On me pose souvent la question sur la façon de faire apprendre le savoir-être. Suite à mes travaux de recherche, expériences et analyses, j’en suis venu à m’inspirer de la façon de faire apprendre à faire du vélo.
Il faut trois choses pour faire apprendre à faire du vélo. Premièrement, cela prend un apprenant, c’est-à-dire une personne qui veut faire du vélo et qui ne sait pas comment. Deuxièmement, il faut un vélo, vous me direz que c’est évident, mais ce que je constate de l’enseignement qui est fait des savoir-être on oubli souvent le vélo. Troisièmement, il faut un endroit approprié, un contexte, pour pouvoir faire du vélo, comme pour le savoir-être. En mots didactiques, il faut un sujet, un objet et un milieu, ici l’agent est le metteur en scène, non pas le transmetteur comme c’est souvent le cas. Lorsque l’on a voulu faire apprendre à faire du vélo à nos enfants, on s’est rapidement rendu compte qu’il ne suffit pas d’expliquer comment faire du vélo, il fallait que l’enfant embarque sur le vélo et en fasse. C’était un moment d’angoisse et de stress, pour le parent et pour l’enfant, comme avec l’enseignant et ses apprenants. En principe, l’enfant vous fait confiance et après plusieurs essais, l’enfant finit par comprendre et est en mesure de garder son équilibre. À la longue, il pourra assurer un contrôle de l’engin dans le contexte et finalement, avec le temps, deviendra habile sur son vélo en développant sa capacité à s’adapter à son environnement. On fournit un guide de montage du vélo, mais on n’indique jamais comment réussir à faire du vélo.
De la même façon, pour faire apprendre le savoir-être, nous pouvons expliquer les composantes en exprimant le comportement à manifester, le contexte qui le justifie, l’action qui y est associée, mais pour l’apprendre il faudrait faire vivre le savoir-être dans un contexte de travail artificiel ou réel. Le savoir-être est un savoir qui doit être appris implicitement. Il émerge du contexte qui lui donne un sens pour exister et pour être appris. On ne peut expliquer comment faire du vélo, mais on peut créer les conditions pour que l’on puisse l’apprendre. La personne qui a appris à faire du vélo est consciente de son apprentissage, mais elle n’est pas plus en mesure de l’expliquer. Cela démontre que ce n’est pas parce que l’on ne peut expliquer un savoir que l’on ne peut pas le faire apprendre ou que l’on ne l’a pas appris.
Les connaissances implicites sont dans la tête des personnes. Un apprentissage implicite est difficile à verbaliser, mais on peut facilement en observer la présence en contexte. Il est facile d’observer qu’une personne ne manifeste pas un comportement adéquat. La façon de lui faire apprendre les comportements adéquats n’est pas en lui indiquant ce qu’est le bon comportement, mais en la faisant raisonner, en situation, à partir des liens entre les circonstances d’un contexte, l’action à réaliser et le comportement à manifester. Le comportement seul n’a aucun sens si la personne n’est pas en mesure de faire des liens avec les circonstances.
Faire des liens c’est raisonner, c’est-à-dire faire des inférences. Il est plus facile pour une personne d’apprendre un savoir-être à partir d’une situation qu’elle vit pour comprendre le savoir-être à manifester. Le savoir-être s’apprend en partant de la généralité vers la spécificité plutôt que de partir des comportements, associés aux savoir-être, pour faire des liens avec les contextes où ils sont pertinents, c’est-à-dire de la spécificité vers la généralité.
Nous sommes généralement habitués à faire acquérir des connaissances spécifiques qui seront par la suite généralisées. Cela peut toujours aller pour le savoir en classe, un peu moins pour le savoir-faire, c’est pourquoi il y a les ateliers et les laboratoires, mais cela ne va plus pour le savoir-être, car il faut un contexte où le savoir-être pourra apparaître et ainsi être appris en classe, en atelier, en laboratoire et en entreprise.
C’est pourquoi la didactique professionnelle est une didactique des situations et non une didactique des disciplines. Cela démontre vraiment que le savoir-être est le chaînon manquant de la compétence professionnelle, c’est un apprentissage de haut niveau qui rassemble tous les savoirs avec la situation de travail. Il exige un changement de paradigme de la part des enseignants sur leurs pratiques et les environnements de formation. Comme le vélo il faut sortir dehors pour en faire, le vélo stationnaire vous garde en forme, mais ne vous apprends pas à en faire.
Sep 09, 2018 @ 19:49:21
belle analyse
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Jan 11, 2016 @ 14:57:06
Cette analogie avec la bicyclette me parle beaucoup ,merci beaucoup M.Boudreault!
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Jan 08, 2016 @ 15:13:06
J’ai bien aimé l’équation Action + Contexte = Effet, moi qui ai toujours cru que le contexte venait en premier et que l’action devait s’adapter au contexte. Merci M. Boudreault!
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