Nous avons été conditionnés depuis notre enfance à faire ce qu’on nous dit de faire, lorsqu’on est en formation. Certains pourraient me dire que cela a changé, mais ce n’est pas ce que je constate dans les différentes formations que je donne. Les participants à une formation sont généralement passifs et attendent de voir ce qui va se passer. Comme m’a déjà indiqué un participant à une formation «… je sais ce qui va se passer, ça va être plate, ça va être long et j’apprendrai rien, c’est une perte de temps ! ».
Lorsque je donne des formations à des formateurs, je les amène à prendre en considération les parties de l’apprenant à considérer lorsqu’ils développent une formation. Les stratégies utilisées durant la formation doivent viser en même temps, la tête de l’apprenant, son cœur et ses mains.
L’apprenant ne doit pas être un spectateur qui observe le formateur, mais l’acteur de ses propres apprentissages. L’action et la compréhension doivent constituer la colonne vertébrale de toute formation.
Organiser une formation c’est faciliter le changement d’un groupe de personnes d’un état A, qui n’est pas satisfaisant, à un état B, qui sera satisfaisant. Pour que les personnes désirent changer, il faut faire plus que de leur dire ce qu’il leur manque, il faut qu’ils puissent s’en rendre compte. Il arrive souvent que les participants à une formation fassent un commentaire du genre « Qu’est-ce que ça donne d’apprendre ça? ». Ce que je nomme le « QCD ».
L’organisation d’une formation doit faire en sorte que les participants n’auront jamais à formuler cette question. En posant cette question, le participant vous dit que cela ne l’intéresse pas, car il n’en voit pas la pertinence et, par conséquent, il ne fera pas les efforts nécessaires pour apprendre. Il est important que le participant à une formation ne pose jamais cette question et qu’il puisse découvrir, grâce aux stratégies du formateur, qu’il a besoin de cette formation et le désir de réaliser les apprentissages. Le besoin et le désir sont les deux carburants qui alimentent l’énergie nécessaire pour réaliser les efforts pour apprendre.
Sans apprentissage, il n’y a pas de changement, sans changement, il n’y a pas de transfert possible des objectifs d’une formation dans le milieu de travail. Et sans le transfert dans le milieu de travail, la formation est inutile. C’est pour cette raison qu’il faut prendre au sérieux mon affirmation : « Tant qu’à donner de la formation, il serait intéressant que les participants apprennent aussi quelque chose! »
De joyeuses fêtes !
On se retrouve en 2017 avec un nouveau thème : L’environnement de formation.
Ghislaine
Déc 17, 2016 @ 06:52:24
On apprend tous des uns des autres. Il faut maintenir la bienveillance et la considération de l’autre.
Après un remplacement de deux mois en classe de CAP commerce, quel émerveillement pour moi!!! Des jeunes qui pleurent parce que je ne vais plus revenir…des cadeaux de leur part parce que je les ai juste considérer et tenu compte de leur expérience….des jeunes qui ont eu envie d’apprendre, à qui je pense avoir apporter une raison d’apprendre.
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Henri Boudreault
Déc 19, 2016 @ 18:02:03
C’est cela être professeur.
Je suis heureux pour vous que vous ayez pu vivre cet instant de grâce.
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Aurélien Grosdidier
Déc 17, 2016 @ 02:28:12
Je voudrais revenir sur la passivité lors de la formation, je crois important d’identifier la nature du rapport de transmission que recouvre le terme « formation ».
La formation est la standardisation dans un espace normé des
aptitudes et des compétences. Qu’il souhaite s’y conformer ou pas, la norme est initialement à l’extérieure à l’apprenant. Elle lui est « appliquée » par le formateur. L’apprenant ne saurait donc être actif: sa seule implication possible est au mieux désirer cette passivité.
Une transmission n’est pas vierge d’objectifs, elle est intentionnelle et donc support en elle-même d’un regard orienté sur le monde, c’est-à-dire d’une idéologie façonnée par le temps écoulé et qui incarne le « pourquoi » comme
déterminisme. La formation relève du « comment » (compétences) et du
prolongement de ce déterminisme, et l’éducation du « pour quoi »
(orientation et l’appropriation d’un but) et du dépassement du
déterminisme.
La formation: elle favorise donc l’apparition d’un espace
indifférencié dans lequel les « formés » sont davantage semblables (normés) que
complémentaires. Ils sont donc faits rivaux: leur singularité a été retirée, cette
violence ontologique implique qu’ils la reconquièrent pour « se gagner
soi-même » dans un rapport de violence à un autre indistingué de soi,
orchestré sous la norme sociale de la mise en compétition.
Bien différente de la formation, l’éducation au sens de « mener hors de » est un
affranchissement par le questionnement qui coûte l’abandon des croyances
et des fausses certitudes, c’est une ouverture intrinsèquement
subversive du sujet, simultanément vers sa propre singularité et vers
l’altérité.
Lorsqu’il est confronté à quelque chose qui le heurte, à la formation,
l’élève résiste par un mouvement latéral, une volonté d’échapper. À
l’éducation l’élève résiste, par un mouvement vertical (vers le bas). Ce
heurt est une expérience du réel que l’élève peut avoir la tendance de
rejeter pour lui préférer ce qui était avant l’expérience. Ce faisant,
il érige sa subjectivité comme norme. C’est un premier mouvement qui se
doit d’être dépassé par une mise en dialogue au service d’une
intelligibilité par appropriation. Sans ce second mouvement, la
normativité est celle de l’égo, issue du renoncement. Avec ce second
mouvement, la normativité devient dynamique et libératrice par contact
intelligible avec le réel, issue d’un renoncement qui rend tangible
l’altérité avant une mise en dialogue qui accepte, pour le dépasser, ce
dernier.
C’est la faim de ce dépassement qu’il s’agit de montrer, de montrer aux apprenants en quoi elle taraude. C’est une catalyse de conscientisation. Il ne s’agit pas de se (con)former, mais de devenir sujet. Je ne fais pas plus long, on peut en parler dans les commentaires ou en privé.
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Henri Boudreault
Déc 19, 2016 @ 18:00:06
Ouf!!
Je comprends votre propos, mais il me semble complexe pour mon blogue. Il faut comprendre que je traite de formation professionnelle. Ce qui distingue la formation professionnelle de la formation générale c’est que, premièrement l’élève fait le choix du métier qu’il veut exercer et deuxièmement, il est conscient que la compétence à développer est déterminée par la situation de travail vers laquelle il se destine. Si ce n’est pas son désir, il peut toujours faire, à l’extérieure du système, sa propre formation, de manière autodidacte, et essayer de faire reconnaître ce qu’il a bien voulu apprendre de la fonction de travail.
On s’entend qu’un métier ou une profession contient des contenus qui sont déterminés par les besoins du marché. Par contre, il y a deux angles où l’on peut aborder cette formation. Le premier est de répondre au besoin en main-d’oeuvre en formant des tâcherons que les entreprises pourront consommer à volonté. Vous comprendrez bien que ce n’est pas l’objet de mes propos dans ce blogue. Le deuxième, est de répondre au besoin de la main-d’oeuvre, c’est-à-dire de former des individus indépendants, polyvalents et conscients, en pleine possession de leurs moyens professionnels, pouvant offrir sa force de travail et son intelligence au plus offrant. L’approche par compétence nous oriente plus vers ce chemin que l’ancienne formation basée sur des objectifs. Les formateurs doivent passer d’une formation axée sur le résultat vers une formation axée sur la compréhension du processus pour adapter ses pratiques pour atteindre le résultat, peu importe la situation.
Je ne dis pas que c’est ce qui se fait, les vielles pratiques ont la vie dure. Le formateur ne doit plus être un transmetteur, nous ne sommes plus au moyen âge ou le maître transmettait le savoir écrit dans des livres que les gens ne pouvaient se procurer. L’apprenant ne doit plus être le spectateur passif d’un transmetteur, mais l’acteur et l’auteur de ses apprentissages. Le formateur se mutant en un accompagnateur concepteur d’environnement d’apprentissage.
C’est Saint-Exupéry qui disait, en gros, que pour montrer à des personnes à construire un bateau, il me s’agissait pas de leur montrer les techniques, les tâches et l’utilisation des outils, mais surtout de leur donner le goût du voyage. C’est comme cela que je vois le rôle de la personne qui fait apprendre à une autre son métier ou sa profession.
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Aurélien Grosdidier
Déc 20, 2016 @ 01:17:29
Merci d’avoir pris le temps de répondre. Effectivement, mon commentaire était un peu abstrait et je suis ravi que vous l’éclairiez par votre regard de praticien. Je me demande dans quelle mesure un réinvestissement terminologique permettrait de valoriser davantage votre pratique en la donnant à comprendre sous un jour nouveau. Je crois que l’intitulé « formation professionnelle » gagnerait à être remplacé. Comme je l’écrivais plus haut, il ne me semble pas être tant question de formation que d’éducation. Le terme « professionnel » est lui-même usé et source de malentendu (cf. https://www.linkedin.com/pulse/de-professionnel-%C3%A0-ren%C3%A9-villemure et mon commentaire à https://www.linkedin.com/pulse/de-professionnel-%C3%A0-ren%C3%A9-villemure#pulse-comments-comment-urn:li:comment:(article:7541261738980103557,6190354375093800960). Il ne devrait pas s’agir de conformer à l’acceptation d’une contrainte, mais d’entrainer à aimer. Je ne vois pas l’un et l’autre comme les « piles et faces » de la même pièce. Il me semble que le second est une abstraction au-dessus, séparé du premier par une couche de réflexivité qui contextualise simultanément l’action et l’identité et permet par la première la projection dans le monde de la seconde, donc son contact avec l’altérité, donc son devenir.
Pour le coup, ce commentaire n’est pas plus simple que le précédent, c’est juste une pensée comme ça en passant, ne vous sentez pas obligé d’y revenir, et si vous ne le faites pas: bonne continuation, je suis votre blog avec attention et grand plaisir 🙂
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