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L’originalité de cette approche, entre autres, est qu’en plus de présenter un cadre nouveau à la formation, elle présente également comment faire développer la compétence. Ce « comment » s’articule autour d’une modalité de la formation, du transfert des apprentissages, de la réflexivité, du cycle d’apprentissage expérientiel, de situations de travail, de pratiques réelles et virtuelles, de l’évaluation en aide aux apprentissages, du contrôle des apprentissages par l’apprenant et de l’accompagnement. Ce concept de formation est mis en place pour favoriser, non seulement la capacité de réaliser les pratiques de la profession dans un milieu de travail, mais aussi le développement de la compétence de la personne pour qu’elle sache agir avec compétence.

Savoir agir avec compétence en tant que professionnel responsable dans une situation de travail suppose d’être capable de mettre en oeuvre des pratiques professionnelles pertinentes par rapport à une situation de travail à gérer, de mobiliser des ressources appropriées propres à la personne et à son environnement et d’atteindre des résultats attendus (livrable) pour répondre à des enjeux. Les résultats attendus et les enjeux à considérer sont décrits de manière explicite dans un programme. La mise en oeuvre des pratiques et la mobilisation des ressources seront favorisées par la modalité de formation-action que nous proposons.

La formation-action (Le Boterf, 2006) est une modalité de formation permettant de s’approcher le plus près possible de la construction des compétences. Par sa finalisation sur le traitement de problèmes ou de projets réels, elle constitue une remarquable opportunité pour entraîner à la combinaison et à la mobilisation de ressources pertinentes (savoir, savoir-faire…) pour créer et mettre en oeuvre des compétences.

Voici ce qui caractérise la formation-action :

1. Le  processus de formation est centré sur des situations de travail et la gestion des circonstances et des événements inhérents à la profession.

2. Les apprenants apprennent en analysant « grandeur  réelle » des situations et des risques qu’ils doivent être en mesure de gérer par la manifestation de certaines attitudes et par la construction de pratiques de travail pertinentes, sécuritaires et responsables.

3. Les risques et les situations de travail constituent des pivots autour desquels sont articulés des objectifs opérationnels d’action et de formation.

4. Une alternance est réalisée entre des temps de formation en salle, des actions en atelier, en laboratoire ou en entreprise ainsi que des études autonomes.

5. Le processus est itératif et non linéaire.

L’une des raisons du choix de la formation-action est de favoriser le transfert des apprentissages réalisés durant la formation dans les pratiques autonomes du participant à la formation. Le transfert des pratiques désirées, issues de la formation dans les pratiques effectives de l’apprenant, nécessite la mise en place des schèmes opératoires nécessaires. Le schème opératoire fait référence à une pratique mise en oeuvre pour gérer une situation. Le schème opératoire est ce qui sous-tend une pratique, ce qui l’oriente et ce qui l’organise. C’est un « modèle d’action », une « certaine façon de s’y prendre » que l’apprenant a construits au cours de ses diverses expériences d’apprentissage et qu’il a incorporés dans sa mémoire. C’est donc un ensemble organisé de règles, d’actions, d’hypothèses, de principes directeurs, de concepts clés, de raisonnements, de postures… qu’il peut mobiliser face à des types ou des catégories de situations susceptibles de se présenter. Lorsque ces schèmes opératoires auront été installés dans la mémoire de l’apprenant, ce dernier sera alors disposé à agir par rapport à certains types de situations en construisant les pratiques les plus adéquates.

Ces pratiques de travail sont constituées d’une séquence d’actions et de décisions qu’il mettra en oeuvre pour faire face aux exigences prescrites dans une situation de travail. Par rapport à une situation de travail donnée, plusieurs apprenants pourront mettre en oeuvre des pratiques de conduite plus ou moins distinctes et qui leur sont propres. Certaines pratiques peuvent être pertinentes, d’autres non. Selon le degré d’ouverture ou de fermeture de la prescription de la situation, les personnes disposeront d’une marge de manoeuvre plus ou moins grande. La gestion de la construction des pratiques de travail se fera en accompagnant les apprenants dans le processus de construction de la pratique selon la situation.

Le processus de formation-action ne relève pas du fonctionnement spontané. Il suppose une fonction d’accompagnement. Il s’agit ici de réunir les conditions nécessaires pour que l’apprenant n’apprenne pas seulement pour agir mais apprenne en agissant. La fonction d’accompagnement consiste, premièrement à aider l’apprenant à « nommer » ce qu’il fait, à déterminer les démarches qu’il met en oeuvre, à repérer les difficultés auxquelles il se heurte. Deuxièmement, à mettre l’apprenant en relation avec les ressources. Troisièmement, à fournir des apports directs de connaissances (théoriques, méthodologiques, techniques). Quatrièmement, à aider l’apprenant à choisir, à combiner et à mobiliser les ressources pertinentes pour agir avec compétence et cinquièmement, à aider l’apprenant à faire le point sur sa démarche et sur sa progression.

Le lien entre l’accompagnateur, l’apprenant et la situation de travail est l’utilisation de la réflexivité et du cycle de l’apprentissage expérientiel. L’utilisation de la réflexivité permettra d’améliorer la capacité de transfert des pratiques de travail de l’apprenant. Le transfert suppose, selon Le Boterf, la réflexivité, c’est-à-dire la reconnaissance d’une identité de structure entre des problèmes ou des situations, un large répertoire de solutions à des situations variées, une volonté et une capacité à caractériser les situations pour en faire des opportunités de transférabilité. La réflexivité, pour l’apprenant, consiste à savoir prendre du recul par rapport à ses pratiques, à ses représentations, à ses façons d’agir et d’apprendre. Il faut les mettre en mots, les mettre en formes figuratives et les soumettre à une analyse critique. C’est cette capacité qui rendra l’apprenant non seulement acteur, mais auteur de ses pratiques. Il créera son savoir-faire et développera sa compétence en leur donnant forme. La réflexivité n’est pas une simple reproduction, mais une reconstruction par conceptualisation. « C’est cette réflexivité qui lui permettra de réinvestir ses expériences dans des pratiques et des situations diverses » (Le Boterf, 2006). La réflexivité est une des composantes essentielles du développement de la compétence à exercer sa profession. C’est dans ce sens que ces activités réflexives, que nous appelons laboratoires, constitueront l’essentiel de la formation en salle en complémentarité avec les pratiques et les études personnelles de l’apprenant. Le cycle d’apprentissage expérientiel est utilisé pour exploiter au maximum la pratique et la réflexivité en salle de formation.

Le cycle d’apprentissage expérientiel débute par l’engagement de l’apprenant dans l’action avec l’analyse de situations de travail concrètes et une confrontation avec ses pairs sur les pratiques professionnelles pertinentes qui devraient y être associées. Deuxièmement, l’apprenant procède à une observation réfléchie de la situation par l’analyse des divers points de vue, de ses propres expériences et de celles d’autrui pour en tirer des données significatives pour la construction ou la correction de ses pratiques. Troisièmement, l’apprenant prend du recul par rapport aux expériences observées pour en extraire des données qui pourront se généraliser à plusieurs situations. Finalement, l’apprenant met à l’épreuve de la réalité les pratiques construites en les traduisant et en les interprétant en fonction des nouveaux contextes d’intervention dans la réalité.

Les situations utilisées, que l’on peut appeler mises en situation simulées ou reconstituées, consistent à reproduire virtuellement une situation réelle de travail avec un certain nombre de ses caractéristiques dont l’aménagement, les équipements, l’environnement, l’activité à réaliser et les situations problèmes à résoudre. La situation est un ensemble constitué par une ou des activités prescrites de travail à réaliser, un ensemble de critères de réalisation souhaitable et des résultats attendus qui sont spécifiés dans le programme. Ces situations de travail amèneront l’apprenant à utiliser ses connaissances générales et ses connaissances procédurales par la formalisation des pratiques qu’il envisage réaliser en expliquant comment il va s’y prendre, de manière opératoire pour agir avec compétence.

Le développement des compétences est un défi important en didactique. Il n’existe pas de recette. De plus le concept de recette est à l’opposé du concept de compétence. La compétence étant un pouvoir d’agir alors que la recette n’est qu’un « comment » agir.