Le concept de compétence est utilisé largement pour exprimer une grande variété de significations. Des éclaircissements s’imposent.
Une personne peut être compétente, mais pas un camion ou un estomac. Pour le camion et l’estomac, ce sont des affirmations que j’ai entendu dernièrement par un médecin qui indiquait que l’estomac de son patient était incompétent, ou lors d’une annonce à la télé, que le camion untel était compétent. Selon moi, une fonctionnalité n’est pas synonyme de compétence. Il faut au départ insister sur le fait que la compétence est la manifestation consciente des qualités d’une personne, pas d’une chose. De plus, la manifestation d’une compétence est constatée par les personnes extérieures à celle qui la manifeste. Ce sont les autres qui constatent notre compétence et non nous même. De plus, la compétence professionnelle est nécessairement associée à un contexte professionnel.
En formation professionnelle, on mélange ce concept en le reliant au programme, à la pédagogie ou à la didactique qui le met en œuvre dans les conditions d’apprentissage des apprenant.e.s. Au départ, il faut comprendre que le concept d’approche par compétences est une méthodologie d’élaboration de programme pour remplacer celle par objectifs qui ne correspondaient pas à la réalité des situations de travail.
La pédagogie et la didactique en lien avec les programmes élaborés par compétences sont plutôt inspirées par » l’approche programme ». Je ne vous ferai pas un cours sur l’approche programme, mais je vais plutôt vous raconter une histoire pour vous faire comprendre la différence entre la mise en œuvre d’un programme par objectifs et d’un programme par compétences.
C’est une personne qui se promenait près d’un chantier de construction ou l’on érigeait une cathédrale. Il rencontre un premier maçon et lui demanda quel était son travail. Il lui répondit qu’il posait des pierres. Notre personnage rencontre un deuxième maçon auquel il pose la même question, le maçon lui répond, moi je construis un mur. Finalement, il rencontre un troisième maçon et lui pose la même question, ce dernier lui répond qu’il construisait une cathédrale.
Cette histoire illustre le fait que pour manifester sa compétence il ne s’agit pas seulement de réaliser une opération ou de faire une tâche, mais d’en comprendre son rôle et la finalité l’ensemble de l’œuvre. Cette histoire, qui m’a été racontée par Anastassis, un collègue expert du développement des compétences, illustre bien l’idée de l’approche programme. Une compétence est plus grande que la somme de ses parties. Ce n’est pas en posant des pierres que l’on construit une cathédrale. Il faut avoir la cathédrale en tête pour connaître l’importance de la tâche, ou de l’activité que j’ai à réaliser.
Pour commencer à éclairer votre compréhension de ce concept à multiples facettes, en voici quelques nuances pour organiser notre pensée.
Compétence : Pouvoir d’agir, de réussir et de progresser (acquis et démontré) qui permet de réaliser adéquatement des tâches ou des activités de travail et qui se fonde sur un ensemble organisé de savoirs (connaissances, habiletés de divers domaines, perceptions, attitudes, etc.) (MEQ, 2012)
Compétences générales : Correspondent à des activités de travail ou de vie professionnelle.
Compétences particulières : Correspondent aux activités de travail qui sont propres à la fonction.
« La » compétence professionnelle : Réside dans le savoir combinatoire d’un individu, son aptitude à combiner et à mobiliser des ressources et « les compétences » qu’il produit avec ce savoir combinatoire. La personne compétente est celle qui sait construire des compétences pertinentes pour gérer des situations professionnelles complexes (Le Boterf, 1998).
Compétence transversale : les compétences transversales correspondent à des savoir-agir fondés sur la mobilisation et l’utilisation efficaces d’un ensemble de ressources. Elles ont toutefois ceci de particulier qu’elles dépassent les frontières des savoirs disciplinaires tout en accentuant leur consolidation et leur réinvestissement dans les situations concrètes de la vie, précisément en raison de leur caractère transversal. (MEQ)


Lorsque nous parlons de pratiques pédagogiques propres à la formation professionnelle, ou encore plus, de pratiques exemplaires, à partir de quoi pouvons-nous prétendre que ces pratiques aient pu émerger? Désirons-nous consacrer le fait que la grande partie de ces pratiques ont été le fruit de bricolage pédagogique et de démarches empiriques et spontanées? Comment peut-il en être autrement?
La formation professionnelle des travailleurs se concentre généralement sur l’acquisition du savoir et du savoir-faire, mais qu’en est-il du savoir-être? Celui-ci est généralement différent d’une profession à une autre et reflète non seulement la culture de l’entreprise, mais également celle de la profession. Il faut pouvoir tenir compte de cet aspect dans la formation du futur travailleur et lui fournir des repères sur l’aspect identitaire de sa profession. Cette prise en compte faciliterait l’insertion et la persévérance professionnelles du nouveau travailleur tout en atténuant une certaine iniquité entre celui qui est formé dans les milieux de travail et celui qui est formé dans les centres de formation. On ne peut séparer la question du sens des pratiques et les interactions professionnelles. J’aborde ici le concept de compétence professionnelle en lien avec les attitudes dans le sens de White (1959) qui distingue deux catégories de compétences. La première catégorie regroupe les “hard competencies” où les connaissances et les savoir-faire sont indispensables pour l’efficacité du travail et qui s’acquièrent par le biais d’une accumulation d’expériences positives et de réussites personnelles. La deuxième catégorie, que nous associons aux savoir-être professionnels, regroupe les “soft competencies” parmi lesquelles, les conceptions de soi, les traits de personnalités et la motivation et qui permettent de prédire, à capacité de travail égal, le niveau de performance future des individus. Selon Spencer (1993) ces compétences distinguent les individus ayant une performance moyenne de ceux qui ont les performances les plus élevées. De plus, il faut comprendre que la compétence professionnelle, « prend en compte le savoir-être : à l’inverse du poste de travail, la compétence est plus large que le seul savoir ou savoir-faire. Elle mobilise l’intelligence et l’initiative» (Zarifian, 1999, p.15). Dans cette optique où le savoir-être est un élément de la compétence essentiel à son développement, comment amener les enseignants de la formation professionnelle à aborder le savoir-être comme objet d’apprentissage? En tenant compte de ce questionnement j’ai développé le concept de « Code de déontologie professionnelle en formation professionnelle ». Depuis près de douze ans, ce dispositif, a été mis en place dans plus d’une quarantaine de centres de formation professionnelle au Québec.

Commentaires récents