Malheureusement en formation professionnelle la maxime « La fin justifie les moyens » est souvent un mantra qui me semble pervers pour le développement de la compétence professionnelle des apprenants. Voulons-nous en faire des tâcherons ou des personnes compétentes ? Le constat que je fais est, que de se préoccuper que du développement des capacités et des habiletés des apprenants, nous les condamnons à la médiocrité ou à une formation très éphémère, ce qui revient.

On ne peut pas développer la compétence d’une personne qu’en se guidant sur la réussite d’une tâche, c’est le chemin pour s’y rendre qui importe. Piaget (1974) indiquait que « comprendre consiste à dégager la raison des choses; réussir ne revient qu’à les utiliser avec succès ». Ce qui me préoccupe ce sont les raccourcis que nous prenons souvent en formation devant le défi de la course au succès pour que l’apprenant ait son diplôme. À quoi sert un diplôme lorsque l’apprenant n’est pas en mesure de s’adapter au contexte de travail et à l’évolution du marché du travail ?

On pourrait définir le tâtonnement comme le fait de procéder à un travail de façon hésitante et sans méthode, à l’aveuglette. En d’autres mots, le tâtonnement est souvent le fait de la démarche essais et erreurs. Le danger de cette approche est d’augmenter le danger d’une action à l’autre. Après une réussite la personne se convint qu’elle n’a pas besoin d’apprendre comment faire, car le hasard bienveillant l’a amené au résultat attendu. Dans une action professionnelle, il y a la tâche à réaliser, la pratique à mettre en oeuvre, le résultat attendu et les circonstances de l’évènement à gérer qui suscite la tâche. Ce qui varie d’une tâche à l’autre ce sont les circonstances de l’évènement qui la commande. Lorsque l’on comprend ce phénomène, il est simpliste de penser que la réussite d’une tâche dans une circonstance est automatiquement transférable à toutes les tâches similaires. Cela était en partie vrai à l’époque du Taylorisme, mais erroné aujourd’hui.

Le processus itératif se définit comme étant la formalisation d’une séquence d’opérations exécutable à plusieurs reprises selon le besoin. Ce qu’il faut retenir est la construction de la séquence d’opérations par l’apprenant. Cette construction permet à l’apprenant de se construire des schèmes opératoires qui lui serviront pendant toute sa vie de professionnel. Le Boterf (2006) définit bien ce qu’est un schème opératoire :

  • C’est ce qui sous-tend une pratique, ce qui l’oriente, ce qui l’organise.
  • C’est un modèle d’actions, une certaine façon de s’y prendre que la personne a construit au cours de ses diverses expériences et qu’elle a incorporé à sa mémoire.
  • C’est un ensemble organisé de règles d’action, d’hypothèses, de principes directeurs, de concepts clés, de raisonnements, de postures qu’elle peut mobiliser face à des types ou des catégories de situations susceptibles de se présenter.

Pierre Pastré traite du fait d’être compétent en spécifiant que ce n’est pas de savoir appliquer un ensemble de connaissance à une situation, c’est savoir organiser son activité pour s’adapter aux caractéristiques de la situation.

À partir du moment où les apprenants en formation professionnelle sont en mesure de formaliser leurs pratiques, ils sont alors en mesure de comprendre et de les modifier et ainsi d’avoir le pouvoir de s’adapter et par conséquent de manifester de l’intelligence professionnelle.