Si vous suivez mon blogue, vous n’êtes pas sans connaître ma préoccupation pour la prise en compte des savoir-être en enseignement en formation professionnelle. J’ai animé un atelier la semaine dernière avec un groupe de 85 enseignantes et enseignants dans le domaine de la santé. L’atelier portait sur l’aide à l’apprentissage des savoir-être professionnels. Les échanges et les travaux ont été riches et fructueux.
À un moment donné, une question fondamentale a été posée, « Comment faire apprendre les savoir-être ? ». La réponse à cette question est simple à exprimer et en même temps difficile à réaliser. La difficulté ne tient pas au fait de la complexité, mais du changement nécessaire que l’enseignant doit réaliser dans sa posture comme pédagogue et dans ses pratiques didactiques. À la suite de mes travaux de recherche et de mes constatations, j’en suis arrivé à déterminer qu’un savoir-être peut s’apprendre en tenant compte de deux conditions. La première est de créer des situations didactiques (Brousseau, 1998) pour faire apprendre ainsi que des situations d’intégration ciblées (Roegiers, 2006) pour les faire appliquer. La deuxième, c’est celle qui m’intéresse dans le présent article, c’est l’exemple que l’apprenant aura, à partir des comportements de l’enseignant, pour savoir pourquoi, comment et quand le manifester.
Pour faire apprendre un savoir-être, l’enseignant doit être ce qu’il enseigne, au lieu d’enseigner aux élèves ce qu’ils doivent être.
En ce début d’une nouvelle année scolaire, il est important de se rappeler, comme je l’ai dit à mon groupe de travail, que l’objet d’apprentissage le plus marquant pour vos élèves, c’est vous même. En dehors des guides d’apprentissage, des évaluations, des ateliers, de la classe, des stages, etc., le plus marquant sera ce que vous êtes à travers ce que vous ferez avec eux.
Il faut que l’enseignant en formation professionnelle prenne conscience qu’il a été choisi comme exemple du métier à faire apprendre. Vous me direz que tous les enseignants n’ont pas cette perspective de leur enseignement. Justement, c’est peut-être parce qu’ils n’en ont jamais pris conscience. Un métier est plus grand que la somme des tâches à réaliser et des connaissances à acquérir. C’est ici que la nuance importante entre avoir des compétences et être compétent prend tout son sens. La fonction de l’enseignant n’est pas que l’élève ait les compétences inscrites dans un programme, mais qu’il soit compétent à faire le métier au seuil d’entrée sur le marché du travail.
Accessoirement, le diplôme vient confirmer que l’apprenant est compétent et non qu’il a seulement des compétences. La nuance est subtile dans son écriture, mais très réelle dans la vraie vie. Cette nuance s’inscrit également dans le concept de réussite, si important au ministère de l’Éducation. La réussite avec uniquement l’obtention du diplôme, sans la compétence réelle de l’apprenant, se transformera rapidement en échec dans la vie.
Cela fait en sorte que l’enseignant de la formation professionnelle est différent de celui de la formation générale, car il fait partie du contenu à faire apprendre. Il vient compléter ce que l’on ne retrouve pas dans les programmes ou dans les guides d’apprentissage. Il est ce qu’indique la première compétence d’un enseignant : « Celui qui agit en tant que professionnelle ou professionnel héritier, critique et interprète d’objets de savoirs ou de culture dans l’exercice de ses fonctions ».
Les programmes et les guides d’apprentissage présentent qu’une partie d’un métier en expliquant les connaissances que l’on peut expliciter et formaliser. L’enseignant est porteur des connaissances tacites et implicites du métier. Ce sont celles que l’on ne peut écrire et dire, il faut les vivres dans des situations pour les apprendre. C’est l’expert du métier, l’enseignant en formation professionnelle, qui peut faire un assemblage pertinent du savoir, du savoir-faire et du savoir-être dans une situation de travail signifiante, permettant ainsi aux apprenants de développer réellement leur compétence. L’apprenant pourra alors faire l’acquisition des connaissances nécessaires pour comprendre, appliquera les pratiques pour développer ses capacités et ses habiletés pour pouvoir faire et manifestera les comportements indispensables pour mener à bien la réalisation de ses responsabilités professionnelle. Tout cela est composé des savoirs explicites, tacites et implicites dont seul l’enseignant est en mesure de les assembler.
On ne devient pas compétent dans un métier en lisant dans des guides et en faisant des exercices. Il faut que l’apprenant devienne ce qu’est, professionnellement, son enseignant, beaucoup plus que ce qu’il communiquera de ce qu’il sait sur sa profession.
Pensez-y en cette nouvelle année scolaire, vos élèves apprendront beaucoup plus ce que vous êtes que seulement ce que vous savez. Vous êtes ce que vous savez. Si les apprenants apprennent ce que vous êtes, ils apprendront nécessairement ce que vous savez. Par contre, ils ne deviendront jamais ce que vous êtes en apprenants seulement ce que vous savez. Vous pouvez relire ce paragraphe plus d’une foi.
Il vous restera à régler la question qui tue : « Les élèves sont-ils intéressés à devenir ce que vous êtes ? »
Bonne année !
Sep 22, 2016 @ 16:41:42
En qualité de formateur d’adulte, je vous rejoins totalement sur votre manière de concevoir la transmission du savoir-être aux apprenants. Cette posture naturelle d’être » le métier que l’on apprend », c’est celle la même qui donne « envie d’être » aux apprenants.
Bien sûr, le savoir être professionnelle est à distinguer du savoir être personnel mais il en est une part quand il qualifie l’enseignant ou le formateur dans sa capacité à écouter, à observer, à reformuler, …
Merci très sincèrement de votre blogue qui est source renouvelée de réflexions et d’enrichissement.
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Août 29, 2016 @ 07:30:47
Très bon article qui me fait réfléchir sur certains comportements que j’ai en classe. Bon timing avec la rentrée scolaire. Salutations!
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Août 28, 2016 @ 14:21:11
Bonsoir
Merci pour vos remarques…je rebondis. …n est on pas dans une logique maître apprenti…..même si le mot lui même faut actuellement un peu peur.
Le modèle doit être dépassé par l élève.
Pour revenir à ma petite expérience cela le rappelle mon maître de stage. Il y a bien longtemps en France , pas d iufm (actuellement ESPE) mais une classe en responsabilité totale (seconde du lycée généralement pour les agrégés ) et chaque trimestre un stage dans trous établissements différents avec trois maîtres de stage…
Merci aussi pour votre blog et c est vrai j avais un peu oublié sa spécificité de formation professionnelle.
Très cordialement.
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Août 28, 2016 @ 14:42:00
C’est Léonard de Vincy qui a dit que l’on est un piètre maître si l’on n’accepte pas d’être dépassé par son apprenti.
C’est comme le mot formation, il peut prendre le sens de vouloir donner sa forme à l’apprenant ou lui apprendre à construire la sienne.
Il y a un petit livre de Mirieu qui est intéressante sur le sujet. « Frankenstein pédagogue ». En résumé, il présente le fait que lorsque l’on cherche à former quelqu’un à notre image nous en faisons généralement un monstre.
On voit ici toute la subtilité de faire apprendre. Tout n’est pas blanc ou noir, comme tente de nous le faire croire la grande diversité de méthodes et modalités appliquées en enseignement.
Il n’y a pas de bonne méthode ou de mauvaise, tout dépend à quel apprenant elle est destinée et pour faire apprendre quel objet spécifique.
Il faut développer des enseignants compétents et pour le devenir il faut qu’il apprenne à s’adapter.
Il est là le truc en enseignement.
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Août 28, 2016 @ 12:45:10
Être ce que l on enseigne…..belle formule mais qui me paraît assez dangereuse….enseigner n est il pas aussi un métier. ..part privée par publique peuvent et doivent être différenciées.
Quand j étais jeune normalien du temps où les instituteurs portaient la blouse on nous disait : pose ton veston et tous tes soucis et mets ta blouse
Bien sûr je ne nie pas la nécessité d une éthique professionnelle qui sans doute n est pas asse mise en avant dans le cursus français.
Nous enseignants sommes des êtres humains avec force et faiblesse….
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Août 28, 2016 @ 13:34:58
Mon texte traite de la condition enseignante au Québec. Enseigner est plus qu’un métier, c’est une profession. Il faut bien comprendre que je traite de formation et d’enseignement qui devrait se dérouler au XXIe siècle. Lorsqu’un enseignant de la formation professionnelle enseigne son métier aux élèves, il se doit d’arrêter de jouer au MAÎTRE d’une certaine époque. Un enseignant n’est pas qu’un transmetteur de connaissances et de pratiques, il est l’exemple du métier qu’il enseigne. C’est pour cette raison qu’à la fin de mon texte j’ai spécifiée si les élèves ont le goût d’être ce que vous êtes, et je spécifie, dans le métier que vous faites apprendre.
En formation professionnelle l’enseignant, avant d’être enseignant, est un spécialiste de sa spécialité.
Il ne faut pas confondre formation professionnelle et formation générale. Je ne traite pas de ce qui devrait se passer en formation générale. Je n’ai pas la compétence pour traiter de cela.
Dans mes textes sur les savoir-être, vous remarquerez que je distingue toujours savoir-être personnel et savoir-être professionnel. Lorsque je dis que l’enseignant doit être ce qu’il enseigne, je traite du métier qu’il veut faire apprendre aux élèves. Il faut comprendre le savoir-être professionnel et non le savoir-être personnel de l’enseignant. S’il enseigne les soins de santé, l’enseignant doit être l’infirmier que les élèves doivent apprendre à être, le mécanicien, la secrétaire, etc. L’enseignant doit être l’exemple du professionnel de la discipline dont il est issu.
J’espère avoir réussi à démontrer la nuance importante à faire.
Merci de votre intérêt à mes réflexions
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