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Revenons à mon atelier. Finalement, je me suis mis, avec mes étudiants, à aménager l’atelier avec ce que nous avions. L’aménagement était composé d’un volet industriel avec une séquence de machines selon le mode de production et d’un volet école avec les quinze établis disposés en rangées pour avoir accès plus facilement aux élèves. En plus de l’aménagement, nous avons fait l’inventaire de ce que nous avions comme outils manuels, outils électriques, matériaux et instruments divers. Je ne pouvais même pas entrer dans le magasin pour connaître les outils à notre disposition. Cela prendra trois ans avant de pouvoir faire cet inventaire.

J’ai pu commander un peu de pin (bois mou) et de frêne (bois franc) pour débuter le travail. Je pourrai avoir en mains le bois le lendemain. J’ai fait une liste des outils dont j’aurais besoin que j’ai remis au magasinier pour qu’il puisse les préparer pour le lendemain également. À ce moment, j’étais loin de comprendre quelles étaient les incidences de l’aménagement d’un atelier et la planification des travaux sur les apprentissages.

Le lendemain, le bois est en place et l’atelier était prêt dans la mesure du possible. Les élèves pourraient débuter le travail. Malheureusement après dix minutes je m’aperçois que tous les élèves sont bloqués au comptoir du magasin. J’ai appris avec le temps que de faire en sorte que les élèves sachent ce dont ils auront besoin pour travailler en atelier et une bonne communication avec le magasinier étaient deux atouts extrêmement importants. La plus grande perte de temps du travail en atelier se passe devant le magasin. En plus, les élèves aiment cela attendre. Cette situation les dégage de leur responsabilité de faire le travail demandé.

Le magasinier ne voulait pas leur donner les outils, car il disait ne pas comprendre ce que les élèves demandaient. Il y avait du vrai et un peu de mauvaise volonté dans cette déclaration. Il est vrai que lorsqu’un élève demande un rabot, une scie ou un tournevis, qu’il manque des détails pour pouvoir satisfaire à sa demande. Quel type de rabot, quelle grosseur de tournevis avec quel embout, quel type de scie et pour faire quoi.

Cela me fit rendre compte qu’il faudrait une meilleure concordance et une synchronisation entre mes cours de théorie et mes cours de pratique en atelier. J’avais prévu ces contenus pour la fin de la semaine. En plus, je pensais leur faire une surprise avec le premier projet à réaliser, le «Bulshiter grinder» que nous pourrions traduire librement par le «Moulin à paresse» (voir la figure). Je n’avais pas pensé que lorsque nous ne savons pas quoi faire comment peut-on avoir une idée des outils pour le faire.

Bulshiter

Oups!, petit détail avec une grande importance. Il faudrait peut-être que je fasse préparer des coffres d’outils pour chacun des élèves. Un coffre, un élève, c’était simple dans ma tête, mais ce ne fût pas si simple. Le magasinier me demande quels seront les outils du coffre. Avons-nous des coffres ? Qui sera responsable du coffre ? Qui va aller vérifier si les outils sont toujours là après une semaine ? Combien de temps l’élève aura le coffre ? Est-ce que les outils vont changer ? Qui va payer lorsqu’un outil va être manquant ou brisé ? Comment on va savoir que l’outil appartient à telle élève ? Est-ce que l’on va demander un dépôt ? Avons-nous les outils en quantité suffisante ? etc.

Je pensais avoir trouvé une solution, j’avais fait lever des dizaines de problèmes. Cela aurait été si simple dans mon entreprise. Il fallait que je fasse des réquisitions, que je trouve un fournisseur, que je décrive les outils, que je trouve des prix, etc. Pourtant j’en avais besoin maintenant. Je rageais contre les fonctionnaires et de la paperasse. À mon atelier quand j’avais besoin d’un outil j’allais à la quincaillerie et je l’achetais, pourquoi c’était si compliqué ici. Je voulais donner des cours, il fallait que l’on me laisse faire mon travail et que l’on me donne les outils nécessaires pour le faire.

À suivre … Partie 3 : Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué.