultés de compréhension. La compensation à des préalables insuffisants se fait par l’acquisition de ces préalables. La compensation d’un manque de prédispositions favorables se fait par un changement d’attitudes. L’un est lié à des éléments externes à l’élève et l’autre par des éléments internes à l’élève. Ces deux éléments réunis indiquent le potentiel d’apprendre d’un élève par rapport à un objet donné.
À titre d’exemple, je vais revenir à mon étudiante qui avait choisi mon cours au lieu de se suicider. La perte de son conjoint dans un accident d’auto l’avait atterré. Elle avait choisi mon cours comme exutoire. Elle disposait des préalables, mais de toute évidence elle n’était pas très disposée aux apprentissages pour devenir ébéniste. Lorsqu’elle a débuté le cours, la première journée, elle portait une robe rouge, des souliers à talons hauts et un maquillage qui était plus propice à une soirée qu’à une journée de travail en atelier.
Elle était très jolie et faisait penser à Julia Roberts dans le film Pretty Woman. Le magasinier était tellement impressionné, pour ne pas dire autres choses, par son apparence, qu’il avait percé une fenêtre entre le magasin et mon atelier pour pouvoir l’observer. Sa fenêtre donnait exactement, quel hasard, sur son établi! Il pouvait observer à loisir son décolleté.
Cela aura pris trois semaines pour que son attitude change. De la robe elle est passée au jean, des talons hauts aux souliers d’atelier et des ongles longs à une manucure plus propices à sa nouvelle occupation. Ces changements se sont faits au grand désespoir de mon magasinier.
Ses prédispositions ont changé au fur et à mesure de son cheminement dans ses apprentissages. Au début, cela fût plus lent, mais le rythme c’est rapidement accéléré. Elle a terminé le cours et a réussi avec excellence tous les apprentissages. Ceci démontre qu’il faut faire attention aux préjugés que l’on peut parfois avoir avant de laisser la chance aux coureurs.
La conclusion est moins positive avec ceux à qui il manque des préalables malgré qu’ils manifestent des prédispositions favorables. On ne peut pas vouloir plus que l’on peut. J’ai eu des élèves qui avaient des connaissances, mais qui n’étaient pas fonctionnelles. Pour ces élèves, je n’avais pas de problème. J’avais la capacité d’organiser des formations qui les amenaient à donner du sens à leurs connaissances. Mon problème se situait avec ceux qui n’avaient jamais acquis les connaissances préalables nécessaires. Il est possible de compléter ou de compenser certains manquements, mais il y a des limites à ce qu’un professeur peut faire. J’ai eu des élèves qui ne savaient pas lire ni écrire, qui avaient de la difficulté à comprendre la langue, qui avaient des problèmes de motricité fine, qui avaient des handicapes physiques importants, qui étaient dans des conditions psychologiques débilitantes, qui n’avaient aucune considération pour la fonction d’ébéniste et dont la seule motivation était de recevoir un chèque de chômage ou de l’aide sociale. Le problème de ces élèves ne consistait pas dans le fait qu’ils ne pouvaient pas apprendre. Le problème était qu’ils ne pouvaient atteindre les objectifs dans le temps imparti.
À suivre : Il y a préalables et préalables.
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