Un patrimoine de pratiques d’enseignement à construire

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L’enseignement en formation professionnelle est constitué des pratiques que réalisent quotidiennement des milliers d’enseignants et d’enseignantes. Malheureusement, très peu de ces pratiques peuvent servir à d’autres qu’à celui ou celle qui les réalisent.

Cette situation fait en sorte que les enseignants et enseignantes de la formation professionnelle sont condamnés à continuellement réinventer la roue.

Pourrions-nous changer cela? Pour que cela puisse changer, il faut savoir de quoi il est question lorsque l’on traite de pratiques d’enseignement.

Cette petite vidéo vous présente la pertinence de constituer un patrimoine des pratiques d’enseignement en formation professionnelle.

Pratiques d’enseignement à la dérive

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BORD

Lorsqu’un enseignant débute en formation professionnelle, il quitte son métier pour venir, comme ils me le disent souvent, « transmettre sa passion ». Il apprend relativement rapidement que c’est insuffisant. La difficulté n’est pas la transmission, mais l’appropriation par l’apprenant des savoirs nécessaires pour que la passion devienne la sienne.

Le concept de passion suscite chez moi un malaise. Ce mot est utilisé aujourd’hui autant pour exprimer un intérêt envers des fraises, un repas, le cinéma, son auto, des vacances ou des interrelations humaines. Selon le dictionnaire, la passion est un état affectif et intellectuel, violent, puissant qui domine la raison. On n’en est certainement pas là en formation professionnelle. De façon plus pragmatique, des chercheurs ont identifié qu’une chose nous passionne lorsque l’on y pense, ou que l’on s’y consacre,  plus de 8 à 9 fois par semaine. Cette dernière est plus vraisemblable. Entre l’indifférence et la passion, il existe tout de même l’intérêt. Il est plus réaliste de vouloir alimenter l’intérêt des élèves pour l’apprentissage du métier et d’orienter ses pratiques d’enseignement dans ce sens.

Tout cela pour venir à l’idée qu’un enseignant, aussi passionné qu’il puisse être envers sa spécialité disciplinaire, est rapidement aux prises avec des considérations beaucoup plus terre à terre lorsqu’il entre en fonction. Il constate rapidement l’écart entre la relation affective avec son premier métier et la réalité de l’enseignement à laquelle il doit faire face. Cette réalité est composée des obligations du programme, de l’évaluation, de la gestion de classe, des élèves en difficulté, de sa relation avec ses collègues,  des décisions politiques et administratives et de ses compétences insuffisantes en enseignement. De plus, pour combler se manque de compétence il devra suivre une formation dans le but de se qualifier légalement et ainsi espérer qu’il puisse conserver son nouveau travail.

C’est ici que les pratiques d’enseignement partent à la dérive. Il ne fait pas de doute que le nouvel enseignant fait son possible et qu’il utilise toutes ses ressources internes pour mener à bien le travail qu’on lui demande, mais quel travail. Je ne veux pas insister sur l’insuffisance de ses compétences comme enseignant, mais surtout sur le fait que même s’il maîtrisait ces compétences les résultats seraient à peine meilleurs. Lorsque le nouvel enseignant pratiquait le métier, pour lequel on lui demande d’enseigner, l’objet de son travail, la finalité de son métier et la démarche pour l’atteindre lui étaient clairement accessibles. Si elle était infirmière, l’objet de son travail était les soins de santé, la finalité était de soigner les patients et la démarche était établi à partir de protocoles qu’elle devait adapter aux situations. Pour le mécanicien la chose était tout aussi claire, l’objet de son travail était la réparation et l’entretien de véhicules, la finalité était que le véhicule fonctionne et les démarches se retrouvaient dans des méthodes, des techniques, des instructions et des procédures.

Lorsque le nouvel enseignant arrive en formation professionnelle, aucun de ces trois éléments, objet, finalité et démarche, ne lui est présenté comme une vision fonctionnelle, mais plutôt comme des obligations administratives. Comment l’enseignant peut-il comprendre la façon dont il doit réaliser ses pratiques professionnelles lorsqu’il découvrira que la finalité est l’acquisition des compétences d’un programme qu’il ne comprend pas, que la finalité est que l’élève doit réussir les examens qu’il ne sait pas faire et que la démarche est de faire apprendre et cela aussi c’est loin d’être évident. Peut-on se surprendre qu’il y ait dérive? Encore plus surprenant, pourquoi personne ne traite de cette évidence de situation de dérive? Ah oui, il y a la pensée magique et la passion! En formation professionnelle il n’y a pas de problème, il y a que des solutions pour les autres problèmes du système d’éducation.

Je n’ai pas encore rencontré un milieu de formation qui a pu établir le fondement de ses activités, un genre de marque de commerce distinctif, qu’il pourrait exploiter pour susciter la passion de ses enseignants et pour les guider vers le résultat qu’il vise institutionnellement, autre que l’aveu d’échec que constitue la réussite et la persévérance scolaire. Ce fondement devrait être basé sur une représentation concevable de la notion de compétence autrement qu’un programme de formation, de la finalité de la formation professionnelle comme étant la formation d’un futur travailleur compétent autrement que par le taux de diplomation, de la démarche pour faire apprendre autrement que par l’imposition d’une méthode ou d’une modalité de formation.

Pendant que nous cherchons à inventorier des pratiques d’enseignement « innovantes », c’est un autre mot auquel je commence à être allergique, le fondement pour que ces pratiques puissent être pertinentes n’est même pas en place. Cela ne manque pas de provoquer une dérive des pratiques qui n’est pas sans effets sur l’absence d’un patrimoine de pratiques d’enseignement en formation professionnelle malgré plus de cinquante ans de pratiques.

L’enseignant a besoin d’une boussole pour s’y retrouver ainsi que les directions de centres. En l’absence d’un tel instrument je vous en propose un, le « BORD », pour choisir de quel bord vous vous dirigez dans la formation que vous donnez ou que vous gérez. Les points cardinaux de ma boussole sont B, O, R, D. Le « B » pour but, le « O » pour objet de la formation, le « R » pour les ressources nécessaires pour faire apprendre et le « D » pour démarche des pratiques pour faire apprendre. L’ensemble indique au milieu de formation qu’il doit se positionner par rapport à chacun de ces points s’il veut aider les enseignants dans la conception et la réalisation de pratiques optimales. Cette prise de position va aider les enseignants à se diriger dans les pratiques complexes à mettre en oeuvre pour que les élèves apprennent les savoirs de la compétence et ainsi développer leur compétence.

La suite de cet article va essayer d’éclaircir chacun des éléments du BORD pour aider à comprendre comment réorienter la dérive des pratiques d’enseignement à partir d’un tableau de bord de pratiques pertinentes et ainsi en arriver, enfin, à construire un patrimoine de pratiques en enseignement professionnel.

De quel BORD êtes-vous?

À suivre … « Les B.O.R.D. d’une situation d’enseignement/apprentissage »

Un aide-mémoire pour comprendre le savoir-être

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Poster Savoir-être

Ils ne sont pas motivés! 2. La bougie d’allumage

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Je pensais alors, à tort, que mon rôle était de transmettre mon métier et que c’était aux élèves de s’arranger avec le don que je leur faisais. J’ai fini par comprendre, avec le temps, que mon rôle n’était pas de transmettre mon métier, mais de le faire apprendre.  Mais pour apprendre, un élève a besoin de motivation et pour être motivé il faut apprendre. Cela semble constituer un paradoxe, mais il faut plutôt le prendre dans le sens de créer un mouvement perpétuel. Apprendre alimente la motivation et la motivation est nécessaire pour apprendre.

Il faut comprendre que la motivation ressemble un peu à un feu, il suffit d’une étincelle pour provoquer un incendie. Il s’agit de trouver ce qui provoquera l’étincelle, par la suite il suffira d’alimenter le feu avec soit du carburant, du comburant de la chaleur ou de savoirs, de contextes et de sens.

Je vous ai déjà indiqué la première motivation de mes élèves, c’était de recevoir un chèque et par la suite de résoudre leurs problèmes personnels, qui pouvaient être très variables d’un individu à un autre. Je vous ai déjà indiqué également que ces élèves avaient déjà vécu des expériences négatives avec l’école. Pour plusieurs, c’était un endroit d’échecs à répétition. Comme enseignant, je partais avec deux prises. La question  était de savoir ce qui pouvait motiver mes élèves à fournir les efforts nécessaires pour apprendre.

Lors de ma première année d’enseignement, à chaque foi que je demandais à mes élèves de réaliser une activité cela provoquait toujours une longue négociation pour débuter le travail. La question qu’ils me posaient à chaque foi était ( qu’est-ce que ça donne d’apprendre ça?). Je devais constamment justifier chacune des activités que je proposais.

Sans le savoir, cette situation m’a appris l’élément de base de l’organisation de toute formation, le sens. Pourquoi un élève apprendrait quelque chose dont il a la conviction que cela ne sert à rien? La réponse de beaucoup d’enseignants est de dire à l’élève d’apprendre maintenant et de comprendre plus tard à quoi cela va servir. Mais comment apprendre maintenant si je ne connais pas la pertinence de ce que j’apprends? Je pourrais seulement mémoriser l’information et régurgiter ce que j’ai mémorisé. Il faudrait que les examens soient réalisés rapidement après la mémorisation.

Il ne s’agit pas d’appliquer qu’une pédagogie unique de l’utilitaire, mais de provoquer l’étincelle de départ avec le sens et par la suite de l’alimenter avec l’intrigue et la quête de ce sens par l’élève. C’est de cette façon que j’organisais mon cours d’histoire du meuble. Au début je présentais un meuble, sa structure et sa fonction à partir d’une histoire qui était à l’origine de sa conception. Au lieu d’apporter des réponses, je suscitais le questionnement des élèves sur l’existence de ce meuble et de ses caractéristiques. Pourquoi le meuble existait? Qui s’en servait? Pourquoi les dimensions étaient différentes d’aujourd’hui? À quel endroit il était utilisé? Qui l’avait fabriqué? etc. La question doit toujours venir avant la réponse. Mais encore faut-il que ce soit des questions que l’élève puisse se poser. Les questions vont alors changer. Est-ce que j’ai besoin d’un meuble? À quoi va-t-il me servir? Est-ce que j’ai de la place pour le mettre chez-moi? Est-ce que je serai capable de le fabriquer? J’aurai besoin de quoi pour le fabriquer? Etc.

À suivre : 3. Motivation >  ou = Effort et Effort < ou = Besoin et désir

Je pensais qu’ils seraient mes amis : 4. Le respect à la place de l’amitié.

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Le type de relation que doit avoir un enseignant avec ses élèves est loin d’être évident. Apprendre c’est changer et changer c’est insécurisant. André Giordan exprimait dans son livre «Apprendre» que l’élève est seul à apprendre, mais qu’il ne pouvait apprendre seul. C’est tout là que repose le dilemme. Être un agent nécessaire à l’apprentissage sans être indispensable à l’élève.

Nous ne sommes ni un parent, ni une relation, ni un ami, ni un confrère et ni un patron. Qui sommes-nous? Certains parleront d’un guide, d’un mentor, d’un tuteur, d’un maître, d’un coach ou d’un compagnon. En ce qui me concerne, je parlerais plus d’un accompagnateur.

On suit un guide, mais l’élève ne devrait pas suivre un enseignant, car cela produirait une dépendance à toujours avoir quelqu’un en avant pour t’indiquer où aller. Le tuteur soutient à défaut d’autre chose. L’élève n’est pas un incapable, il est en apprentissage, il n’a pas besoin d’un tuteur. Il y a le coach qui donne des instructions et indique comment faire. L’élève doit apprendre à faire et à savoir, si l’on veut qu’il devienne compétent il ne doit pas suivre des instructions, il doit élaborer lui-même les actions de sa tâche. Le coach, par sa nature, occulte une part essentielle au développement de la compétence de l’élève. Ce dernier n’est pas en apprentissage pour se faire convaincre du bien-fondé d’une pratique ou pour appliquer des prescriptions d’un expert. Le mentor se doit d’être un modèle. Il est plus témoin d’une situation qu’un acteur. Finalement, le compagnon qui à l’inverse du mentor n’est pas un témoin, mais un acteur dans l’action.

L’accompagnateur ne répond à aucun de ces rôles et en même temps joue un peu tous ces rôles, selon la situation, sans créer de dépendance. L’accompagnateur est ni en avant, pour tirer sur l’élève, ni en arrière pour pousser dessus, ni au-dessus pour le dominer et ni en dessous pour le supporter, il est à côté pour l’accompagner. Il ne pourra aller plus loin que l’élève désire ou a besoin d’aller. Encore faut-il que l’élève sache où il désire aller. C’est dans cette optique qu’il est important que l’accompagnateur et l’élève disposent de la même feuille de route lui dressant l’itinéraire des apprentissages à réaliser, des intentions poursuivies, des buts à atteindre et, par conséquent, des efforts à fournir.

Le rôle de l’accompagnateur n’est pas de donner des réponses à l’élève à des questions qu’il ne se pose pas. Son rôle est de faire en sorte d’amener l’élève à se poser les questions des réponses qu’il faut qu’il apprenne. Il ne pourrait jouer ce rôle subtil s’il est perçu comme le roi et maître de la classe malgré le fait que c’est la perception qu’ont les élèves. On ne peut défaire aussi facilement des pratiques d’enseignement et des perceptions des élèves qui perdurent depuis des centaines d’années.

Combien d’enseignants sont heureux de ce rôle de maître? En plus de changer le rôle de l’enseignant, nous devons également changer le rôle de l’élève. Un maître à besoin d’élèves, un accompagnateur à besoin d’apprenants. Pour qu’un élève se transforme en apprenant il faudra mettre en place tout un dispositif qui permettra à ce dernier de jouer un rôle plus actif dans son processus d’apprentissage. L’enseignant est un médiateur entre l’apprenant et l’objet à apprendre. Le lien entre l’apprenant et l’accompagnateur est celui du respect mutuel et non de l’amitié. Respecter une personne c’est donner de la valeur à ce qu’elle est, ce qu’elle dit et ce qu’elle fait.

La suite : 1. Avancez en arrière!

Je pensais qu’ils seraient mes amis : 3. Allo la police !

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J’arrivais à l’école vers 8 h le matin. Les cours débutaient à 9 heures. Le magasinier est venu me voir pour m’indiquer qu’un élève était entré dans l’atelier à 7 h et était ressorti avec un gallon de colle et il s’était rendu dans son auto. Je suis allé voir avec le magasinier si nous pouvions repérer le récipient de colle par la fenêtre de son auto. Effectivement, le gallon était sur son siège arrière. Je suis allé avertir la direction et j’ai expliqué ce qui s’était passé.

Le directeur a convoqué l’élève dans son bureau pour lui demander des explications, ce dernier lui a dit qu’il m’avait demandé s’il pouvait prendre le restant de la colle pour son usage personnel et que j’avais accepté.

La direction m’a fait venir pour me demander si c’était le cas. Je connaissais très bien cet élève, nous savions, le directeur et moi, qu’il était à l’origine des troubles en classe. Vous compreniez bien que je n’étais pas enclin à lui faire des cadeaux. En plus, il affirme devant moi que c’était le matin même à 6h30 qu’il m’avait demandé cela.

Il avait un ton tellement sincère que je me suis mis à douter de moi un instant. Cela n’avait aucun sens, je serais venu à 6h30 le matin rencontrer le dernier élève que je désirais rencontrer, pour lui faire un cadeau, c’était absurde. La rencontre s’est terminée par une suspension d’une semaine de l’élève. Mais tout ne s’arrêta pas là.

Au début de l’après-midi, l’élève arrive à l’école avec deux policiers. Il demande de rencontrer le directeur avec moi. Il nous informe qu’il avait demandé aux policiers de l’accompagner, car il avait peur de nous. Il était venu nous rapporter quatre chaises qu’il avait «empruntées» dans la réserve où les élèves déposaient leurs projets qui étaient terminés. La situation était irréaliste, les policiers accompagnent un voleur pour le protéger de ceux qu’il a volés.

C’était la fin pour cet élève. Il a été renvoyé de l’école. Nous n’avons pas porté plainte pour le vol, mais nous avons porté plainte au chef des policiers pour le rôle inconsidéré des policiers dans cette affaire. Ils ont été suspendus pour trois semaines pour manque de jugement.

Je n’ai jamais revu l’étudiant en question. Je n’ai jamais su pourquoi un si bon manipulateur avait fait une gaffe aussi stupide. Cela demeurera toujours un mystère pour moi.

L’absence de cet élève du groupe d’élève a été très bénéfique. Les élèves eux-mêmes étaient heureux. Ils m’ont informé, par la suite, l’élève en question les intimidait et qu’ils en avaient peur, pourtant c’était tous des adultes. J’en ai profité pour reprendre le contrôle de ma classe. Mes élèves n’étaient plus mes amis. Mon rôle n’était pas de les aimer, mais de leur faire apprendre un métier. Vous me direz que l’un ne va pas sans l’autre, je vous dirais que les élèves adultes ont surtout besoin d’un enseignant ou d’un formateur qui a du leadership et que ce dernier manifeste du respect envers ses élèves.

À suivre : 4. Le respect à la place de l’amitié.

Je pensais qu’ils seraient mes amis : 2. Dehors l’incompétent !

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Étant donné qu’ils étaient des adultes, la formation était payée pas le Ministère du Travail et s’ils étaient en échec, ils seraient renvoyés du cours et perdraient ainsi leur prestation de formation. Je venais jouer dans le pain et le beurre de mes élèves. J’étais définitivement dans une zone dangereuse et je faisais face à l’agressivité du trois quarts de ma classe.

Cette agressivité ne s’est pas manifestée directement et immédiatement, cela a été beaucoup plus subtil. Cela a pris trois semaines pour que la contestation de mes élèves se concrétise sous la forme d’une missive du ministère de l’Éducation à ma direction d’école. L’auteur de la lettre spécifiait à ma direction qu’étant donné les déclarations signées des plaignants, mes élèves, il serait indiqué de remercier de ses services un enseignant aussi incompétent.

Je n’avais pas été convoqué par cette personne pour donner ma version des faits. J’avais été jugé et condamné. Mais ce n’était pas le Ministère qui avait un droit de regard sur mon embauche, heureusement, c’était la commission scolaire.

La direction de mon école connaissait mes façons de faire et c’est en partie pour cela que j’avais été engagé, pour mettre de l’ordre dans ce cours. Le directeur refusa de suivre les recommandations de ministère et me confirma dans mes fonctions malgré que les élèves avaient manifesté leurs désaccords par une manifestation avec pancartes et grève.

J’avais gagné mon point, mais il fallait que je fasse face à mes élèves pour continuer à donner mon cours. Les leaders de la manifestation ne correspondaient pas au profil des élèves contestataires. Comment était-il possible que des élèves sans histoire et collaboratifs devenaient du jour au lendemain des activistes d’une cause qu’ils n’avaient jamais revendiquée. Il était clair qu’il y avait un manipulateur ou une manipulatrice derrière leurs prises de position.

Effectivement, cela a pris un mois pour découvrir les vrais acteurs de ce putsch. La manière dont s’est déroulée la conclusion de cette histoire ressemble à la manière dont Al Capone s’est fait prendre. Ce dernier s’est fait prendre par son impôt. Ce qui avait été sa perte n’avait  aucun rapport  avec ses fautes alléguées.

De la même manière, l’élève qui était en faute, qui avait monté la classe et qui se servait des autres pour faire du trouble, c’est fait prendre à voler le fond d’un gallon de colle à 7 heure le matin. Nous avions identifié depuis un certain temps quel élève avait initié les troubles en classe, mais nous n’avions pas de preuve. C’est ce dernier qui nous a fourni la cause de sa perte.

À suivre … 3. Allo la police!

Je pensais qu’ils seraient mes amis : 1. Il était une fois …

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Il était une foi, un de mes élèves qui avait décidé de prendre le contrôle de mon cours. Comme j’ai déjà indiqué antérieurement, ma perception de mes élèves était qu’ils pouvaient être mes amis. Je faisais mes pauses avec eux ainsi que mes dîners. C’était très sympathique, au début.

Un moment arrive où il faut répondre à des obligations qui ne font pas l’affaire de tous. Au cours des trois à quatre premières semaines tout s’est bien passé. À un moment donné, certains se sont mis à arriver en retard, d’autres ne réalisaient pas les travaux demandés, certains ne respectaient pas les consignes et directives. Lorsque j’ai commencé à intervenir et à faire des remontrances, le trouble à commencer, mais pas des personnes que je pensais.

Certains élèves sont des spécialistes de la manipulation. J’étais loin de penser que des personnes pouvaient être aussi machiavéliques. À mes débuts, je l’avoue, j’étais un peu naïf et idéaliste. Je pensais que si j’étais gentil et amical avec mes élèves, ils me le rendraient et nous serions tous heureux. Aujourd’hui, je suis moins naïf, mais je demeure idéaliste. Je dirais que je suis maintenant un idéaliste pragmatique. Les enfants ne viennent pas au monde dans des choux et les élèves ne vont pas apprendre parce qu’on le demande gentiment de le faire. Dans un cas comme dans l’autre, c’est un peu plus compliqué et il faut changer le contexte.

La goutte qui a fait déborder le vase a été au moment de la remise des premiers résultats d’un examen. Comme dans tous résultats, ils y en avaient des bons, des meilleurs et des mauvais. Dans le fond, les seuls qui étaient satisfaits étaient les meilleurs, les autres n’acceptaient pas d’avoir de moins bonnes notes. Pour plusieurs, la contestation reposait sur le fait qu’ils avaient la bonne réponse, c’était la question qui était mauvaise. Finalement, si des élèves étaient en échec ou avaient réussi moins bien c’étaient de ma faute. Étant donné que c’était de ma faute, ce n’était pas à eux de payer pour mes erreurs.

Après de longues discussions stériles, j’ai perdu l’amitié du trois quarts de la classe. J’étais le méchant qui avait osé porter un jugement sur ce qu’ils étaient. Qui étais-je pour les juger? Un ami ne fait pas cela.

Il aurait fallu que je sois complaisant à leurs situations. Non seulement je n’avais pas voulu être complaisant, j’avais ajouté à leurs problèmes. J’étais devenu la cause la plus accessible de leurs problèmes.

À suivre :  Dehors l’incompétent!

Il y en a qui ne sont pas fait pour ce métier : 5. On fait quoi maintenant?

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À la suite de ce blocage, j’ai rencontré l’élève pour discuter avec lui de la suite des choses. Il m’a demandé de le laisser continuer malgré son échec, ce que j’ai refusé. Les règles étaient claires pour tous. Par souci d’équité, je ne pouvais faire un passe-droit. L’idée n’était pas de s’acharner pour que l’élève poursuive sa formation, il fallait comprendre ce qui ne marchait pas.

La classe comporte quinze élèves. Chacun observe ce qui se passe pour détecter les injustices potentielles. Lorsque les élèves se voient contraints de respecter des exigences et des consignes, ils vont se référer au plus petit dénominateur commun. Je veux dire par cela que ce que vous allez tolérer chez un élève sera vu par les autres comme une nouvelle condition acceptable. Vous tolérez qu’un élève arrive à une heure différente en classe, tous les autres vont arriver à cette heure dans un délai assez court.

Je lui ai demandé ce qu’il l’avait motivé à s’inscrire à un cours d’ébénisterie. Il m’a répondu qu’il s’était inscrit à ce cours, car la date du cours tombait bien et que la durée lui  permettait de patienter avant de s’inscrire au cours qu’il désirait vraiment. Il m’a informé que son vrai but était de suivre un cours comme moniteur de cerfs-volants. Son père fabriquait des cerfs-volants et il désirait former ceux qui voulaient les utiliser.

En ce qui me concernait comme enseignant mon rôle s’arrêtait là. Je l’ai dirigé vers un conseiller en orientation pour suivre des tests d’aptitudes et l’aider à préciser ses choix. Dans son cas, ce n’était pas qu’il n’avait pas le corps de l’emploi, il n’avait pas la tête à l’emploi. Je lui ai tout de même permis de se rendre au bout de ce qu’il pouvait faire dans les limites de la profession à apprendre, de sa santé et de sa sécurité ainsi que celle des autres.

La suite : Je pensais qu’ils seraient mes amis.

Il y en a qui ne sont pas fait pour ce métier : 4. 15 – 1 = 14 ou 1 – 15 = – 14

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Je ne voulais pas agir autrement avec lui qu’avec les autres. Ma stratégie était qu’il se rende compte par lui-même de la situation. J’ai toujours été convaincu que l’on ne devait jamais laisser un élève aller plus loin que ce qu’il était capable de faire. Dans ce sens, j’avais conçu un itinéraire des apprentissages dont les trois premières parties consistaient à maîtriser l’outillage manuel, électrique et les machines à bois. Ces trois éléments étaient la source de tous les dangers de blessure pour l’élève. La maîtrise de ces outils et machines assurait par la suite un travail sécuritaire et efficace.

Heureusement, pour lui, mon élève n’a pu se qualifier à l’utilisation des machines à bois. Il avait déjà pris deux fois le temps nécessaire pour les premiers apprentissages de l’itinéraire. La dernière activité était d’ajuster les couteaux de la dégauchisseuse. Cette activité devait durée quarante-cinq minutes, après trois jours il a déclaré forfait. Il avait des pansements sur tous les doigts. Ce n’était pas des blessures graves, mais elles étaient la manifestation de sa limitation.

Cette dernière activité n’avait pas seulement un caractère technique, mais elle mettait à l’épreuve la patience, la persévérance, la minutie et le souci de protection de l’élève. Ce sont ces éléments que je désirais mettre à l’épreuve beaucoup plus que l’aspect technique de l’ajustement des couteaux de la machine qui était seulement un prétexte.

À suivre : On fait quoi maintenant ?

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