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Je vous ai déjà indiqué que mes élèves avaient vécu des échecs scolaires pour maintes raisons. Il était facile pour moi de me limiter à planifier mon enseignement sans me préoccuper des apprentissages. Mais si je voulais être réaliste, il fallait que je puisse estimer les temps d’apprentissage. Il fallait surtout que j’agisse de façon différente à ce qui n’avait pas marché avant pour eux. Ce sont eux qui pouvaient venir perturber ma planification. Essentiellement, ma planification devait être suffisamment flexible pour être en mesure d’absorber les impacts créés par les écarts qui pouvaient certainement survenir,  entre les élèves, avec les apprentissages à réaliser. Une bonne planification en enseignement se doit d’être flexible sur les modalités, mais rigide sur sa finalité. Le prix à payer ne doit pas être que les élèves feront moins d’apprentissages, mais que les pratiques d’enseignement changent pour faire réaliser tous les apprentissages plus efficacement. C’est d’ailleurs le rôle de la didactique de trouver le chemin le plus court entre l’apprenant et l’objet d’apprentissage.

En proposant un itinéraire des apprentissages aux apprenants, je leur fournissais la liste des activités d’apprentissage qu’ils devaient réaliser et réussir tout au long de la formation. Mon mandat était de faire en sorte que tous mes élèves réalisent l’itinéraire.  Le cours comportait deux volets, le volet des connaissances et le volet des pratiques. Le premier  consistait à faire en sorte que tous les élèves possèdent les mêmes ressources mentales pour pouvoir réaliser les activités de l’itinéraire. Nous pourrions nommer ce volet la théorie, mais je n’aime pas ce terme. En formation professionnelle dans une approche par compétences, il n’y a pas de cours de théorie comme telle. J’aime mieux parler d’action mentale pour la formation en salle et d’action motrice pour la formation en atelier. La raison, pourquoi je n’aime pas l’expression théorie, vient du fait que c’est généralement vu comme le moment où le prof parle et que les élèves écoutent. C’est la partie, souvent perçue, plate de la formation.

Aujourd’hui, je me confronte avec mes étudiants, qui seront des futurs professeurs, pour qu’ils arrêtent de donner des cours de théorie traditionnels qui ne visent qu’à transmettre de l’information. C’est une perte de temps énorme par rapport au rendement sur l’apprentissage. La formation en salle est le moment pour faire des opérations mentales. C’est l’endroit où l’on réfléchit, où l’on élabore des hypothèses, où l’on confronte des idées,  où l’on raisonne, où l’on s’approprie des connaissances et finalement, c’est l’endroit où l’on se construit des représentations mentales fonctionnelles des pratiques qui seront mises en oeuvre dans l’action motrice en laboratoire ou en atelier.

C’est dans la salle que l’on accède au cortex et à l’apprentissage. En atelier, la relation avec l’objet à apprendre est plus du domaine émotif, elle est plus limbique. Ce sont trois chemins que le cerveau prend avec l’information. L’un par le thalamus, pour ce qui est de la perception par les sens, l’autre par l’amygdale pour le décodage des émotions, des stimulus et l’hippocampe pour le stockage et la remémoration de nos souvenirs.

Deux situations d’apprentissage pour des processus différents de fonctionnement du cerveau. Dans les deux cas, pour apprendre, l’apprenant doit être actif, mais malheureusement écouter c’est être passif. D’où l’idée de changer nos pratiques traditionnelles de formation.

Mon premier volet consiste dans les apprentissages planifiés en salle, pour faire bénéficier à tous des mêmes ressources. Mon deuxième volet étant l’apprentissage personnalisé en atelier pour que chacun puisse avoir l’assistance personnelle pour garder le rythme selon les caractéristiques de chacun. En fournissant à chacun le même itinéraire,  tout le monde sait ce qu’il doit faire. Ceux qui vont bien cheminent de façon autonome, ce qui me permet de consacrer plus de temps à ceux qui ont  besoin de mon assistance. Mon temps est alors mieux utilisé tout en permettant  aux apprenants de ne pas perdre le leur. Mon intention est d’intervenir le plus rapidement possible aux bons endroits avec la bonne personne et que jamais un élève ne soit rendu plus loin que ce qu’il est en mesure de comprendre et par conséquent d’agir avec compétence.

À suivre : Oh temps! suspend ton vole.