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J’avais appris une chose importante durant cette année, j’ai appris que je ne savais pas faire apprendre. Je pouvais jouer au prof et raconter mon métier, mais je n’avais pas les compétences nécessaires pour le faire apprendre. Je me suis inscrit à l’université et j’ai fait un baccalauréat en orthopédagogie. J’étais convaincu que c’était la meilleure façon d’apprendre à faire apprendre avec ceux qui ont le plus de difficultés à apprendre. Comme en médecine, on peut connaître le traitement pour une maladie, mais on peut également informer les gens des choses à faire pour ne pas attraper la maladie. Cela s’appelle la prévention.

Mes cours m’ont appris que certains élèves avaient des problèmes et des troubles d’apprentissage. Comme conseiller pédagogique, j’ai constaté qu’il y avait des enseignants qui ont des problèmes et des troubles d’enseignement. J’aurais facilement pu dire à l’époque que ce n’était pas de ma faute si mes élèves avaient de la difficulté. Personne ne m’aurait fait de reproche, connaissant l’origine de mes élèves. J’ai fait en sorte que cela fasse partie de ma responsabilité. C’est le mécanicien qui a la compétence pour réparer ma voiture. Je ne peux accuser ma voiture de rendre sa réparation impossible pour le mécanicien.

De la même façon je me suis dis, et je le dis encore, que si un élève, qui a le potentiel d’apprendre, n’apprend pas et bien c’est que je n’ai pas pris les bonnes stratégies ou les bons moyens pour qu’il puisse apprendre. Encore faut-il avoir la compétence nécessaire pour pouvoir fournir les ressources pertinentes pour que l’élève se transforme en apprenant. C’est la raison pourquoi, j’ai fait ma maîtrise et mon doctorat en didactique. Ce fut pour trouver les façons de comprendre et de réaliser les ressources et stratégies didactiques les plus adéquates pour pouvoir prédire et réguler les apprentissages en formation professionnelle.

Lorsque j’indiquais aux élèves quoi faire et comment le faire, je jouais le rôle d’un compagnon qui dirige ses apprentis. C’est ce qui se passe lorsque l’on fait de la formation sur le tas. Lorsque vous êtes en entreprise, vous formez une personne sur un tas de choses à faire. Lorsque vous êtes en formation, vous formez une personne sur un tas d’ignorances à combler.

L’ignorance ne génère pas de connaissance. Elle génère encore plus d’ignorance ou la dépendance à un tuteur. Un tuteur c’est une personne qui veille sur les intérêts d’une autre personne inapte à prendre soin d’elle-même, ou dans notre situation inapte à faire le travail demandé. Le tuteur créé de la dépendance, consciemment ou inconsciemment, c’est bon pour son ego. Le dépendant est rassuré, il n’a aucune décision ou initiative à prendre, c’est bon pour son stress face à l’apprentissage. Il n’a qu’à faire ce qu’on lui dit de faire et comment on lui dit de le faire. Si cela ne fonctionne pas, ce ne sera pas de sa faute. Mais a-t-on vraiment besoin d’aller en formation pour apprendre à ne pas prendre de décision et à écouter le maître?

À suivre : Du tâcheron à professionnel