Comme l’indique David A. Sousa dans son livre » Un cerveau pour apprendre », le processus cérébral passe d’un processus réflexif (relevant de la réflexion), à un processus réflectif (de l’ordre du réflexe). Généralement lorsque l’on réalise une activité pour la première fois, nous avons tendance à nous appliquer et à tenir compte de tout ce qui peut nous fournir des informations pour la suite des événements. Par la suite, après avoir réalisé cette activité à plusieurs reprises, nous nous habituons et nous réalisons l’activité de façon automatique. La conduite automobile en est un bon exemple. Rappelez-vous la première fois que vous avez conduit une auto. Vous vous attardiez alors aux moindres détails. Regardez-vous aujourd’hui, après plusieurs années, ce sur quoi vous portez attention. La majeure partie de vos gestes sont des automatismes. Vous êtes passé d’un processus réflexif, à un processus réflectif.
Un autre facteur vient jouer également sur l’état réflexe et l’état réflexif, c’est la quantité de temps disponible pour réagir. Selon mes constats, moins nous avons de temps pour réagir à une situation, plus nous ferons appel à nos réflexes (réaction élémentaire automatique), plutôt qu’à notre réflexivité. Nous sommes alors plus enclins à exploiter ce que nous sommes plutôt que ce que nous savons. Nous faisons appel, dans ces circonstances, à notre mémoire épisodique et nous évacuons ce que possède notre mémoire sémantique. Cela indique qu’en situation d’urgence nous exploitons ce que nous connaissons beaucoup plus que ce que nous savons. Savoir ne signifie pas connaître.
Je tenais à souligner ces points pour introduire une condition importante pour faire développer le savoir-être professionnel. L’environnement influence le comportement et la variation du temps disponible permet de percevoir si le comportement manifesté par l’apprenant est intégré et compris. Lorsque nous mettons en place les conditions pour favoriser le développement d’une conduite professionnelle propre à une identité professionnelle, il faut faire en sorte de pouvoir jouer avec les circonstances d’un environnement professionnel et sur le temps. Moins nous avons de temps pour agir, plus nous passons d’un état réflexif à un état réflexe. Le comportement professionnel doit pouvoir devenir un réflexe chez l’apprenant.
L’analyse de mises en situation théoriques, pour permettre à l’apprenant de comprendre le savoir-être, est très peu performante. Il faut pouvoir placer l’apprenant dans un environnement de travail où des événements professionnels vont se dérouler à des rythmes et des vitesses différentes pour ainsi favoriser le passage de l’état réflexif à l’état réflexe tout en exploitant le passage du processus réflexif, au processus réflectif.
Le savoir-être ne doit pas être seulement acquis, il doit faire l’objet d’une appropriation. Cette appropriation ne peut se réaliser que dans un environnement de travail artificiel pour pouvoir ainsi contrôler les événements et le temps, ce que ne peut offrir un environnement de travail réel. Ce qui m’amène à vous avertir que si vous pensez que c’est au moment où l’apprenant est en stage qu’il pourra être confronté aux savoir-être à manifester et ainsi l’apprendre, vous êtes dans l’erreur. La situation de travail réel fonctionne en temps réel. Placé dans cette situation, l’apprenant manifestera ce qu’il est et non ce que vous pensez qu’il aurait dû être avec ce que vous lui avez transmis, car il ne l’aura qu’acquis!
Sep 17, 2020 @ 03:54:12
Article très intéressant mais il me semble que dans le 3e §, une phrase est mal construite. « L’environnement influence le comportement et le temps disponible, plus il est court, permet de réellement percevoir si le comportement manifesté par l’apprenant est intégré à ce qu’il est ou simplement acquis. » Faut-il lire « L’environnement influence le comportement et le temps disponible. Plus il est court, moins il permet de réellement percevoir… » ou « L’environnement influence le comportement et le temps disponible. Plus il est court, plus il permet de réellement percevoir… » ? Merci pour votre éclairage.
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Oct 07, 2020 @ 14:02:06
Merci pour votre commentaire.
J’ai fait la modification.
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Juin 09, 2020 @ 10:47:04
Très intéressant cet article! Ça vient rejoindre ma philosophie de l’éducation. Je suis formatrice en entreprise et je conscientise les employés et les employeurs à cette approche poru qu’ils comprennent que les nouveaux employés sont en mode de survivant. Merci pour votre générosité!! Ça rejoint beaucoup ma pensée!
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Mai 02, 2020 @ 06:42:20
Bonjour M. Boudreault,
merci pour cet article, que je trouve très inspirant sur la possibilité de faire varier le paramètre temps dans l’environnement d’apprentissage, et sur son impact en termes d’appropriation.
Je trouve très judicieux le parallèle fait avec l’apprentissage de la conduite.
Je m’interroge cependant sur les dernières phrases, que je ne suis pas sûre de bien comprendre.
Selon moi, la phase d’appropriation se fait aussi en stage, puisque c’est un environnement où on peut alterner des phases de réflexion (plus de temps) et des phases de répétition d’expériences en temps plus contraint, voir en temps réel, donc d’appropriation. Certains réflexes peuvent commencer à s’acquérir en stage.
La répétition d’expériences en situation de travail réel, après le stage, poursuit l’appropriation et solidifie les réflexes.
Mais peut-être que nous n’avons pas en tête les mêmes exemples de stages?
Pourriez-vous préciser votre pensée sur les dernières lignes de votre article? Cela m’aidera sans aucun doute à comprendre.
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Juil 04, 2020 @ 09:32:43
Le stage, pour moi, est un aboutissement. Cela peut dépendre des professions, par contre. Il ne fait pas partie du processus d’apprentissage comme tel. Il vérifie si l’apprentissage a eu lieu et fait le lien entre ses conceptions et la réalité. Il permet le transfert des apprentissages dans des situations réelles. Si l’apprentissage n’a pas été réalisé avant, il ne se fera pas pendant.
Je parle ici dans un contexte de développement de compétences professionnelles. La réalité n’est pas porteuse de savoir en soi et l’on ne peut la comprendre qu’à partir du savoir que l’on a acquis et compris. Ce qui rend la phase d’apprentissage préalable à celle du transfert.Si ce n’est pas le cas, nous aurons l’illusion que le stagiaire aura appris, mais il n’aura que reproduit le geste conforme aux attentes dans un contexte particulier, mais il sera incapable d’inférence. Le développement de compétence va plus loin que la capacité et l’habileté. La réflexivité doit apparaître avant le stage pour qu’elle puisse être exploitée pendant le stage. C’est là toute la différence entre tâtonnement et itération.
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