Lors de mon embauche comme enseignant, on m’a spécifié que j’avais été choisi sur la base de ma compétence comme ébéniste et de mon potentiel comme pédagogue. Heureux de cette affirmation, j’ai commencé ma carrière d’enseignant confiant de mes capacités. En plus d’avoir un métier que j’avais appris, j’avais un don que la nature m’avait attribué, celui d’être pédagogue. «Il y en a qu’il l’on et d’autres pas». Les enseignants en général doivent se qualifier pour enseigner, en ce qui me concernait c’était un détail que j’aurais à combler à un moment donné, mais qui ne m’était pas utile pour l’instant.
Je pouvais donc exercer cette nouvelle profession sur la base de mon don. Un don c’est un avantage naturel et un avantage c’est une qualité qui rend supérieur. J’étais donc né pour enseigner et personne ne me l’avait dit avant. Le hasard fait bien les choses. On m’avait accordé la prétention et le statut d’enseignant. J’avais donc tout ce qu’il fallait pour me casser la gueule.
Fort de mes certitudes, j’ai organisé mon enseignement en conséquence. J’avais appris mon métier d’ébéniste sur le tas et j’étais en train d’apprendre mon métier d’enseignant également sur le tas, mais j’étais convaincu que mes élèves devaient venir à l’école pour apprendre l’ébénisterie. Que voulez-vous, quand on a un don tout est possible quand on croit à la génération spontanée. On croyait, à une certaine époque qu’en laissant des saletés dans un coin cela créait la vermine. De la même manière, on peut croire qu’en plaçant un individu dans une classe on en fait un enseignant avec une bonne claque dans le dos et en lui affirmant qu’il en est capable. Il ne faut jamais oublier que les flatteries ne rapportent qu’aux flatteurs. Mon directeur était bien conscient de cela.
J’ai donc organisé mon enseignement comme un chef d’atelier organise sa shop. On analyse le travail à faire, on identifie les tâches à réaliser, on organise les postes de travail et on affecte chaque personne à son poste. Lorsque tu auras fait le tour des postes, tu auras appris le métier. Pour un atelier de production, cela peut toujours aller, mais pour une classe ou un atelier de formation cela ne va pas du tout. Cela me prendra un an pour appendre cela et un certain nombre d’outils briser et de situations dangereuses. Si apprendre c’est faire des erreurs, mes élèves de cette année-là ont appris à faire des erreurs, mais pas nécessairement à les corriger. Le coupable des erreurs c’était moi, selon eux. Ils n’avaient pas tout à fait tort.
À suivre : Un ignorant ignorant ou un connaissant ignorant
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