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Enseigner c’est être un peu formateur. Former ne veux pas dire que l’élève doit prendre votre forme, mais plutôt de permettre à l’élève de prendre la sienne. Là-dessus, je vous conseille la lecture du livre de Meirieu qui s’intitule «Frankenstein pédagogue». En gros, ce livre vous rend conscient, à partir d’analogie avec Pinocchio, Frankenstein et d’autres, que lorsque l’on essaie de créer un personnage à notre image, nous finissons toujours par créer un monstre.

J’ai remarqué un phénomène lorsque je donne des formations. Lorsque les participants franchissent le cadre de la porte, il y a comme un effet mystérieux où le cerveau se met en veilleuse. Mes étudiants attentent que je leur dise quoi faire. Ils s’abandonnent totalement ou vous contestent tout aussi totalement. Cela doit venir du conditionnement reçu à l’école traditionnelle où l’élève devait être tranquille et écouter le maître. C’est ce dernier qui dirige tout, alors pourquoi penser.

Lorsque j’étais à l’école, dans ma jeunesse, la soeur religieuse qui nous donnait des cours avait même une claquette en bois qui se faisait entendre après chacune de ses directives. Quand la claquette claquait, on s’exécutait avec docilité, sinon c’était la règle qui claquait, sur votre main. Cette situation doit demeurer, j’imagine, dans l’imagerie populaire et est peut-être inscrite dans nos gènes, quelque part.

Adhérer à une formation ne veut pas dire s’abandonner. Mes élèves de l’époque aimaient mieux s’abandonner, parfois même ceux d’aujourd’hui. C’est plus reposant pour le participant. C’est probablement pour cela que certains de mes étudiants d’aujourd’hui trouvent que c’est bien du travail de participer à mes cours, il faut toujours qu’ils apprennent, s’impliquent et pensent.

À mes débuts ce n’était pas le cas. J’étais le maître et je disais à mes élèves quoi faire et ils étaient bien heureux, jusqu’à un certain point, de faire exclusivement ce que je leur disais de faire. Au début, c’est intéressant d’avoir ce contrôle, mais après un certain temps on aimerait qu’ils deviennent plus autonomes et prennent des initiatives. Malheureusement, je n’avais rien fait pour cela. Comme dit l’adage, un chien ne peut pas avoir de chat. Le manque d’initiative et d’autonomie de mes élèves était le résultat de ce que j’avais fait et rien d’autre.

De la même façon aujourd’hui, lorsque je fais des présentations, aux enseignants, sur l’apprentissage des savoir-être, je demande aux enseignants quels sont les savoir-être qu’ils aimeraient développer chez leurs élèves, l’autonomie arrive toujours en premier. Lorsque l’on analyse ce qu’il faudrait faire pour susciter l’apprentissage de l’autonomie cela implique toujours des changements majeurs dans leurs pratiques d’enseignement. L’enseignant est toujours convaincu que l’élève ne peut rien faire s’il ne lui dit pas quoi faire et comment le faire.

À suivre : Surtout pas d’interprétation et de jugement