On traite beaucoup de l’intelligence artificielle dont l’avènement va révolutionner le monde de l’emploi, entre autres. Il me semble avoir déjà entendu cela lors de l’avènement des ordinateurs. Contrairement aux prévisions, il s’est créé plus d’emplois que nous en avons perdus.

Pendant que d’un côté, nous faisons l’éloge de ce champ de recherche, qui existe tout de même depuis 1960, de l’autre, en formation professionnelle, on semble vouloir nous faire croire qu’un métier s’apprend par la formation individualisée, à distance ou en entreprises. Autant l’apprentissage profond a révolutionné l’intelligence artificielle depuis les années 2000, que l’ignorance profonde du processus d’apprentissage d’un métier ou d’une profession semble faire reculer la formation professionnelle. On veut rendre les machines de plus en plus intelligentes et faire abstraction du développement de l’intelligence des utilisateurs. Le développement de l’intelligence artificielle n’a pas pour but d’éliminer l’intelligence humaine, mais plutôt de la faire avancer.

Si l’intelligence artificielle vise à permettre aux ordinateurs d’apprendre à apprendre, il me semble que c’est le minimum que nous devrions viser pour les personnes en formation professionnelle. Apprendre à apprendre ce n’est pas apprendre seul ou sur le tas. Pour apprendre à apprendre, il faut être accompagné, par une personne significative, dans un processus qui permet à l’apprenant de trouver du sens et de comprendre ce qu’il doit apprendre. Il pourra devenir un citoyen qui pourra jouer un rôle important dans le milieu de travail où il oeuvrera et dans sa communauté. Ce qu’il pourra offrir à son milieu de travail c’est son intelligence professionnelle. Encore faut-il qu’on lui ait permis de la développer.

Développer l’intelligence professionnelle c’est plus que d’acquérir des connaissances et développer des habiletés. L’intelligence professionnelle c’est d’apprendre à penser son métier et d’adapter ses pratiques de travail aux circonstances d’une situation de travail. Nous ne sommes plus à l’ère ou on doit entrainer les élèves à faire des tâches, c’est plutôt le moment d’élever les élèves à la compréhension du travail et de son rôle dans l’évolution de sa profession.

Il ne faut pas avoir peur que la machine nous dépasse, il faut tout simplement dépasser la machine. Pour cela, il faut investir dans le développement de l’intelligence professionnelle.  Faire en sorte de travailler avec le cerveau de nos élèves plutôt que seulement avec leurs habiletés motrices. Pendant que l’intelligence artificielle travaille à comprendre le fonctionnement de l’apprentissage, nous avons seulement comme problème, en formation professionnelle, de travailler sur le carburant, c’est-à-dire la motivation et le sens. L’intelligence professionnelle travaille avec des élèves qui sont des machines à apprendre, mais qui ont de la difficulté à se mettre en marche, l’intelligence artificielle a des machines qui marchent, mais qui ont de la difficulté à apprendre. Je pense que cela sera moins dispendieux de mettre en marche nos machines à apprendre.

Notre quête est de susciter la motivation nécessaire chez l’apprenant pour qu’il désire et trouve le besoin de fournir les efforts nécessaires pour apprendre.

Ce ne sont pas les emplois qui vont changer, mais plutôt les tâches dans ces emplois. Comme l’indique Ravin Jesuthasan dans le journal La Presse du 20 mars 2018, les tâches de ces emplois seront créées, substituées ou enrichies. Il faudra apprendre à nos élèves à s’adapter. Ce n’est pas nouveau, c’est la finalité même du développement de la compétence professionnelle.

Pendant que l’intelligence artificielle se consacrera à reproduire et extrapoler des actions, le développement de l’intelligence professionnelle devra permettre aux élèves de toujours être un pas en avant de l’impact de l’intelligence artificielle dans son métier en lui permettant de s’exprimer, de s’adapter, de créer, d’avoir une pensée critique, d’entrer en relation avec les autres et d’innover.

Commençons à travailler sur l’intelligence professionnelle pour que nos élèves soient toujours plus intelligents que les machines qu’ils utiliseront.