Ma compétence, comme enseignant, ne se mesure pas à partir des notes de mes élèves et de la beauté de ce qu’ils ont fait, mais sur la base des apprentissages qu’ils auront réalisés. Ici aussi, une autre chose qu’il ne faut pas confondre, c’est le concept de note et d’apprentissage. Ce n’est parce qu’un élève à de bonnes notes qu’il a vraiment apprit quelque chose. Il les a peut-être simplement mémorisés. Pour manifester une compétence, il faut nécessairement avoir appris, mais il ne suffit pas d’apprendre pour manifester une compétence. Il peut y avoir apparence de compétence qui ne sont, dans les faits, que des habiletés ou des capacités. La compétence doit se confronter à une situation pour pouvoir se manifester et être appréciée.
Ce que je viens d’écrire est une prise de conscience que j’aie fait bien avant l’avènement du concept de compétence en éducation ou son utilisation dans le monde du travail. Le bon sens et ma survie professionnelle ont fait en sorte de m’amener à considérer mes pratiques d’enseignement dans ce sens. L’ensemble de mes élèves avait été des victimes du système d’éducation basé sur la performance. Je me suis rapidement rendu compte que j’avais des élèves qui apprenaient énormément, mais qui n’avaient pas nécessairement de bonnes notes.
Il était plus important pour eux d’apprendre à se dépasser que d’apprendre à avoir la moyenne. Tout était une question de temps. Et avec le temps je me suis rendu compte, sauf dans de rares exceptions, que d’amener des élèves à se dépasser prenait un peu plus de temps au début, mais ce temps était facilement comblé par la suite à partir des réussites accumulées. Ici je parle de vraies réussites, pas de complaisance ou de réussites d’activités sans défis réels. Les élèves ne sont pas des idiots. Comme le dit le proverbe » à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire « .
Avant de demander aux élèves de dépasser les autres, il faut qu’ils apprennent à se dépasser eux-mêmes. J’ai eu des élèves qui dépassaient facilement les autres, mais qui ne se sont jamais dépassés personnellement. Je trouvais que mon travail était plus intéressant de faire apprendre à quelqu’un qui était convaincu qu’il n’était pas capable de le faire. Il me semblait que c’était mon travail.
Avez-vous remarqué que nous sommes, malheureusement, attirés par les élèves qui apprennent et réussissent avec facilité? Pourtant ce sont eux qui ont le moins besoin de nous. C’est comme un médecin qui consacrait ses efforts qu’à soigner les personnes en santé. Il est certain que les résultats de ses interventions seraient très motivants pour lui, mais moins pour les personnes malades. Malheureusement, nous trouvons toujours pénible de fournir autant d’efforts sur des élèves que nous jugeons en difficultés pour comprendre nos enseignements. On a l’impression de perdre notre temps!
Nous ne perdons pas notre temps, c’est là qu’il doit être investi.
La raison de cette tendance à se désengager envers les élèves moins performants est probablement due au fait que nous sommes très mal ou pas outillé pour être en mesure d’être compétent à faire apprendre à ces personnes.
Il faut avoir l’humilité de dire que notre compétence dans ce sens est développée sur le tas, sur le tard et de façon insuffisante. Je ne parle pas ici d’avoir la compétence pour faire apprendre un métier à tous les types d’élèves. Mais de faire apprendre le métier dans la situation contemporaine aux élèves qui auront à faire face à l’avenir et qui ont de l’intérêt. Quand nous serons en mesure de faire cela, nous pourrons être en mesure de faire face à toutes les catégories d’élèves. Il faudrait que les responsables de la formation comprennent cela et arrête d’orienter tous les élèves avec qui ils ne savent plus quoi faire, en formation professionnelle. Si la tête ne va pas, les mains non plus n’iront pas. Allez-vous finir par comprendre, les responsables, que les enseignants de la formation professionnelle n’ont pas les compétences nécessaires pour relever ce défi. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, c’est la réalité. Arrêtez de les culpabiliser. Ce ne sont pas eux les fautifs.
À suivre : Un métier à faire ou un métier à apprendre
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